Pendant des années, l’actualité de Juul a occupé nos colonnes. Après son ascension fulgurante et sa chute vertigineuse, que devient l’entreprise aujourd’hui ?
Les origines
Juul a été fondé par James Monsees et Adam Bowen, deux étudiants en design de l’université de Stanford. À l’origine, les deux hommes avaient lancé l’entreprise Ploom Inc., en 2007, avec l’idée de créer une alternative moins nocive à la cigarette. Finalement, en 2012, c’est vers le secteur du cannabis qu’ils se tournent, en fabriquant le PAX, un vaporisateur à herbes, qui se révèle rapidement être un succès commercial.
En 2015, Ploom change de nom et devient Pax Labs. C’est cette année que la première cigarette électronique Juul voit le jour. Là encore, le succès est immédiat. Un format « clé USB » novateur, aucun bouton, un usage simple, et un taux de nicotine élevé (59 mg/ml). Le tout est enrobé d’un marketing lifestyle qui fait mouche chez une nouvelle génération. Deux ans plus tard, face au succès, une scission s’opère. Alors que Pax Labs se recentre sur le cannabis, la partie cigarette électronique est déléguée à Juul Labs, qui devient ainsi une société indépendante.
Entre les années 2017 et 2018, Juul connaît son âge d’or. À cette époque, l’entreprise passe de 32 % de parts de marché à près de 70 %. Aux États-Unis, lorsqu’on vapote, c’est avec un Juul. Les levées de fonds s’enchaînent, faisant grimper la valorisation de l’entreprise à plus de 15 milliards de dollars. De quoi attirer l’attention des grands groupes, dont le cigarettier Altria, qui investit alors 12,8 milliards dans la société. Nous sommes en décembre 2018.
Les problèmes
C’est à partir de l’année suivante que les choses se corsent. Si le succès de Juul attire les fonds, il attire aussi les autorités. En septembre 2019, la Food and Drug Administration (FDA) envoie une lettre au CEO de l’entreprise, l’accusant de publicité trompeuse et de marketing ciblant les jeunes. Très vite, les problèmes s’accumulent. À la fin de cette année, Juul est traîné en justice par plusieurs États américains, pour avoir favorisé une « épidémie de vapotage chez les mineurs. »
À cette époque, les premières réactions de l’entreprise s’opèrent. Juul retire plusieurs saveurs jugées attractives pour les jeunes (mangue, crème, fruits…), et met en place un contrôle d’identité renforcé à l’achat, notamment en magasin. Malgré ces mesures, les pressions s’accumulent et l’entreprise est rapidement cataloguée comme étant motrice de l’augmentation du nombre de vapoteurs chez les jeunes. En parallèle, Juul se retire de nombreux pays d’Europe, dont la France et l’Allemagne, par exemple, en 2020. Nous avions d’ailleurs interviewé les dirigeants de l’entreprise lors de leur arrivée dans l’Hexagone.
Entre 2021 et 2022, l’entreprise fait face à de nombreux procès. Au cours de ces deux seules années, elle règle près de trois milliards de dollars à ses accusateurs au cours de différents procès et accords.
22,5 millions à l’État de Washington, 40 millions à celui de Caroline du Nord, 438,5 millions à 34 États et territoires, et même 1,7 milliard de dollars afin de régler un litige massif qui concernait environ 10 000 plaignants, particuliers comme autres victimes alléguées, écoles, collectivités, etc. En avril 2023, Juul verse à nouveau 462 millions à six États américains en plus de Washington D.C.
En parallèle de ces nombreux procès, la FDA s’active. À partir de juin 2022, elle émet une ordonnance qui interdit la commercialisation de tous les produits Juul sur le marché américain. Une ordonnance qui est annulée le 6 juin 2024, mais qui n’autorise pas pour autant le retour des produits sur le territoire. L’organisme accepte simplement de reprendre l’évaluation scientifique des pods Juul dans le cadre d’une potentielle PMTA, au lieu de tout simplement les bloquer.
Fuir les USA pour mieux rebondir ailleurs ?
Si l’entreprise est acculée, elle continue pourtant de développer des produits. En 2021, la deuxième version du Juul est lancée. Sobrement baptisée JUUL₂, elle se dote d’un taux de nicotine réduit (18 mg/ml) ainsi que d’une puce permettant de vérifier l’âge de l’utilisateur. Le produit est lancé au Royaume-Uni et au Canada. Si son succès est peu documenté au Canada, sa vente au Royaume-Uni est étendue aux magasins physiques en plus du web, signe d’une relative réussite.
En novembre 2023, le fabricant tente son retour aux États-Unis, le marché qui l’a vu naître. Il dépose une demande d’autorisation de commercialisation (PMTA) auprès de la FDA, toujours en attente aujourd’hui.
Une renaissance incertaine
Si Juul a su se débarrasser de plusieurs de ses boulets juridiques, sa situation reste fragile aujourd’hui. L’entreprise est toujours au cœur d’une poursuite collective aux États-Unis, qui fait peser sur elle un risque financier non négligeable.
Altria, son partenaire, s’est retiré de l’entreprise avant d’investir chez NJOY, devenant alors un concurrent.
Environ 30 % des effectifs de Juul ont été remerciés au cours des dernières années, et ses produits ne sont toujours pas autorisés aux États-Unis.
Aujourd’hui, Juul n’est plus que l’ombre de la start-up qui avait révolutionné le vapotage.
L’entreprise existe toujours, tente de se reconstruire, et mise tout sur le JUUL₂ pour reconquérir un marché américain qu’elle n’a jamais vraiment quitté des yeux. Mais entre les procès en cours, une réputation abîmée, des effectifs réduits et un produit toujours interdit outre-Atlantique, l’avenir reste incertain.
Rien ne dit que Juul renaîtra de ses cendres. Mais après avoir dominé un secteur entier avant de s’y brûler les ailes, elle cherche encore à prouver qu’elle mérite une seconde chance.
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