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Banques et professionnels : de l’amour vape à l’amour vache

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Quelles sont les relations entre les entreprises françaises de vape et leurs établissements bancaires ? Il y a quelques années, ouvrir un compte relevait déjà du parcours du combattant, obtenir une facilité de caisse, de l’exploit, et un prêt, du miracle. La situation a-t-elle changé ? En réalité, c’est compliqué.

Nous avons interrogé les professionnels de la vape pour leur poser la question : “Et avec votre banque, comment ça va ?” Nous avons également demandé aux banquiers si la vape, ils aimaient.

Le grand silence des salles de coffres

À ce stade, il convient de clarifier un point absolument essentiel : cet article n’est pas une publicité pour le CIC. Mais à notre grande surprise, il s’est avéré que cet établissement reçoit les comptes bancaires de toutes les sociétés de cigarette électronique qui ont accepté de répondre à nos questions.

Notre demande d’interview n’a reçu pour réponse qu’un silence pesant.

Dès lors, il convenait de se poser la question : les autres banques refusent-elles d’avoir affaire avec les professionnels de la filière ? La réponse est tout sauf franche et claire, bien au contraire.

Dans un premier temps, nous avons tenté de joindre les sièges des banques en expliquant que nous voulions leur poser des questions sur la façon dont elles abordent le secteur de la vape. Cette démarche n’a reçu pour réponse qu’un silence pesant.

Il existe à la fois une politique sur la vape et une omerta.

Dans un second temps, nous avons contacté des établissements en prenant pour prétexte le secteur des nouvelles technologies et de la réduction des risques liés à la santé. Une fois en ligne avec un cadre dirigeant, la question de la politique de la banque sur la vape a été posée, donnant lieu à chaque fois à une scène cocasse : un cadre bredouillant que ce n’est pas son rayon, qu’il s’excuse, mais qu’il avait mal compris l’objet de l’interview…

En un mot : parmi les grandes banques que nous sommes parvenus à joindre, il semble effectivement qu’il existe à la fois une politique sur la vape et une omerta. Une politique non assumée, donc, au niveau national.

Phileas et les banques

Xavier Mondy, associé gérant de Phileas Cloud et Phileas Pro, a une histoire particulière. “Nous étions basés en Alsace, et clients du Crédit Mutuel, explique-t-il. Pour des convenances personnelles, nous avons souhaité déménager, nous-mêmes et la société, en Bretagne.”

Les sociétés Phileas sont alors domiciliées de façon bancaire au Crédit Mutuel de l’Est. “Naturellement, une fois arrivés dans le Finistère, nous nous sommes adressés au Crédit Mutuel de Bretagne pour ouvrir un compte et faire le transfert. Mais le CMB nous a donné une fin de non-recevoir”, relate le dirigeant de Phileas.

L’excuse qu’on nous a donnée, c’est que le système de paiement par cartes bleues est interdit pour la vape, chez eux.

Pas franchement un regret, néanmoins, pour Xavier Mondy. “Au Crédit Mutuel, ils étaient toujours là pour prendre l’argent, mais les relations étaient pourries”, déplore-t-il.

Le Crédit Mutuel est une banque fédéraliste, organisée en 18 régions, chacune ayant son autonomie, mais se rangeant sous l’autorité d’une confédération nationale. Exception faite du Crédit Mutuel Arkea, qui compte la Bretagne et le Sud-Ouest, faisant cavalier seul au point qu’Arkea a tenté, en vain jusqu’à présent, de prendre son indépendance et de devenir une banque distincte à part entière. Ceci peut expliquer les différences de politique.

On se rend compte que, dans la vape, on est toujours des parias.

“L’excuse qu’on nous a donnée, c’est que le système de paiement par cartes bleues est interdit pour la vape, chez eux”, ajoute Xavier Mondy. Une justification de la banque qui tient difficilement la route : les clients Crédit Mutuel ne semblent avoir aucune difficulté à payer dans les boutiques de vape… ou chez les buralistes.

“Finalement, après avoir démarché quelques banques, nous sommes devenus clients au CIC. Mais, depuis dix ans, on a appris à faire sans les banques”, constate Xavier Mondy.

D’ailleurs, il rappelle qu’il y a deux-trois ans, il a voulu obtenir un prêt bancaire personnel pour s’acheter une maison. “Il a été refusé bien que nous remplissions toutes les conditions d’apport et de revenus, largement, même. On se rend compte que, dans la vape, on est toujours des parias. Je pense qu’il y a un amalgame qui se fait avec le CBD, en plus, depuis un moment, et qui n’est pas non plus spécifique pour la filière”, déplore-t-il.

814 et une banque

Chez Distrivapes, connu pour ses liquides 814, on est aussi client au CIC. Frédéric Chichocky, le directeur, étant absent, c’est Arganne Coat, son assistante de gestion, qui nous répond. Et d’emblée, elle annonce la couleur avec un grand “ça se passe bien !”

“Quand Frédéric a créé sa société, je n’étais pas présente, donc je ne pourrais pas dire s’il a été nécessaire qu’il démarche plusieurs banques avant d’en trouver une qui l’accepte”, explique-t-elle.

On est toujours bien reçu, l’équipe est sympathique, à l’écoute.

Arganne Coat travaille chez Distrivapes depuis 2016, et depuis, elle a toujours vu la société dans la même banque.

Sur les rapports avec leur établissement, “ça se passe bien”, confirme Arganne Coat. “On est toujours bien reçu, l’équipe est sympathique, à l’écoute, on nous propose un petit café, en un mot, nous n’avons aucunement l’impression d’être problématiques ou pestiférés, souligne-t-elle. J’ai peu d’expérience avec les banques. Dans mes expériences professionnelles passées, j’étais plutôt dans les laboratoires, j’ai donc peu de points de comparaison, mais les relations avec la nôtre m’apparaissent comme normales et plutôt bienveillantes.”

L’écovapoteur n’économise pas ses efforts

Fanny et Cédric Laot, dirigeants du réseau de boutiques L’écovapoteur et de la marque de liquides Starvap, sont, eux aussi, clients au CIC. “Je dirais qu’ils sont assez novateurs. Quand nous avons créé la société, ce sont eux qui sont venus à nous, précise Cédric Laot. Quand nous avons débuté notre activité, et que nous démarchions les banques, nous avons essuyé plusieurs refus de la part d’autres banques, dont le Crédit Mutuel de Bretagne.”

Entre 200 et 250 passages TPE par jour, c’est rentable pour une banque.

Un point intéressant à soulever : les Laot sont une famille d’entrepreneurs assez importante et Cédric arrivait auréolé d’un passif favorable. Mais seul le CIC les a suivis, littéralement.

“On est pourtant des entreprises intéressantes pour eux, constate Fanny Laot. Entre 200 et 250 passages TPE par jour et par magasin, sachant que, que ce soit en Carte Bleue ou en sans contact, la commission est la même, c’est rentable pour une banque.” Et le tout multiplié par six magasins.

On aurait pu ouvrir 20 boutiques, avec la banque qui suit derrière.

En revanche, concernant les relations avec la banque, la sentence est laminaire : “Une banque est une banque, lâche Fanny Laot. Ce qui plaît à la banque, ce sont les ouvertures de boutiques, que l’on fait assez régulièrement. Pour le reste, on est assez peu dépensiers, notre plus gros investissement, c’est le personnel.”

“On n’est pas du genre à demander un crédit et dépenser à tout va, ajoute Cédric Laot. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Si on voulait, on aurait pu ouvrir 20 boutiques, avec la banque qui suit derrière. Mais notre politique, c’est d’être constants.”

“Alors, les 20 ouvertures, c’est sans moi ! (rires) Mais oui, les banques suivraient. Ceci dit, ils apprécient qu’on soit prudents, complète Fanny Laot. On n’investit pas dans quelque chose uniquement parce qu’on peut le faire, mais parce que c’est utile et cohérent”.

Cigatec, la reconnaissance professionnelle

Thomas Cornec, responsable commercial de Cigatec, réseau de boutiques de vape et distributeur, aime sa banque. “On est au CIC (pour rappel, cet article n’est pas un publireportage pour le CIC, ndlr), qui ne nous a jamais laissé tomber même quand ça allait mal. Ils ont toujours été de bon conseil, et surtout ils ont cru en notre potentiel. Du coup, on a sorti notre conseiller de l’époque du tabac pour le remercier (rires). Sincèrement, il y a quelques années, on était dans le rouge grave et ils nous ont trouvé des solutions. Alors on reste fidèles.”

Le témoignage est intéressant : il démontre que la banque, concrètement, croit au potentiel de l’entreprise et s’est impliquée pour assurer sa pérennité.

En gros, ça va

Du côté des grossistes, le sujet est sensible… et difficile de trouver quelqu’un pour en parler. Mais nous avons quand même trouvé un cadre qui a accepté de parler, sous couvert d’anonymat. “Pour faire simple, les banques ont refusé la vape sous couvert d’éthique, confie-t-il. C’est une plaisanterie lorsqu’on sait qu’ils ont des comptes d’industries bien plus dangereuses que nous. La vérité, c’est que l’instabilité de la réglementation d’un côté, et la pression de gros comptes de l’autre, fait qu’ils ne veulent pas contrarier des clients plus riches que nous. Mais ils se rendent compte, aujourd’hui, du volume du marché et de l’intérêt que ça représente pour eux. Nous avons eu une proposition d’une banque, qui est venue nous démarcher chez nous, de scinder notre activité en deux, d’un côté le matériel, et de l’autre les liquides, sous le couvert de deux entreprises différentes. La banque aurait hébergé le compte matériel, sous l’appellation générale produits électroniques. Ça a été un non ferme.”

Et ailleurs ?

Dézoomons un peu et allons voir hors des frontières de l’Hexagone si ce problème entre la vape et les banques existe aussi à l’étranger.

En Suisse, les relations semblent plus détendues. “En Suisse, ça se passe bien, les banques sont assez bienveillantes, explique Alain Vogel, directeur de La Fabrick à Vape. Ici, la vape est considérée comme un business semblable aux autres.”

Les entreprises de vapotage en Grèce sont traitées comme toutes les autres entreprises par toutes les banques.

Un portrait presque idyllique, mais avec tout de même une petite subtilité. “Le seul problème est d’obtenir un système de paiement par Carte Bleue pour les sites de vente en ligne. Il faut s’acquitter d’une surtaxe de 1 000 euros par an”, précise Alain Vogel. Et ceci pour une raison très simple. “En Suisse, les transactions par cartes bancaires transitent par l’Allemagne, qui, disons-le clairement, n’a rien à faire de la législation locale. Ils appliquent la réglementation européenne en Suisse, et ce, même si la Confédération helvétique ne fait pas partie de l’Europe”, ajoute-t-il.

Mais il existe un dérivatif. Les boutiques de vape suisses utilisent beaucoup Twint, qui est une application de porte-monnaie virtuel, et qui permet des paiements en ligne par QR code, sans transiter par les cartes de crédit; l’application est directement reliée au compte en banque.

En Grèce, Tasos Psychogyiopoulos d’Atmizone est plutôt rassurant : “Jusqu’à présent, les entreprises de vapotage en Grèce sont traitées comme toutes les autres entreprises par toutes les banques, bien sûr à condition qu’elles aient une activité légale, approuvée par les services fiscaux et la chambre de commerce, etc.” Prendre pour prétexte une éventuelle réglementation européenne serait donc une fausse excuse.

Quelles alternatives ?

Et si, demain, toutes les banques décidaient de ne plus ouvrir de compte aux boutiques de vape ? Il existe une alternative, qui est stipulée par les articles L312-1, D312-5 et R312-6 à R312-8-2 : le droit au compte.

Un entrepreneur qui souhaite ouvrir un compte bancaire professionnel et qui se voit opposer un refus par les banques, dès lors qu’il n’est pas interdit de gestion d’une entreprise et qu’il ne souhaite pas exercer une activité illégale peut demander à la Banque de France de désigner un établissement bancaire qui sera tenu d’ouvrir un compte à l’entreprise.

Celui-ci devra proposer un certain nombre d’opérations de base gratuitement, et devra fournir, si l’entrepreneur en fait la demande, des services optionnels, comme le paiement par Carte Bleue, au tarif en vigueur dans son établissement, sans droit à surtaxe ou à imposer des conditions particulières.

Les chefs d’entreprise qui se retrouveraient dans ce cas de figure doivent s’adresser à la succursale de la Banque de France la plus proche du siège social de leur entreprise. Il est probable que les relations ne seront pas chaleureuses entre le patron et sa banque désignée d’office, mais… c’est mieux que rien.

Il est toutefois ironique que, dans un système considéré comme libéral, les banques soient les entreprises qui le sont le moins.

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