La cigarette électronique en Italie

Une législation qui évolue doucement

A cause d’une réglementation injuste de la cigarette électronique, durant plusieurs années, le nombre de fumeurs n’a cessé de croître en Italie, lorsqu’il diminuait dans la majorité des autres pays d’Europe.

Du changement dans l’air

Pendant des années, la situation de la cigarette électronique a été particulièrement complexe en Italie. Parce que le vapotage était considéré comme le tabagisme, le secteur a eu beaucoup de mal à se développer.

Depuis 2018, sous l’impulsion de Matteo Salvini, à l’époque vice premier ministre, les choses évoluent doucement. Désormais, le vapotage est considéré à part du tabagisme.

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Italie : baisse des taxes sur la cigarette électronique

Photo de la cathédrale de Milan
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Dans un souci d’équité économique et de santé, le gouvernement a décidé d’annuler l’augmentation des taxes intervenue plus tôt cette année.

Les dernières nouvelles de la cigarette électronique en Italie.

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L’Italie : De pionnière à frileuse face à la réduction des risques

L’Italie présente un parcours paradoxal dans la lutte contre le tabagisme. Pionnière au début des années 2000 avec l’adoption de mesures strictes contre le tabac dans les lieux publics, la péninsule s’est progressivement orientée vers une approche restrictive vis-à-vis de la cigarette électronique et des stratégies de réduction des risques. Aujourd’hui, face à une augmentation préoccupante du tabagisme et à une taxation parmi les plus lourdes d’Europe sur les produits de vapotage, le pays se trouve à un carrefour de sa politique de santé publique.

Un taux de tabagisme préoccupant en hausse

Selon les données de l’Institut national de statistique datant de 2023, presque un Italien sur cinq fume actuellement, soit environ 19% de la population adulte. Plus alarmant encore, le ministère de la Santé italien a révélé en 2022 que près d’un Italien sur quatre était fumeur, soit 25% de la population, marquant le pourcentage le plus élevé depuis 2006. Cette tendance à la hausse représente un échec patent des politiques de lutte antitabac menées ces dernières années.

Les chiffres sont d’autant plus préoccupants que le pays enregistre 800 000 nouveaux fumeurs depuis deux ans. Après avoir connu une baisse continue entre 2005 et 2021, la prévalence tabagique a ainsi inversé sa courbe, témoignant d’un relâchement dans les efforts de prévention et d’accompagnement des fumeurs. Cette résurgence du tabagisme intervient dans un contexte où l’Italie comptabilise chaque année environ 93 000 décès imputables au tabagisme, selon les données officielles du ministère de la Santé.

Cette situation place l’Italie dans une position défavorable par rapport à d’autres pays européens qui, pour beaucoup, ont réussi à maintenir une trajectoire baissière de leur prévalence tabagique. À titre de comparaison, la France compte près de trois fumeurs sur dix, tandis que la Suède affiche un taux exceptionnellement bas de 8% et la Bulgarie, mauvais élève de l’Union européenne, atteint 37%.

Une histoire pionnière dans la lutte antitabac

L’Italie a longtemps été considérée comme un modèle en matière de lutte contre le tabagisme. Dès 1975, le pays s’est lancé dans le combat antitabac avec une interdiction limitée notamment aux transports publics. En 1995, cette interdiction a été étendue aux administrations publiques. Mais c’est en 2005 que l’Italie a marqué un tournant historique avec l’adoption de la loi Sirchia, du nom du ministre de la Santé qui l’a promue en 2003.

Cette législation pionnière a instauré l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics fermés, incluant les bars, les restaurants, les bureaux, les écoles, les hôpitaux, les cinémas et les transports en commun. L’objectif affiché était de protéger la santé des non-fumeurs et de réduire les risques d’exposition au tabagisme passif. À l’époque, l’Italie était en pointe sur ce plan de la lutte contre le tabagisme, inspirant de nombreux pays européens à suivre son exemple.

Cependant, cette position de leader s’est progressivement érodée au fil des années. Le pays a depuis évolué vers une certaine complaisance vis-à-vis des industriels du tabac en devenant une tête de pont en Europe pour le dispositif de tabac chauffé IQOS, commercialisé par Philip Morris International (PMI). En 2016, l’entreprise a même inauguré en Italie sa première usine pilote pour la fabrication de ses produits dits à “nocivité réduite”.

Des villes à l’avant-garde de nouvelles restrictions

Si les mesures nationales se sont assouplies vis-à-vis de l’industrie du tabac, certaines municipalités italiennes ont pris les devants en adoptant des réglementations locales particulièrement strictes. Milan, capitale de la mode et de la finance, s’est distinguée en devenant la première ville italienne à interdire la cigarette en extérieur à partir du 1er janvier 2025.

Selon l’ordonnance pour la qualité de l’air adoptée en 2020, l’interdiction de fumer s’étend désormais à tous les espaces publics, y compris les rues. Une seule exception est tolérée : les lieux isolés où il est possible de respecter une distance d’au moins dix mètres des autres personnes, ce qui dans une ville dense et peuplée comme Milan relève du défi. En cas de non-respect, le contrevenant s’expose à une amende allant de 40 à 240 euros. Les cigarettes électroniques ne sont toutefois pas concernées par cette mesure spécifique.

Depuis janvier 2021, Milan avait déjà mis en place une interdiction de fumer et de vapoter dans certains espaces publics extérieurs, notamment les arrêts d’autobus, les stades et les parcs, lorsque la distance entre les personnes est inférieure à 10 mètres. Cette politique s’inscrit dans une volonté de lutter contre la pollution de l’air, problème récurrent dans la région milanaise cernée par un tissu industriel dense.

De son côté, Turin n’est pas en reste. En avril 2024, le conseil municipal a instauré une interdiction de fumer et de vapoter à l’extérieur à moins de cinq mètres d’une autre personne non consentante. Les contrevenants risquent une amende de 100 euros. “Il s’agit de respecter ceux qui ne fument pas et de favoriser d’une manière ou d’une autre une culture qui place le respect des autres au centre des préoccupations”, a déclaré Stefano Lo Russo, maire de la ville.

L’extension des restrictions au niveau national

En janvier 2023, vingt ans après l’introduction de la loi Sirchia, le ministre de la Santé Orazio Schillaci a présenté de nouvelles mesures anti-tabac et anti-nicotine destinées à atteindre les objectifs du plan européen de lutte contre le cancer. Ces mesures incluent l’extension des espaces sans tabac en plein air en présence d’enfants ou de femmes enceintes.

Plus significatif encore pour les vapoteurs, le ministre a annoncé que les cigarettes électroniques et les dispositifs de tabac chauffé seraient désormais soumis aux mêmes restrictions que les produits du tabac traditionnels. L’usage de ces produits est ainsi interdit dans les lieux publics, tant intérieurs qu’extérieurs, où se trouvent des mineurs et des femmes enceintes. De plus, les espaces fumeurs situés dans les lieux clos ne sont plus autorisés.

“Des mesures devront être prises pour garantir à tous les citoyens une protection maximale de leur santé, un droit fondamental de l’individu et un intérêt de la communauté”, a expliqué le ministre. Le gouvernement affiche ainsi son intention d’adapter la directive européenne préparant une génération sans tabac pour 2040, où moins de 5% de la population serait fumeuse.

Une taxation parmi les plus lourdes d’Europe

L’Italie se distingue par l’une des fiscalités les plus sévères d’Europe en matière de produits de vapotage. Cette taxation remonte à 2015, lorsque les autorités ont décrété que les produits du vapotage devaient être considérés comme des dérivés du tabac et soumis à la même fiscalité. Le gouvernement a alors établi qu’un millilitre d’e-liquide équivalait à cinq cigarettes traditionnelles.

Cette équivalence controversée a conduit à l’instauration d’une taxe particulièrement sévère pouvant aller jusqu’à 4,50 euros par flacon de 10 ml d’e-liquide. Bien qu’en 2018, cette taxe ait été réduite à 0,50-1 euro par fiole, cette baisse n’a été que temporaire. En 2021, les e-liquides contenant de la nicotine ont été taxés à hauteur de 15%, avec l’obligation pour les fabricants de déclarer à la douane la quantité vendue tous les quinze jours.

Le gouvernement italien a également voté en faveur d’une augmentation graduelle de la taxe sur le vapotage dès 2025, avec une hausse prévue de 1% par an. Cette politique d’augmentation progressive vise à aligner progressivement la taxation des produits de vapotage sur celle du tabac, au nom d’une prétendue équité fiscale.

La taxation des arômes : un nouveau coup dur pour le vapotage

En fin d’année 2023, l’amendement sur la “taxe sur les arômes” a été approuvé par toutes les instances du gouvernement italien, marquant un nouveau durcissement fiscal. À compter du 1er mai 2024, cette mesure étend la taxation à tous les produits destinés à être utilisés comme composants du mélange liquide adapté à la vaporisation, incluant les arômes concentrés et les e-liquides à booster.

Désormais, les e-liquides à booster et les arômes concentrés dédiés aux préparations maison (Do It Yourself ou DIY) partagent la même législation que les e-liquides prêts à l’emploi. Cette taxe représente environ 1,20 euro pour un flacon de 10 ml, voire davantage pour les grands formats. Alors que certains produits échappaient auparavant à la taxe en raison de l’absence de nicotine dans leur composition, tous sont désormais logés à la même enseigne.

L’Agence des douanes et des monopoles (ADM) a publié en avril 2024, à peine un mois avant l’entrée en vigueur de la loi, les innombrables modalités et critères de conformité désormais exigés des fabricants, revendeurs et importateurs. Les entreprises ont disposé d’un délai jusqu’à fin mai pour communiquer le détail exact des produits non conformes, avec destruction des stocks restants après l’écoulement d’une période transitoire de trois mois (six mois pour les boutiques spécialisées).

La menace d’une interdiction de la vente en ligne

Comme si la taxation ne suffisait pas, le gouvernement italien entend également réformer la vente en ligne de produits de vapotage. Le 27 juillet 2023, le Parlement a voté en faveur d’un amendement visant à mettre fin à la vente en ligne de produits liquides pour inhalation (PLI). Sont concernés tous les articles contenant de la nicotine, des cigarettes électroniques rechargeables ou jetables jusqu’aux e-liquides.

Bien qu’aucune loi n’ait encore été finalisée à ce jour, le gouvernement italien a confirmé sa volonté de présenter une proposition de loi courant 2024. Si cette mesure est adoptée, les vapoteurs italiens pourraient voir tous les produits nicotinés disparaître des sites e-commerce, ne laissant comme points de vente que les boutiques spécialisées et les buralistes.

Cette restriction supplémentaire inquiète fortement le secteur. Les professionnels craignent des répercussions majeures : développement du marché noir, hausse du tabagisme due à la difficulté d’accès aux produits de réduction des risques, et liquidation de nombreuses entreprises du secteur. Impossible également de faire de la promotion ciblée : un site e-commerce de cigarettes électroniques ne pourra plus proposer à ses clients des réductions sur une marque ou une catégorie de produits spécifiques, mais devra mettre l’entièreté de son catalogue en promotion.

Une approche hostile à la réduction des risques

Les différentes mesures adoptées par l’Italie témoignent d’une approche globalement hostile à la réduction des risques tabagiques. Dans plusieurs interviews données en fin d’année 2023, Antonella Panuzzo, présidente de l’association UniEcig, a dénoncé la volonté du ministère de la Santé italien de “se distancier de la cigarette électronique en visant l’arrêt total comme seul objectif”, sans jamais considérer la question de la réduction des risques et son potentiel en tant qu’outil d’arrêt du tabac auprès des fumeurs adultes.

Cette position contraste fortement avec celle adoptée par d’autres pays européens comme le Royaume-Uni, qui considèrent la cigarette électronique comme un outil efficace de sevrage tabagique et l’intègrent dans leurs stratégies de santé publique. Le refus italien de reconnaître le potentiel de la réduction des risques semble paradoxalement contribuer à la hausse du tabagisme observée ces dernières années.

La politique fiscale punitive adoptée par l’Italie rend les produits de vapotage considérablement plus chers et moins accessibles pour les fumeurs qui souhaiteraient s’en servir pour arrêter le tabac. Cette situation risque de maintenir de nombreux fumeurs dans leur dépendance à la cigarette combustible, avec tous les risques sanitaires que cela comporte.

Le cas particulier des sachets de nicotine

L’approche restrictive de l’Italie s’étend également aux sachets de nicotine. Bien que ces petits sachets contenant une fibre végétale, des arômes et de la nicotine aient été interdits pendant des années, un amendement voté en 2022 leur avait permis de revenir sur le marché. Cependant, en octobre 2023, l’Institut supérieur de la santé a tiré la sonnette d’alarme, affirmant qu’ils “présentent des niveaux d’apport potentiels pour lesquels des effets nocifs sur la santé humaine ne peuvent être exclus”.

Le ministre de la Santé Orazio Schillaci aurait envoyé une lettre au fabricant des sachets de nicotine distribués en Italie pour l’informer du début de la procédure de suspension du marché de son produit. Cette position italienne contraste avec celle d’autres pays nordiques où ces produits sont considérés comme des alternatives moins nocives au tabac fumé.

Un cadre réglementaire aligné sur la directive européenne

En tant que membre de l’Union européenne, l’Italie applique la directive européenne sur les produits du tabac (TPD) de 2014, transposée dans le droit italien par le décret législatif du 12 janvier 2016. Les cigarettes électroniques sont ainsi réglementées comme des produits du tabac, avec toutes les restrictions que cela implique.

La concentration maximale de nicotine autorisée dans les e-liquides est de 20 mg/ml, conformément aux standards européens. Les flacons de recharge ne peuvent excéder 10 ml, et les réservoirs intégrés aux cigarettes électroniques sont limités à 2 ml. Les fabricants et importateurs doivent notifier leurs produits auprès des autorités sanitaires six mois avant leur commercialisation.

Les emballages doivent comporter des avertissements sanitaires couvrant 30% de chaque face principale du produit, avec le message : “Ce produit est hautement addictif et dangereux pour votre santé”. La publicité pour les cigarettes électroniques est strictement interdite dans la plupart des médias. La vente est interdite aux mineurs de moins de 18 ans.

Perspectives et défis à venir

L’Italie se trouve aujourd’hui à un moment charnière de sa politique de santé publique en matière de tabagisme. D’un côté, le pays affiche une volonté claire de réduire la prévalence tabagique avec des objectifs ambitieux pour 2040. De l’autre, les mesures adoptées semblent contre-productives en rendant les alternatives moins nocives au tabac inaccessibles ou peu attractives pour les fumeurs.

La taxation excessive des produits de vapotage, combinée à l’interdiction potentielle de la vente en ligne et à l’extension des interdictions d’usage, risque de pousser les fumeurs à continuer de fumer plutôt qu’à se tourner vers des alternatives moins nocives. Cette approche pourrait également favoriser le développement d’un marché noir de produits de vapotage, avec tous les risques sanitaires que cela comporte en termes de qualité et de sécurité des produits.

Les 93 000 décès annuels imputables au tabagisme et l’augmentation récente de 800 000 fumeurs devraient inciter les autorités italiennes à reconsidérer leur approche. L’exemple d’autres pays européens qui ont réussi à faire baisser significativement leur prévalence tabagique en intégrant la réduction des risques dans leur stratégie de santé publique mériterait d’être étudié.

L’avenir dira si l’Italie saura retrouver son statut de pionnière dans la lutte contre le tabagisme en adoptant une approche plus pragmatique et fondée sur les preuves scientifiques, ou si elle persistera dans une politique restrictive qui semble avoir montré ses limites face à la résurgence du tabagisme observée ces dernières années.

Sources