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Suède : un rapport explique le succès du pays dans sa lutte contre le tabagisme

Mis à jour le 13/11/2024 à 19h46
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3 experts internationaux ont publié un document expliquant comment la Suède va réussir à devenir le premier pays du monde à avoir vaincu le tabagisme.

Promouvoir les outils de réduction du risque tabagique

Si les taux de mortalité liés au tabac en Suède étaient reproduits dans d’autres pays, plus de 3,5 millions de vies pourraient être sauvées dans la seule Union européenne au cours de la prochaine décennie.Extrait du rapport

En décembre dernier, nous rapportions les excellents chiffres du taux de prévalence tabagique en Suède. À l’époque, le gouvernement annonçait que le pays comptait désormais 5,6 % de fumeurs quotidiens, se rapprochant ainsi du taux fatidique de 5 %, considéré par l’Organisation mondiale de la santé comme étant l’objectif à atteindre pour qu’un pays soit considéré comme ayant vaincu le tabagisme. Il y a quelques jours, un rapport (au format PDF) baptisé The Swedish Experience, a roadmap to a smoke free society, a été publié pour expliquer ce succès. 

Comme le rappelle le document, fumer des cigarettes ou d’autres produits combustibles contenant du tabac est la première cause de mortalité évitable dans le monde. On considère aujourd’hui que la Terre compte toujours plus de 1 milliard de fumeurs quotidiens. Les dangers du tabagisme proviennent des milliers de substances toxiques qui sont créées lors de sa combustion. La nicotine, quant à elle, bien qu’addictive, ne serait pas responsable des maladies liées au tabagisme telles que les cancers, les AVC, la BPCO, etc. 

En 2008, la Suède comptait 15 % de fumeurs. Ils sont aujourd’hui 5,6 %.

En Europe, 29 % des 15-24 ans fument. Ils sont 3 % en Suède.

Le taux de mortalité par cancer est 38 % inférieur en Suède que dans le reste de l’Europe.

Le taux de mortalité lié au tabagisme est 39,6 % inférieur en Suède par rapport au reste de l’Union européenne.

Cigarettes électroniques, sachets de nicotine, snus, sprays nasaux…

Des produits alternatifs doivent être envisagés pour lutter contre le tabagisme.Extrait du rapport

En 2020, un rapport (au format PDF) réalisé par la commission suédoise des produits oraux à la nicotine comprenait un graphique sur lequel se trouvaient tous les produits disponibles à l’achat dans le pays, triés selon le risque pour la santé qu’ils posent. 

En gris, les produits considérés comme étant beaucoup moins nocifs que le tabagisme. En jaune, ceux qui posent de graves problèmes pour la santé.

Comme rappelé par le graphique, qu’il s’agisse du vaping, du snus, des autres produits oraux ou encore du tabac chauffé, tous présenteraient une large réduction des méfaits pour la santé comparés au tabagisme. 

« S’inspirer de la réussite suédoise et reproduire son approche consistant à remplacer le tabagisme par des alternatives sans fumée est donc un outil essentiel pour prévenir et contrôler les risques sanitaires, les maladies et les décès prématurés liés au tabagisme », notent ainsi les auteurs du premier rapport.

Le snus, une particularité suédoise

Si d’autres pays de l’UE avaient adopté les mêmes habitudes de consommation de tabac que la Suède – en encourageant les fumeurs à passer de la cigarette au snus – 355 000 vies par an auraient pu être sauvées, la plupart étant des hommes âgés de plus de 30 ans.Extrait du rapport

Naturellement, lorsqu’on se penche sur le cas de la Suède dans sa lutte contre le tabagisme, c’est bien le snus qui arrive en tête des produits préférés par les Suédois en remplacement des cigarettes de tabac.

Bien que leurs méfaits sur la santé existent et soient bien documentés, ces petits sachets de poudre de tabac que l’on place entre la gencive et la lèvre offrent une réelle réduction du risque tabagique. Depuis 1980, des données de Statistics Sweden montreraient que plus l’utilisation du snus augmente dans la population, plus la courbe du tabagisme diminue. Une courbe similaire peut d’ailleurs être observée en France puisqu’à mesure que l’adoption de la cigarette électronique par les jeunes augmente, leur tabagisme se réduit.

La cigarette électronique et les sachets de nicotine

Les hommes suédois ont la plus faible incidence de décès attribués à des maladies liées au tabac dans l’UE, en partie grâce à l’utilisation par la Suède d’alternatives moins nocives au tabagisme.Extrait du rapport

Bien que la majorité des Suédois utilise le snus comme alternative au tabagisme, d’autres produits auraient aidé le pays à enregistrer, aujourd’hui, le taux de prévalence tabagique le plus bas du monde. C’est notamment le cas des cigarettes électroniques, arrivées sur le marché du pays en 2015, et des sachets de nicotine, trois années plus tard. 

Selon le rapport, ces produits, se présentant comme d’autres alternatives au tabagisme que le snus, auraient permis d’atteindre des populations qui, jusqu’à présent, n’avaient toujours pas arrêté de fumer. L’exemple que le document rapporte est celui des Suédoises. Alors que les femmes du pays ont toujours fumé plus que les hommes (12,4 % de fumeuses en 2012 pour 10,5 % de fumeurs), cet écart a diminué au fil du temps.

En 2022, les femmes étaient 6,3 % à fumer en Suède, alors que les hommes étaient 5,3 %. L’écart entre les sexes aurait ainsi été diminué par deux. En parallèle de cette diminution, le nombre de femmes utilisant des sachets de nicotine aurait augmenté près de deux fois plus que du côté des hommes. 

Alors que les hommes ont été 1,7 % de plus à utiliser les sachets de nicotine et le snus entre 2012 et 2022, les femmes ont été 3,5 %. 

Une approche législative réfléchie

Les pays qui cherchent à vaincre le tabagisme comme l’a fait la Suède devraient adopter des stratégies de réaction aux dommages, telles que la possibilité pour les fumeurs adultes qui ne peuvent ou ne veulent pas arrêter de fumer de passer à des produits alternatifs.Extrait du rapport

Bien sûr, si les produits alternatifs au tabagisme connaissent tant de succès en Suède, c’est aussi et surtout grâce à l’approche choisie par le gouvernement les concernant.

Dans ce pays, le gouvernement a choisi d’appliquer un niveau de taxation défini selon la dangerosité des produits. Un fait qui était rappelé en avril 2022 par Mikael Damberg, Ministre des Finances, qui soulignait que les taxes sur le tabac et les produits à la nicotine sont « généralement établis sur la base de leur risque [pour la santé] ».

Ainsi, tandis que les cigarettes de tabac sont fortement taxées en Suède, les produits alternatifs le sont beaucoup moins, comme le montre le graphique ci-dessous.

La taxation des produits en Suède suit le même schéma que le graphique les classant par ordre de dangerosité.

Le rapport se termine avec 6 recommandations que les autres pays du monde devraient comprendre, et surtout mettre en place, s’ils souhaitent que leur lutte contre le tabagisme soit un succès comme en Suède :

  1. Différenciation fondamentale entre les formes combustibles et non combustibles de tabac et de nicotine : reconnaissance de l’évidence que les alternatives sans fumée sont réellement moins nocives et présentent moins de risques que le tabagisme, combinée au soutien et à l’encouragement des fumeurs qui ne peuvent pas ou ne veulent pas arrêter de fumer, à passer à autre chose.
  2. Différenciation des risques entre les différentes formes de produits du tabac et de la nicotine : le gouvernement suédois a récemment demandé la reconnaissance et la cartographie du “risque relatif” de toutes les catégories de produits du tabac et de la nicotine. Cela pourrait faciliter une communication plus précise des risques aux consommateurs, permettant aux fumeurs de mieux comprendre le risque relatif et de choisir avec plus de soin le produit sans qui est le plus efficace pour eux. L’idéal reste, bien entendu, que les consommateurs arrêtent complètement toute forme de tabac et de nicotine.
  3. L’accès à des alternatives aux cigarettes sans fumée : les mesures de lutte contre le tabagisme ne suffisent pas à elles seules. L’accès à des alternatives sans fumée est d’une importance cruciale. En Suède, le snus, les sachets de nicotine orale, les e-cigarettes et le tabac chauffé sont tous disponibles et peuvent être achetés à la fois en ligne et hors ligne
  4. Éduquer le public sur les alternatives sans fumée : aucun produit n’est sans risque, mais une réduction du risque de 95 % ou plus se traduira par des avantages significatifs pour les fumeurs qui arrêtent de fumer. Les fumeurs doivent avoir accès à des informations fondées sur des preuves concernant de meilleures alternatives au tabagisme, notamment en raison d’une vague de désinformation sur leur sécurité. 
  5. Acceptation par les consommateurs : les alternatives sans fumée doivent également être réellement acceptées par les fumeurs comme une meilleure alternative à la cigarette. Pour ce faire, les produits doivent être satisfaisants et capables d’être la première préférence des fumeurs – ce qui signifie qu’il faut garantir une gamme d’arômes et de concentrations de nicotine que les consommateurs peuvent acheter. En résumé, il est nécessaire d’établir une distinction claire entre le traitement des cigarettes et les produits alternatifs qui permettent aux fumeurs de passer plus facilement à autre chose.
  6. L’accessibilité financière : les cadres politiques devraient soutenir l’adoption de produits de substitution sans fumée et à nocivité réduite en les rendant plus abordables que les cigarettes combustibles les plus nocives. Cela signifie que les accises sur les produits de substitution sans fumée sont faibles ou inexistantes, ce qui élimine les obstacles financiers à l’abandon des cigarettes.

Il ne reste désormais plus qu’à voir si ce document atterrira entre les mains des décideurs politiques des pays du monde, seuls à même de mettre en place de véritables politiques de lutte contre le tabagisme.

Les auteurs du rapport

Dr Delon Human

Le Dr Delon Human est médecin, auteur publié, conférencier international et consultant en soins de santé spécialisé dans la stratégie de santé mondiale, la transformation des entreprises et des produits, la réduction des risques et la communication en matière de santé. Il a conseillé trois directeurs généraux de l’OMS et le secrétaire général des Nations unies sur les stratégies mondiales de santé publique.

Dr Anders Milton

Le Dr Anders Milton est un médecin qui possède une grande expérience du service public. Consultant très demandé dans le secteur des soins de santé et ancien président de la World Medical Association, il est actuellement propriétaire et directeur général de Milton Consulting. Il est également président de la Commission Snus.

Prof. Karl Fagerström

Le professeur Karl Fagerström est l’un des membres fondateurs de la Society for Research on Nicotine and Tobacco (SRNT) et est actuellement rédacteur en chef adjoint de Nicotine & Tobacco Research. Il a reçu la médaille de l’Organisation mondiale de la santé en 1999 pour son travail exceptionnel dans le domaine de la lutte antitabac. En 2013, il a reçu le prix de la science clinique de la Society for Research on Tobacco and Nicotine.

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