L’organisme se félicite de l’efficacité de ses mesures dans la lutte contre le tabagisme, et rappelle que la vape n’est rien d’autre qu’un produit de Big Tobacco, qu’il faut combattre à tout prix.
L’OMS, héroïne aveugle de la lutte antitabac
Fin juillet, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié son nouveau rapport (au format PDF) sur le tabagisme dans le monde. S’intitulant « Rapport de l’OMS sur l’épidémie mondiale de tabagisme, 2023 : protéger les personnes contre la fumée du tabac », il fait le point sur l’efficacité de MPOWER, un ensemble de mesures destiné à aider les pays du monde entier à mettre en place la convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT).
MPOWER est un acronyme :
- Monitor tobacco use and prevention policies
- Protect people from tobacco smoke
- Offer help to quit tobacco use
- Warn about the dangers of tobacco
- Enforce bans on tobacco advertising, promotion and sponsorship
- Raise taxes on tobacco
Selon l’avant-propos rédigé par le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, « les progrès constants réalisés par les pays au cours de ces années témoignent de ce qui peut être accompli lorsqu’une vision claire de la santé mondiale est associée à un partenariat engagé ». Des progrès qui seraient cependant « compromis par la promotion agressive que fait l’industrie du tabac des e-cigarettes en les présentant comme une alternative plus sûre à la cigarette ». Un avis partagé par le milliardaire antivape Michael R. Bloomberg, dont le reste de l’avant-propos est signé, qui parle quant à lui du fait que « l’industrie du tabac est implacable », tant dans « son opposition à la législation » que dans son « ciblage des adolescents et des enfants avec les e-cigarettes ». Le ton est donné, l’OMS ne semble toujours pas prête à reconnaître le rôle essentiel que joue le vaping dans la lutte contre le tabagisme.
15 ans après, l’OMS chiffre ses succès
Depuis l’année 2007 et la mise en place du programme MPOWER, le nombre de pays dans le monde couvert par au moins une mesure du programme aurait triplé, passant de 44 à 151 aujourd’hui. Le nombre de pays couvert par au moins deux mesures aurait même été multiplié par près de dix, passant de 11 à 101 sur la même période.
Comme indiqué par le directeur général de l’OMS dans son avant-propos, le rapport de cette année se focalise sur les smoke-free environments, c’est-à-dire les environnements (tels que certains lieux publics) où il est interdit de fumer. Selon l’organisme de santé, la mise en place de cette mesure permettrait non seulement de protéger les non-fumeurs du tabagisme passif, mais participerait également à dénormaliser l’acte de fumer, tout en pouvant augmenter la volonté des fumeurs d’arrêter de fumer. Aujourd’hui, les environnements sans fumée couvriraient 2,1 milliards de personnes dans le monde à travers 74 pays.
L’Organisation mondiale de la santé fait aussi le point sur d’autres mesures. En 2022, la mesure ayant le plus progressé sur la planète concernait la mise en place de l’interdiction de la promotion des produits du tabac. Une mesure particulièrement suivie dans les pays à faibles et moyens revenus, mais qui serait plus lente à progresser parmi les contrées plus développées. Parmi ces dernières, seules 15 sur 60 auraient aujourd’hui atteint un niveau de protection maximum, soit 25 % d’entre elles. Un chiffre qui atteindrait 36 % parmi les pays à revenus moyens, et 46 % pour ceux à faibles revenus. Des données qui n’ont rien d’étonnantes puisque plusieurs enquêtes réalisées par le passé ont démontré la manière dont certaines associations antitabac et antivape, comme celle de Bloomberg, réussissent à exercer leur influence dans ces pays.
Les avertissements sanitaires seraient désormais présents sur les produits du tabac de 103 pays dans le monde, couvrant ainsi 4,5 milliards de personnes, soit 57 % de la population mondiale.
Seuls 32 pays auraient atteint le niveau maximum, appelé « meilleures pratiques », concernant les politiques de service d’aide au sevrage tabagique.
Enfin, concernant l’augmentation des taxes sur les produits du tabac, que l’OMS décrit comme étant le meilleur moyen d’en réduire l’utilisation, les progrès effectués à travers le monde seraient « lents ».
La science complètement ignorée
Bref, tout au long de ce dernier rapport, long de 218 pages, l’OMS se félicite des progrès réalisés à travers le monde dans la lutte contre le tabagisme. L’organisme n’hésite pas à présenter ses mesures comme une sorte de superhéros lorsqu’il s’agit de faire diminuer le nombre de fumeurs sur la planète. De nombreuses photos de jeunes enfants sont distillées tout au long du document, les présentant tel un trophée. Le message est clair, « regardez tous ces innocents qui ont été sauvés des ravages du tabagisme grâce à nous ».
Comme à chaque fois avec l’OMS, force est de constater que si son intention initiale, celle de lutter contre le tabagisme, est louable, elle reste enfermée dans un schéma ressemblant plus à un extrémisme antinicotinique qu’à une véritable volonté de diminuer le nombre de fumeurs dans le monde. Preuve en est, sa position antivape, toujours plus assumée.
Les études sur la cigarette électronique, passées à la trappe
Au cours de la dernière décennie, de nombreuses études scientifiques se sont intéressées à la cigarette électronique. Qu’il s’agisse de la composition des e-liquides, de l’aérosol produit par une e-cigarette, de ses effets sur la santé ou de son efficacité pour arrêter de fumer, la grande majorité des études sérieuses sont toutes arrivées à la même conclusion : le vapotage est bien moins nocif que le tabagisme, et il peut permettre d’arrêter de fumer. Pourtant, l’OMS continue d’ignorer ces faits.
Depuis 2015, le Royaume-Uni considère la cigarette électronique comme étant au moins 95 % moins dangereuse pour la santé que le tabagisme. D’après une méta-analyse réalisée par l’organisation Cochrane, qui s’est appuyée sur les résultats de plus de 80 études scientifiques, la cigarette électronique serait près de deux fois plus efficace pour arrêter de fumer que les autres substituts nicotiniques.
D’abord, elle décrit la cigarette électronique comme un produit de l’industrie du tabac, malgré le fait que l’immense majorité des acteurs du secteur sont de petites entreprises. Des petits fabricants entièrement indépendants des cigarettiers et qui, pour la plupart, les considèrent même comme de véritables ennemis et font tout leur possible pour n’avoir aucun lien avec eux. Oui, certaines marques de vape sont parfois rachetées par l’industrie du tabac, oui, l’industrie du tabac fabrique et vend désormais des cigarettes électroniques. Mais le pourcentage ridicule que ces produits représentent au sein d’un marché gigantesque doit-il pour autant en affecter l’intégralité ? Les millions de drones de loisirs produits chaque jour, dont une faible partie est désormais utilisée par les armées du monde entier, devraient-ils tous être considérés comme des armes de guerre ?
Ensuite, elle refuse tout simplement de reconnaître le fait que le vaporisateur personnel est moins nocif pour la santé, et ce malgré le consensus scientifique mondial à ce sujet. Dans son paragraphe baptisé « Les tactiques de l’industrie du tabac utilisées pour saper les environnements sans tabac » (page 37), elle décrit la constante évolution du marché de la vape comme un outil utilisé par Big Tobacco pour contourner les mesures antitabac et déclare même que les pays du monde « ne doivent pas tomber dans ces pièges de l’industrie du tabac et doivent toujours inclure les cigarettes électroniques, avec ou sans nicotine, et les produits du tabac à chauffer dans le champ d’application de la législation antitabac ». D’ailleurs, lorsqu’elle liste les pays du monde ayant enregistré de bons résultats dans la lutte contre le tabac, elle prend grand soin d’en exclure tous ceux ayant pris des mesures favorables à la cigarette électronique.
Mais l’OMS n’aurait-elle pas oublié la signification de la lettre « O », pour « offrir une aide pour arrêter de fumer », de son programme MPOWER ? Inclure la cigarette électronique, pourtant reconnue comme un outil efficace pour arrêter de fumer, dans la législation antitabac, n’est-il pas contre-productif ?
Comment Matthew L Myers, dont l’association n’a de cesse de lutter contre le vaping, explique-t-il que les mesures de l’OMS, qu’il souligne être « fondées sur des preuves », ignorent les conclusions de dizaines d’études et de méta-analyses, parfois réalisées par des chercheurs de renommée internationale ?
La vape, « indubitablement nocive »
Il faut attendre la page 93 pour que l’OMS daigne enfin parler explicitement de la cigarette électronique. Malgré toutes les données scientifiques contredisant ses dires, l’organisation la décrit comme « indubitablement nocive », et que son utilisation par les jeunes augmenterait les chances qu’ils deviennent fumeurs par la suite. Une théorie de la passerelle qui a maintes et maintes fois été scientifiquement réfutée.
Les arômes en prennent aussi pour leur grade puisqu’ils sont décrits comme faisant partie de la tactique utilisée par l’industrie du tabac pour « spécifiquement cibler les enfants et les jeunes adultes ». Pas un mot sur les recherches ayant démontré qu’ils sont essentiels dans l’efficacité du vapotage pour arrêter de fumer. D’ailleurs, pas un mot non plus sur le fait que la vape peut aider à arrêter de fumer.
Il n’y a qu’à lire les recommandations de l’OMS au sujet des cigarettes électroniques pour comprendre sa position, complètement hors-sol :
- L’utilisation des produits de la vape dans les lieux publics intérieurs, les lieux de travail et les transports publics devrait être interdite pour protéger la santé publique.
- Des étiquettes d’avertissement sanitaire sur les emballages ainsi que des interdictions ou des restrictions en matière de publicité et de promotion devraient être appliquées aux vaporisateurs personnels (dispositifs et/ou e-liquides).
- Les arômes devraient être interdits pour réduire l’attrait du vapotage auprès des enfants et des adolescents.
- Les taxes sur les produits du vaping devraient être augmentées.
Dire que l’OMS ne fait que du mauvais travail dans la lutte contre le tabagisme serait faux. Certaines mesures de la Convention-cadre pour la lutte antitabac ont une réelle efficacité à travers le monde. En revanche, il est impossible d’ignorer sa mauvaise foi manifeste au sujet de la cigarette électronique. De nombreuses données démontrent que dans les pays où le vapotage se développe, le tabagisme ne fait que diminuer. Pourquoi ne pas en parler ? Pourquoi, tout simplement, ne pas faire preuve d’honnêteté ?
Peut-être parce que si l’OMS le faisait, elle perdrait plusieurs de ses mécènes. Mais les finances d’une organisation aussi respectée doivent-elles pour autant passer avant la santé publique du monde entier ?
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