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Nozman démonte la puff

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Dans sa dernière vidéo, Dr Nozman, célèbre youtubeur français, s’en prend à la puff dans le cadre d’une collaboration commerciale avec l’association DNF.

Partenaire particulier

Suivi par près de 5 millions de personnes, Germain O’Livry (34 ans), plus connu sous le nom de Dr Nozman sur YouTube, a bâti sa renommée à l’aide de vidéos de vulgarisation scientifique. N’ayant pas de diplômes dans ce domaine, l’homme s’est entouré d’une vaste équipe qui l’aide à appréhender les nombreux sujets qu’il aborde dans ses différentes publications. Il y a une dizaine de jours, Nozman a publié une nouvelle vidéo baptisée : « L’effrayant secret de la puff ! ». Si, d’ordinaire, de par sa nature curieuse, le vidéaste ne manque pas d’idées pour aborder de nombreux sujets, cette vidéo est cette fois le fruit d’une collaboration commerciale avec l’association française Demain sera Non-Fumeur (DNF), dont nous avions interviewé le Président il y a quelques mois

Fondée en 1973, DNF est une association reconnue de mission d’utilité publique. Elle agit notamment auprès des pouvoirs publics afin de lutter contre le tabagisme. Un combat qui s’est en partie déplacé sur le terrain du vapotage, l’association ayant lancé plusieurs actions de mises en demeure auprès de certains professionnels de la vape ne respectant pas scrupuleusement la législation, notamment en termes de publicité. 

C’est dans le cadre de son opération « Rentre Dans Le Game » que DNF s’est allié à plusieurs créateurs de contenu pour lancer une vaste campagne de prévention sur le danger représenté par le tabagisme et par… les puffs. Un partenariat gagnant-gagnant puisque les influenceurs comme Dr Nozman sont payés pour faire passer le message de DNF, et l’association est certaine de toucher un public jeune, population particulièrement à risque lorsqu’on parle de cigarettes électroniques jetables. 

Un produit qui divise

Lorsqu’on parle de puff, de quoi parle-t-on exactement ? Une puff est une cigarette électronique jetable. Conçue pour être jetée une fois l’e-liquide qu’elle contient épuisé, le succès de la puff n’a d’égal que les clivages à son égard. 

Pour certains, la puff est un outil de sevrage tabagique. Simple d’utilisation et accessible, elle représente un moyen de s’essayer au vapotage à moindres frais. La cigarette électronique étant reconnue par la célèbre organisation Cochrane comme l’outil de sevrage tabagique le plus efficace à ce jour, la puff pourrait bien avoir sa place au sein de l’arsenal de lutte contre le tabac présent en France.

Pour d’autres, la puff n’est qu’un produit utilisé pour attirer un public jeune dans la dépendance à la nicotine. Souvent présentées dans des packagings colorés et attrayants, avec des arômes qui le sont tout autant, les puffs sont parfois présentées comme une arme de l’industrie du tabac. 

Deux camps dont les avis sont irréconciliables, mais qui se rejoignent toutefois sur un point : les puffs représentent un problème écologique de par leur côté jetable. 

Entre science et briefing

Si la plupart du contenu de Dr Nozman est intéressant, bien ficelé, et que les informations qu’il apporte sont pertinentes, le fait est que parler de la puff revient à parler du vapotage, du tabagisme, de l’industrie du tabac, du sevrage tabagique, et de bien d’autres sujets dans lesquels il est difficile de s’improviser expert avec seulement quelques jours de préparation. De plus, collaboration commerciale oblige, il est tout naturel que Nozman ait reçu un brief en provenance de DNF, contenant les informations qu’il devra obligatoirement communiquer dans sa vidéo. 

Nozman relaie ainsi largement le message de l’association tout en y intégrant les résultats de ses propres recherches. En résulte une vidéo dont l’objectivité peut être compromise puisqu’il a été rémunéré pour diffuser un message orienté, engendrant inévitablement plusieurs imprécisions. 


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La cigarette électronique ne se fume pas

Dès la première minute et demie de vidéo, une première erreur saute forcément aux oreilles. Nozman décrit ici les puffs comme ayant l’apparence de « bonbons fumables soi-disant healthy »

Rappelons d’abord qu’aucun professionnel de la vape digne de ce nom ne présentera le vapotage comme quelque chose d’healthy, terme anglophone qui signifie « bon pour la santé ». Non, le vapotage n’est, et ne sera jamais bon pour la santé. Le vapotage permet de réduire les risques inhérents au tabagisme en le remplaçant par une pratique moins nocive, rien de plus. Et moins nocive ne signifie pas pour autant bon pour la santé. Manger cinq pots de glaces par une chaude soirée d’été est déconseillé. N’en manger qu’un est moins nocif, mais pas pour autant conseillé pour soigner son organisme. 

Le terme « fumable » est également erroné puisqu’une cigarette électronique, puff ou non, fonctionne sans combustion. On ne fume pas une cigarette électronique, on la vapote. Une différence qui a son importance puisque c’est en grande partie grâce à l’absence de combustion que le vaporisateur personnel est scientifiquement reconnu comme étant beaucoup moins nocif que le tabagisme1, 2, 3, 4.

La problématique des arômes

Autour de trois minutes, Nozman cite certaines saveurs que l’on peut retrouver dans les puffs, comme « icecream cookies ou du marshmallow ». En fait, « la cible commerciale bah c’est les adolescents justement, et le pire, c’est que ça marche. Ça marche très bien », complète-t-il.

Nous entrons là dans une autre problématique, celle des arômes dans les e-liquides de cigarettes électroniques. Si, pour beaucoup de détracteurs du vapotage, ils sont responsables de l’attrait de certains jeunes pour l’e-cigarette, il semble bon de rappeler que de nombreuses études ont démontré que les arômes jouent un rôle prépondérant dans l’efficacité du vapotage pour le sevrage tabagique5, 6, 7. Ces arômes, souvent présentés comme plaisant aux jeunes, plaisent aussi et surtout, aux adultes fumeurs ! Ainsi, dire que la cible commerciale des puffs est la jeunesse parce qu’elles contiennent ce type de saveurs, c’est dire que toute l’industrie du vapotage cible les jeunes. Ce qui est bien sûr totalement faux. 

Rappelons également que si les médias et les associations antivape ne cessent parler du vapotage des jeunes, ils ne sont en réalité que très peu nombreux à réellement vapoter quotidiennement. La cigarette électronique est parfois essayée par les jeunes, à un âge où l’expérimentation fait partie de la construction d’un individu, mais essayer de vapoter une fois ne signifie pas pour autant que l’on est un vapoteur8

L’effet passerelle 

Après avoir parlé de différents sondages s’étant intéressés au comportement des jeunes face à la puff, Nozman, peut-être même sans le savoir, a récité l’un des principaux arguments utilisés par les antivapes : l’effet passerelle. Il indique ainsi :

« Ça, souvent, c’est leur premier contact avec la nicotine. Donc là on est sur un marketing bien ciblé, bien rageant. Parce que la puff est bien souvent une porte d’entrée pour le tabagisme chez les plus jeunes »

Inutile de s’attarder sur la théorie de la passerelle. Comme répété des centaines de fois, comme scientifiquement prouvé des centaines de fois9, 10, 11, 12, 13, l’effet passerelle n’existe pas. Vapoter ne conduit pas à fumer. Non seulement vapoter aide au contraire à arrêter de fumer, mais la cigarette électronique joue également un rôle de détournement du tabagisme. Un jeune qui commence à vapoter aurait peut-être fumé s’il ne s’était pas tourné vers le vaporisateur personnel. Ce faisant, il consomme de la nicotine grâce à un outil bien moins dangereux que le tabagisme. Rappelons quand même que la cigarette tue un utilisateur sur deux, et qu’à l’heure actuelle, après plus de dix ans d’existence du vapotage, aucun vapoteur ayant consommé des e-liquides traditionnels n’est décédé. Aucun, dans le monde entier.

Méprise sur les associations provape

Si l’industrie du vapotage avait jusqu’à présent été épargnée, c’est peu après la cinquième minute de vidéo que Nozman fait sa première erreur à son sujet. Il explique que « le secteur de l’e-cigarette n’est pas du tout d’accord avec ça », en parlant du rôle d’initiation au tabagisme que joue le vapotage. Il poursuit en indiquant que « selon certains de ses membres, l’interdiction des puffs aurait même des chances de renvoyer une partie de ses utilisateurs au tabagisme ». Comme source, il cite « une association provape qui a visiblement oublié que la cible des puffs c’est souvent des adolescents qui n’avaient jamais touché une clope de leur vie ».

Dr Nozman et/ou DNF semblent avoir oublié une chose : une grande partie de l’industrie du vapotage est contre les puffs. Parmi les commentaires postés sous la vidéo, certains professionnels de la vape s’expriment d’ailleurs et n’hésitent pas à qualifier les puffs « d’hérésie », et de « catastrophe écologique et éthique mettant en péril le secteur entier ». Un autre, qui se présente comme vendeur dans un vape shop, donne pour conseil de quitter un magasin si celui-ci propose des puffs, car « ils sont là pour faire du chiffre »

Du côté des associations de défense du vaporisateur personnel, dès décembre 2021, la FIVAPE alertait les services de l’État français au sujet des puffs, sans jamais obtenir de réponse. La FIVAPE, tout comme SOVAPE, n’ont pas fait le choix de soutenir aveuglément les puffs. Rappelant l’efficacité du vapotage pour le sevrage tabagique et la réduction des risques offerte par la cigarette électronique par rapport au tabagisme, toutes les deux ont simplement souligné que cette interdiction était plus le résultat d’une incapacité des autorités à empêcher la vente de tabac aux mineurs qu’autre chose. L’objectif des associations n’était pas de défendre un produit que certains considèrent comme ciblant les jeunes, mais de préserver un produit qui peut permettre à des adultes d’arrêter de fumer.

De petits écarts

Autour de la sixième minute, pour une raison totalement inexplicable, Nozman parle de Sniffy, une poudre blanche énergisante à sniffer qui a par la suite été interdite en France. Nous ne voyons absolument pas pourquoi ce sujet a été abordé dans une vidéo traitant des puffs.

Peu après la huitième minute de vidéo, Nozman fait un détour par les États-Unis pour parler de la crise EVALI. Là encore, difficile de savoir pourquoi ce sujet est abordé lorsqu’on sait (et il le dit lui-même) que les vapoteurs décédés outre-Atlantique avaient tous consommé des e-liquides frelatés, achetés au marché noir, contenant du THC et de l’acétate de vitamine E. Autant d’ingrédients absents des e-liquides traditionnels, qui sont d’ailleurs strictement contrôlés en France et dans la plupart des pays.

Un briefing suivi à la lettre

Après quelques minutes sur l’état des connaissances scientifiques au sujet des effets du vapotage sur la santé, le vidéaste conclut en soulignant que le vapotage est moins dangereux que le tabagisme, et que la e-cigarette « est recommandée à tous ceux qui veulent arrêter de fumer », et complète en indiquant que « par contre, la puff n’est recommandée à personne »

La puff étant une e-cigarette, cette phrase semble un peu paradoxale.

Une critique facile

La vidéo se termine par un point écologique. Nozman rappelle que les puffs sont munies de batteries au lithium, « un métal rare qui demande une très grande quantité d’eau pour être extrait ». S’ensuivent de nombreuses phrases sur les effets délétères de l’extraction du Lithium au Chili, second producteur mondial de cette ressource. Une ressource qui aurait pu, selon le vidéaste, « servir à autre chose comme à la transition écologique par exemple »

Si cette phrase est difficilement contestable, elle n’en reste pas moins un peu facile. Le Lithium est présent dans de très nombreux appareils de notre quotidien, comme les téléphones portables, les ordinateurs, les jouets pour enfants, les tablettes… Ou encore les caméras ou l’infrastructure de YouTube sur laquelle sont justement stockées les vidéos de Nozman. Des objets plus utiles que la transition écologique ?

Sources et références

1 Britton, J. and I. Bogdanovica, Electronic cigarettes : A report commissioned by Public Health England.London : Public Health England, 2014.

2 McNeill A, Brose LS, Calder R, Hitchman SC, Hajek P, McRobbie H : E-cigarettes : an evidence update – A report commissioned by Public Health England, 2015.

3 Nutt, D.J., et al., Estimating the harms of nicotine-containing products using the MCDA approach.European addiction research, 2014. 20(5): p. 218-225.

4 Hajek, P., et al., Electronic cigarettes: review of use, content, safety, effects on smokers and potential for harm and benefit.Addiction, 2014. 109(11): p. 1801-1810.

5 Farsalinos, K.E.; Romagna, G.; Tsiapras, D.; Kyrzopoulos, S.; Spyrou, A.; Voudris, V. Impact of Flavour Variability on Electronic Cigarette Use Experience: An Internet Survey. Int. J. Environ. Res. Public Health 2013, 10, 7272-7282. https://doi.org/10.3390/ijerph10127272.

6 Russell, Christopher, et al. “Changing Patterns of First e-Cigarette Flavor Used and Current Flavors Used by 20,836 Adult Frequent e-Cigarette Users in the USA.” Harm Reduction Journal, BioMed Central, 28 June 2018, https://doi.org/10.1186/s12954-018-0238-6.

7 Kimber, C, Sideropoulos, V, Cox, S, Frings, D, Naughton, F, Brown, J, et al. E-cigarette support for smoking cessation: Identifying the effectiveness of intervention components in an on-line randomized optimization experiment. Addiction. 2023. https://doi.org/10.1111/add.16294.

8 Selya A, Ruggieri M and Polosa R (2024) Measures of youth e-cigarette use: strengths, weaknesses and recommendations. Front. Public Health. 12:1412406. doi: 10.3389/fpubh.2024.1412406.

9 E-Cigarettes May Not Be Gateway to Smoking: Study – http://consumer.healthday.com/cancer-information-5/tobacco-and-kids-health-news-662/e-cigarettes-may-not-be-gateway-to-smoking-study-681597.html.

10 A. Wamba, M. Nekaa, L. Leclerc, C. Denis-Vatant, J. Masson, J. Pourchez – Regional French evolution of tobacco and e-cigarette experimentation and use among adolescents aged 15-16years: A cross-sectional observational study conducted in the Loire department from 2018 to 2020 – Prev Med Rep, 35 (2023), p. 102278, 10.1016/j.pmedr.2023.102278.

11 Legleye, S., Aubin, H.-J., Falissard, B., Beck, F., and Spilka, S. (2021) Experimenting first with e-cigarettes versus first with cigarettes and transition to daily cigarette use among adolescents: the crucial effect of age at first experiment. Addiction, 116: 1521–1531. https://doi.org/10.1111/add.15330.

12 Sandra Chyderiotis, Tarik Benmarhnia, François Beck, Stanislas Spilka, Stéphane Legleye, Does e-cigarette experimentation increase the transition to daily smoking among young ever-smokers in France?, Drug and Alcohol Dependence, Volume 208, 2020, 107853, ISSN 0376-8716, https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2020.107853.

13 Dautzenberg B. The use of e-cigarettes in adolescents: public health consequences. Tobacco Prevention & Cessation. 2017;3(May Supplement):98. doi:10.18332/tpc/71164.