Aux États-Unis, depuis le 9 septembre dernier, seuls les produits ayant soumis la PMTA sont autorisés à la commercialisation. Nous avons interrogé Dimitris Agrafiotis, P.-D.G. de Global eVapor Consulting Inc., et Gregory Conley, président de l’American Vaping Association, pour connaître la réalité de la situation.
A la rencontre de deux acteurs sur le terrain
Qu’est-ce qui a changé concrètement depuis le 9 septembre ?
Dimitris Agrafiotis : En fait, rien ne s’est concrètement passé qui aurait un effet immédiat sur les vapoteurs et l’industrie. Beaucoup d’entreprises ont entrepris de déposer des PMTA afin de rester sur le marché un an ou plus, selon la rapidité avec laquelle la FDA les examinera. Et c’est un énorme travail. On assiste quand même à une modification du marketing de la part des entreprises. Celles qui se sont mises dans les clous en soumettant une PMTA en ont fait la promotion, mais cela ne semble pas avoir un impact énorme. La FDA n’a pas vraiment respecté le délai non plus, nous n’avons pas vu d’inspections, ni d’envoi massif de lettres d’avertissement pour les produits non conformes.
Gregory Conley : Effectivement, pour la plupart des vapoteurs, le 9 septembre a été un jour comme un autre, mais ça a été la fin d’une époque pour certaines petites entreprises. Au cours du mois qui a précédé et suivi l’échéance du 9 septembre, une vingtaine de petites entreprises ont fermé leurs portes en raison de la durée, de la complexité et du coût de la procédure de PMTA. À mon avis, ce qui a empêché le 9 septembre d’être un événement apocalyptique pour les vapoteurs, c’est la résilience des gens au sein de cette industrie. Pendant des années, la FDA a pensé que la simple exigence de soumettre les PMTA à la FDA conduirait à retirer du marché des dizaines de millions de produits. Heureusement pour les consommateurs, plusieurs fabricants ont riposté en s’adaptant et en élaborant des templates que des centaines de fabricants ont utilisés pour soumettre des millions de PMTA à la FDA.
Les rayons des magasins sont-ils beaucoup moins remplis ?
G. C. : Non, les rayons des boutiques de grandes superficies sont aussi remplis aujourd’hui qu’il y a deux mois. En revanche, si la FDA refuse d’approuver les millions de demandes encore en attente, le choix des consommateurs en sera sérieusement affecté.
D. A. : Effectivement, les magasins semblent être bien approvisionnés et prêts à accueillir les vapoteurs et les ex-fumeurs potentiels. Le danger actuel pour les shops vient plutôt de la propagande de la santé publique et des médias, qui fait peur aux fumeurs et les empêche d’essayer la vape. On a d’abord eu à faire face au problème Evali, dû à d’illégales cartouches de THC, puis à l’épidémie surestimée de vapoteurs adolescents qui finalement n’existe pas vraiment, selon les données du gouvernement, et enfin la Covid-19 et la fausse info que la vaporisation et le tabagisme vous rendent plus susceptible de contracter le virus. Ça a vraiment fait chuter les chiffres d’affaires des petits entrepreneurs.
Comment les vapoteurs américains réagissent-ils ?
D. A. : Il semble qu’avec la façon dont le gouvernement a géré la situation et le fait d’obliger les entreprises à se conformer à des réglementations lourdes et injustes, l’indignation des consommateurs se soit accrue. Pas assez, si vous voulez mon avis, mais la méfiance s’installe lentement à l’égard de nos responsables de la santé qui tentent d’assimiler la vape aux cigarettes de tabac. La participation des consommateurs est la composante la plus importante de tout mouvement et, depuis trois ou quatre ans, elle fait défaut aux États-Unis. La plupart du temps, les gens attendent qu’un produit ne soit pas disponible pour s’énerver et faire du bruit, mais généralement, à ce moment-là, il est trop tard pour changer quoi que ce soit (en particulier une loi comme l’interdiction des arômes, comme nous l’avons vu dans divers États). L’action des consommateurs doit se développer pour que notre gouvernement en tienne compte.
G. C. : Et malheureusement, les vapoteurs américains sont devenus moins vigilants au fil des ans, en raison de la facilité d’accès aux produits de la vape. Même si beaucoup d’entre eux sont en colère contre la surréglementation dans ce domaine, et je rejoins Dimitris là-dessus : tant qu’ils ne verront pas les produits quitter les rayons de leurs boutiques, la réalité de ce que signifie la réglementation de la FDA ne sera pas palpable pour eux.
Quelle est la situation dans les magasins ? Quel est le pourcentage de magasins déjà fermés ?
D. A. : Comme nous l’avons déjà dit, les magasins manquent de nouveaux clients. Beaucoup d’entre eux ont fermé. D’ailleurs, nous estimons à environ 4 000 le nombre de magasins au cours des 2 dernières années. Et pour s’adapter, beaucoup sont se sont diversifiées en proposant des produits CBD, Delta 8 (un isomère du THC, ndlr) et autres, ce qui rend encore plus difficile de nous séparer des commerces classiques. Les fumeurs ont également plus de difficulté à entrer dans ces boutiques hybrides s’ils ne se sentent pas à l’aise avec certains des produits vendus.
G. C. : Il est difficile de distinguer les effets de la Covid, qui a fait fuir de nombreux Américains des magasins de détail, des effets de la date du 9 septembre pour la PMTA. Je n’ai pas l’impression qu’un grand nombre de magasins aient fermé à cause de la date de la PMTA, mais cela pourrait très bien se produire l’année prochaine, lorsque la FDA commencera à examiner ces demandes.
Ressentez-vous déjà l’émergence d’un marché noir ?
D. A. : Le marché noir a déjà commencé en raison de la législation des États. Nous avons 7 États qui ont interdit les arômes et dans ces États, cet énorme marché noir a été créé pour répondre au besoin des vapoteurs qui consomment des produits aromatisés pour ne pas refumer. Je pense que ce marché va s’étendre à mesure que d’autres États vont interdire les arômes ou en limiter l’accès en 2021. D’un point de vue fédéral, tant que la FDA n’aura pas commencé à appliquer la deeming rule, je ne prévois pas de changement.
G. C. : Je suis d’accord avec Dimitris, la PMTA n’a pas encore d’impact sur le marché. En revanche, les marchés noir et gris se développent dans les États qui ont interdit la vente de produits à base de vapeurs aromatisées, notamment le Rhode Island, le Massachusetts, le New Jersey et New York. Ceux qui ont la chance de vivre près des terres tribales de New York peuvent accéder aux arômes dans les réserves des Amérindiens. D’autres encore commandent illégalement en ligne, traversent la frontière de leur État ou achètent des produits dans la rue.
Êtes-vous toujours en négociation pour alléger la PMTA ?
D. A. : Des réunions se tiennent afin de convaincre la FDA d’exercer son pouvoir discrétionnaire en matière d’application de la loi et de trouver une solution plus abordable et plus rapide pour la commercialisation des produits de la vape. D’autres réunions ont également lieu avec le département des services de santé humaine pour aider les petites entreprises à se conformer à la promesse faite par le secrétaire Azar. Nous gardons l’espoir que cette administration, avec l’engagement de déréglementation du président Trump, aidera l’industrie indépendante de la vapeur à survivre, mais surtout à adopter la réduction des risques pour diminuer le nombre de décès dus aux cigarettes mortelles pour les Américains.
G. C. : Un effort très actif est fait pour travailler avec la FDA afin de déterminer quels tests supplémentaires l’agence exigera, le cas échéant, pour les petites entreprises cherchant des PMTA. Nous gardons l’espoir que la FDA reconnaîtra que la fermeture de centaines de fabricants d’e-liquides, principalement des systèmes ouverts – les produits les moins utilisés par les jeunes – serait un abus de pouvoir absurde.
Qu’est-ce qu’une PMTA ?
C’est l’abréviation de “premarket tobacco product application”. Tout nouveau produit du tabac sur le marché américain après février 2007 – essentiellement 99 % de tous les produits à base de vapeur – est légalement tenu de passer par le processus d’application du tabac avant sa commercialisation.
Une PMTA doit démontrer qu’un nouveau produit du tabac est approprié pour la protection de la santé publique (APPH), en prenant en compte les risques et les avantages pour l’ensemble de la population, y compris les utilisateurs et les non-utilisateurs de produits du tabac.
Les exigences de la PMTA
Voici quelques-unes des exigences d’une PMTA. Cette liste n’est pas exhaustive et, bien que la FDA ait fourni des directives sur le contenu des demandes, elle peut également demander des renseignements supplémentaires au besoin :
- Échantillons de produits et étiquetage – Soumission d’échantillons de produits afin d’effectuer des essais et des analyses.
- Études et analyses scientifiques.
- Analyses et fabrication du produit.
- Principes de fonctionnement.
- Habitudes d’utilisation du produit.
- Attrait, perceptions et intentions des consommateurs.
- Facteurs humains – Analyse des risques associés à l’usage “réel” du produit du tabac, y compris l’usage normal et le mauvais usage prévisible.
Combien coûte une PMTA ?
Bien que la soumission d’une PMTA soit gratuite, la FDA a estimé le coût de la compilation des données nécessaires pour une PMTA à des centaines de milliers de dollars (de 117 000 à environ 466 000 $). Toutefois, il s’agit peut-être d’une estimation prudente. Le coût final d’une PMTA peut être beaucoup plus élevé, d’autant plus que les fabricants doivent effectuer des recherches et des essais originaux pour éclairer l’application. Rappelons aussi que la FDA considère que chaque produit de la vape ayant une variante d’arôme ou une teneur en nicotine différente est un produit différent. Cela donne une idée de l’investissement financier pour soumettre une gamme entière d’e-liquide.