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Comment les liquidiers se protègent-ils des risques ?

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Les consommateurs demandent des e-liquides sûrs pour leur santé. Les boutiques leur en vendent. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Oui, à une condition, se demander : ça veut dire quoi, un liquide sûr ?

Sécurité des liquides

La responsabilité des fabricants de liquides, aujourd’hui, est immense : leur métier est de fabriquer et vendre un liquide qu’un utilisateur final va transformer en vapeur et inhaler. Qu’est-ce qui peut mal se passer ?

La liste de ce qui peut mal se passer est longue. Et la préoccupation de tous les acteurs de la vape est que, justement, ça ne se passe pas mal. Être juice maker aujourd’hui, c’est tenir à distance la loi de Murphy, cette loi empirique qui explique que, si quelque chose peut mal se passer, alors ça va inévitablement se produire.

Mais c’est quoi, un liquide sûr ? Et, une fois ces critères de sécurité définis, comment s’assure-t-on qu’il y correspond ?

Pour répondre à cela, nous avons choisi de n’interroger que deux intervenants, pour leur donner la possibilité d’aller au fond du sujet, parce qu’il est important et ne peut se contenter d’un traitement de surface. Ces deux intervenants se sont chacun taillé une solide réputation sur le sujet, et leur parole porte : Gaïatrend et Ingésciences.

Assurance et sécurité

De nombreux mécanismes s’activent quotidiennement pour produire des e-liquides dans les meilleures conditions de sécurité. (Laboratoire Gaïatrend, mai 2018)

Gaïatrend n’a plus rien à prouver en matière de sécurité des liquides : la maison mère d’Alfaliquid est le pionnier du marché français et s’est fait une réputation sur le sujet. Xavier Martzel, fils du fondateur et aromaticien, est certainement au poste le plus stratégique sur ce point. Nous lui avons donc posé une question : qu’est-ce que c’est qu’un liquide sûr ?

“Avant même de parler de la sécurité des liquides en eux-mêmes, il faut d’abord rappeler une chose essentielle : l’assurance en responsabilité civile, souligne-t-il. Tout le monde ne l’a pas.” Et c’est vrai que ce point est crucial : l’assurance va garantir au client que, en cas de problèmes, quelqu’un couvrira les frais.

“Ensuite, un liquide sécuritaire dépend avant tout de la qualité des ingrédients, explique Xavier Martel. Il faut avoir des ingrédients de grade pharmaceutique, et ça a un certain coût. On a pu voir dans certaines bases du PG de grade technique, c’est un PG qui est pur à seulement 80 %.” Et il est vrai que, les 20 % qui restent, on n’a pas tellement envie de les vaper.

Découvrez tout ce qu’il y a à savoir sur le propylène glycol, ingrédient incontournable des e-liquides.

“De même pour la nicotine. Il n’y a que deux grands producteurs de nicotine au monde, la Chine et l’Inde. Des producteurs en Europe l’achètent et finissent le traitement. Il y a dix étapes de traitement de la nicotine, et un listing qui existe avec toutes les impuretés qu’on peut y trouver. Ce qui veut dire qu’on les connaît très précisément, et qu’on sait exactement quoi chercher quand on l’analyse.”

La nicotine de qualité pharmaceutique est scrutée à la loupe. “Une nicotine de grade pharmaceutique est pure à 99,9 %, souligne Xavier Martzel. Chez nous, elle est pure à 99,85 % parce qu’il y a toujours un peu d’eau qui subsiste.”

Précision, après recherches, la nicotine de grade parapharmaceutique est très rare et utilisée pour la recherche scientifique. La nicotine utilisée par Gaïatrend est déjà très au-delà de ce qui est exigible pour la consommation humaine en termes de qualité.

“Ensuite, les arômes. Là, ils sont de grade alimentaire, parce que ce sont des molécules que le corps sait et peut traiter. Il faut connaître et éviter les molécules irritantes ou sensibilisantes en termes respiratoires.”

L’iceberg de la sécurité

Un robot fait défiler les bidons sous les buses de remplissage. (Laboratoire Gaïatrend, mai 2018)

On s’en rend compte au fur et à mesure que Xavier Martzel s’étend sur le sujet : la sécurité des liquides, c’est un iceberg, on n’en voit que la surface. Comme ce sujet trop peu traité : le matériel.

“Le ministère de la Santé anglais a affirmé que la vape est 95 % moins dangereuse que le tabac, c’est vrai, dans de bonnes conditions d’utilisation. Mais on parle beaucoup du liquide, et peu du matériel. Le liquide n’est pas fait à la base pour être malmené. Le matériel peut être le plus gros problème s’il y a une dérive d’utilisation.”

Un exemple : “Les résistances en mesh n’ont pas le même coefficient de chauffe. Sur du mesh, on va traiter des résistances trop hautes. Pareillement sur le coton : coton traité ou non, présence d’impuretés ou au contraire de produits chimiques.” Ce que Xavier Martzel souligne, c’est que le liquide est un rouage important de la sécurité, mais pas le seul.

“Et il reste le thème de la consommation de liquide : au bon dosage, on doit être entre 2 et 4 ml par jour. Nous sommes en train de mener une étude clinique avec l’hôpital de Strasbourg, et on voit une différence entre des personnes qui consomment entre 2 et 4 ml et d’autres qui tournent à 20, 30, 40 ml par jour.”

Des procédures strictes

Les bidons vides d’un côté, les pleins en partance pour la mise en bouteille de l’autre. (Laboratoire Gaïatrend, mai 2018)

Chez Gaïatrend, les procédures de sécurité sont très strictes. “La matière première : PG, VG, nicotine sont contrôlées dès la livraison, explique Xavier Martzel. On a un stock dit de quarantaine, sur lequel on va prélever des échantillons pour analyse au laboratoire de qualité. Celui-ci procède à des analyses par chromatographie gazeuse ou liquide selon les cas. Il nous est déjà arrivé de renvoyer des lots chez le fabricant. Pas souvent, mais c’est arrivé.”

Même chose pour les arômes : “On vérifie leur conformité par rapport au cahier des charges. On doit connaître la recette molécule par molécule.” Y compris les flacons. “Nous avons fait des études précises d’interaction entre contenant et contenu.”.

L’une des matières premières des e-liquides est la glycérine végétale. Consultez notre guide à son sujet pour tout savoir sur ce produit.

Et au bout de la chaîne ? “On appose deux étiquettes sur la matière première ; la première indique la date du contrôle, et la seconde est apposée lorsque le contrôle est terminé et que tout est conforme. La production ne peut pas utiliser de produit sur lequel ne figurent pas les deux étiquettes.”

On le voit, Alfaliquid met les moyens, mais est-ce parce que, justement, la société en a les moyens ? “Ce n’est pas une question de moyens, insiste Xavier Martzel. Nous disposons de l’équipement en interne, certes, mais des plus petits laboratoires peuvent faire appel à des prestataires externes. Selon les analyses, c’est entre 40 et 80 euros, donc pas inaccessible. Ce qui compte, c’est avoir de la rigueur.”

La science en conscience

Des échantillons sortis de la production sont systématiquement analysés. (Laboratoire Gaïatrend, mai 2018)

Mais les points soulignés ci-dessus sont volontaires : Gaïatrend se base avant tout sur l’état des connaissances scientifiques, que Xavier Martzel suit de très près. Et la société alsacienne va très au-delà de ce que leur impose la législation.

Alors, quelles sont concrètement les obligations des fabricants et leurs limites ? Nous avons posé la question à Ingésciences, pour qu’ils apportent, en plus de la réponse, un éclairage scientifique à son sujet. Jérémy Sorin, ingénieur en recherche et développement, détaille la réponse.

“En France, à date, un fabricant d’e-liquide est dans l’obligation de :

  • déclarer la composition moléculaire des produits nicotinés à l’ANSES, ainsi que des données relatives à la composition des émissions produites par leur vaporisation ;
  • déclarer les produits au centre antipoison européen (produits nicotinés ou pas) et fournir les documents nécessaires à cette déclaration (fiches de données et de sécurité de toutes les matières premières contenues dans le produit et du produit lui-même ; étiquette du produit ; code UFI, etc.) ;
  • produire les FDS nécessaires à ces précédentes déclarations ;
  • avoir un étiquetage conforme au règlement CLP 1272/2008 ;
  • respecter les obligations légales découlant de la transposition de la TPD en France, notamment : matrices diluantes (PG, VG, autres) et nicotine de qualité PE/USP, volume de conditionnement maximum de 10 ml pour les produits nicotinés, accompagnés d’une notice, interdiction de la propagande ou de la publicité, directe ou indirecte, en faveur des produits du vapotage, etc.”

Tout ceci rend le produit conforme à la loi, mais est-ce que cela le rend sûr ? Et, d’ailleurs, qu’est-ce qu’un produit sûr ? “En toxicologie, discipline qui traite les questions de toxicité, il existe deux notions centrales et souvent confondues : le danger et le risque. Le danger est intrinsèque et invariant à un produit ou une substance. Par exemple, la nicotine est mortelle par contact cutané. Le risque est variable et dépend de la façon dont on s’expose aux dangers (de l’environnement et du contexte d’exposition), on pourrait dire qu’il traduit une ‘probabilité de réalisation du danger’. Par exemple, vapoter un e-liquide contenant quelques mg/ml ne présente pas de risque de décès.”

Identifier les risques

Le prélèvement pour analyse au labo. (Laboratoire Gaïatrend, mai 2018)

Jérémy Sorin constate donc que “les risques induits par le vapotage de la nicotine apparaissent minimes bien que la substance pure soit quant à elle dangereuse. L’usage qu’il en est fait, module donc le risque. Les risques peuvent être ‘aigus’, immédiats (ex. : fumer une cigarette entraîne une intoxication au monoxyde de carbone) ou ‘chroniques’, sur la durée (ex. : le tabagisme favorise le développement de cancers). Pour chaque substance dangereuse, il existe des ‘seuils’ de risque. En toxicologie, ces seuils sont appelés des valeurs toxicologiques de référence (VTR). Comparables à des paliers, ces VTR sont proposées pour une substance donnée afin de qualifier et quantifier son risque pour la santé humaine.”


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“Les VTR sont spécifiques : d’une substance, d’une durée d’exposition (aiguë : quelques heures à quelques jours. Subchronique : quelques jours à quelques mois. Chronique : année de vie entière), d’une voie d’exposition (inhalation ; orale…), d’un type d’effet. Les quantités de nicotine consommées en vapotant sont insuffisantes pour entraîner un risque de décès. Cependant, certaines substances présentes dans les e-liquides n’ont pas de VTR applicables en inhalation, rendant difficile l’évaluation des risques. Les données disponibles ne permettent pas de déterminer quelles limites doivent être respectées afin de garantir l’absence de risques pour le consommateur. De plus, la diversité des produits et des comportements de consommation complique l’évaluation globale de la pratique de la vape. Chaque combinaison de produit, condition de vaporisation et comportement de consommation doit être évalué individuellement.”

D’où vient le risque

Une mécanique de précision sous haute surveillance. (Laboratoire Gaïatrend, mai 2018)

Si on veut certifier qu’un produit est sûr, donc, on ne peut pas considérer qu’il n’existe pas de risque, il y en a toujours. Il faut donc identifier ces risques et trouver un moyen de les éliminer. Quels sont les risques identifiés, donc ? “Il y a trois grandes provenances des risques liés à la vape, explique Jérémy Sorin. Le premier : une substance dangereuse (ex. : H331, toxique en inhalation) est présente dans l’e-liquide. Cette molécule va être vaporisée, pénétrer dans les voies respiratoires et la quantité d’exposition est suffisante pour induire un effet néfaste.”

“Le second risque : une substance du produit se dégrade lors de sa vaporisation. Les molécules produites par cette dégradation sont dangereuses et en quantité suffisante pour induire un effet néfaste.”

Un goût de brûlé lors du vapotage est le signe que des composés nocifs sont inhalés. Découvrez la procédure à suivre pour résoudre ce problème.

“Et le troisième : l’élément chauffant (la résistance) du dispositif est altéré ou utilisé dans de mauvaises conditions (dysfonctionnel ; encrassé, etc.) et entraîne une température de chauffe localement accrue qui favorise sa dégradation et celle des constituants du produit. Les molécules produites par ces phénomènes de dégradation sont toxiques et en quantité suffisante pour induire un effet néfaste.”

Donc, un produit dangereux en lui-même est présent dans la vape, ou bien il est créé par interaction chimique, ou bien, sans forcément de lien direct avec le liquide, le matériel lui-même produit le risque. Sans s’être concertés, Jérémy Sorin et Xavier Martzel ont pointé les mêmes facteurs.

Jérémy Sorin conclut le sujet : “Objectivement, un fabricant ne peut pas affirmer que ses produits sont exempts de substances dangereuses ou sans risques, car il ne maîtrise pas l’exposition et l’usage des produits. Néanmoins, il peut minimiser les risques en veillant à différents points de fabrication et de composition.”

Critères objectifs

La mise en place des bouchons sur les bouteilles. (Laboratoire Gaïatrend, mai 2018)

Donc, si l’on veut pouvoir assurer à son client que le produit qu’on lui vend est sûr, quels sont les critères objectifs que l’on peut avancer ? “Cette fois-ci, la question n’est plus absolue (quels sont les risques si je consomme ce produit VS ne pas le consommer ?), mais relative (par rapport à un autre produit), détaille le chercheur d’Ingésciences. Dans ce cas, il y a une logique de comparaison qui permet plus de certitudes. Comprendre et distinguer les notions de ‘risques relatifs’ et de risques ’absolus’ éclaire sur les avis divergents relatifs aux risques de la pratique de la vape.”

“Les détracteurs parlent souvent du risque absolu afin de soutenir leur position, poursuit-il. ‘Vapoter entraîne certains risques’, c’est vrai dans l’absolu. Cette interprétation ne tient pas compte des autres facteurs influencés par le fait de vapoter, comme par exemple un potentiel arrêt du tabagisme. Elle est bien plus vérace quand on considère un non-fumeur qui s’initie au vapotage. Ce premier groupe est très actif scientifiquement pour soutenir son point de vue par des données techniques.”

En revanche, “les acteurs favorables à la pratique, quant à eux, parlent souvent et uniquement du risque relatif de la vape par rapport au tabagisme, explique Jérémy Sorin. ‘Vapoter entraîne moins de risques que fumer’, ce qui est également vrai. La problématique réside dans le fait que certains utilisent ce point pour justifier de l’usage de substances qui augmentent les risques de la pratique de la vape (par exemple, le sucralose). ‘C’est toujours moins nocif que le tabac’, nourrissant ainsi les détracteurs. Ce second groupe est plutôt passif scientifiquement à de rares exceptions près.”

“Comme expliqué précédemment, l’approche toxicologique se base sur une liste de substances, leur(s) danger(s), une exposition, et des valeurs toxicologiques de référence, conclut-il. Dans le cas de la vape, nous pouvons considérer une consommation d’e-liquide journalière, déterminer l’exposition aux substances nocives, les quantifier et observer si ces quantités dépassent les seuils entraînant un effet toxique. L’ANSES, avec qui nous échangeons sur ces sujets, utilise actuellement une démarche assez similaire en prenant en compte l’ensemble des e-liquides déclarés sur le marché français. Elle a d’ores et déjà compilé l’ensemble des données de compositions déclarées, listé les dangers associés aux molécules identifiées, et travaille présentement sur une synthèse quantitative devant servir de base à une évaluation des risques. Ces documents sont publics et disponibles sur le site de l’agence.”

La science à la rescousse

Les connaissances scientifiques progressent et permettent de toujours améliorer la sécurité des e-liquides. (Laboratoire Gaïatrend, mai 2018)

Les connaissances sur la vape progressent grâce aux études scientifiques ; on peut se demander si on découvrira, à l’avenir, un nouveau risque de sécurité majeur dans les e-liquides, comme le diacétyle l’a été en son temps ? Jérémy Sorin répond par l’affirmative : “Deux aspects sont à considérer : le premier est illustré par le cas du diacétyle qui est survenu ‘au début’ de la démocratisation de la pratique. Avant d’être utilisé dans la composition des e-liquides, le diacétyle avait déjà causé des problématiques toxicologiques en inhalation (aux USA dans les années 2000 dans des usines agroalimentaires). Sa nocivité en inhalation était documentée et des VTR en inhalation étaient disponibles. Son utilisation peut être vue comme une erreur due à un marché peu mature à l’époque. Ce genre de problématiques peuvent-elles se reproduire ? Nous pensons que oui.”

“La méconnaissance de certains fabricants face à la composition chimique moléculaire de leurs produits en est la principale raison. S’ils la connaissent, au travers d’analyses, savent-ils l’interpréter ou encore identifier des substances indésirables dans un e-liquide ? S’ils savent les identifier, souhaitent-ils s’affranchir de leur utilisation au regard du risque induit, et perdre le ‘bénéfice’ de leur présence dans le produit ? Le diacétyle, par exemple, apportait un côté beurré très plaisant aux e-liquides ‘gourmands’ de l’époque. Le sucralose apporte une saveur sucrée appréciée par de nombreux consommateurs actuellement. Autrement dit, un fabricant doit-il et souhaite-t-il privilégier la minimisation des risques que son produit induit pour le consommateur au détriment de son attractivité quand ces deux aspects se confrontent ?”

“Le manque de contrôles internes et externes de la composition chimique moléculaire des e-liquides est alors un vrai sujet pour la filière de la vape. Il y a une hétérogénéité dans les contrôles des sites de production, des éléments d’étiquetage (devant apporter de la transparence aux consommateurs), ou encore des données déclarées auprès de l’ANSES, ce qui peut représenter un problème pour la sécurité du consommateur à l’échelle nationale et internationale. Il est raisonnable de penser que ce manque de transparence sur la sécurité des e-liquides porte tort à la pratique de la vape et détériore l’opinion publique à son égard.”

“Le second aspect de la question concerne certaines substances contenues dans les e-liquides dont l’évaluation toxicologique en inhalation n’a pas encore été réalisée. Il est plausible que de nouvelles substances soient identifiées comme dangereuses à l’avenir. Cette problématique n’est pas spécifique à la vape, elle existe aussi dans les secteurs cosmétique, pharmaceutique ou agroalimentaire.”

Le sucralose est donc un candidat sérieux au futur rôle d’ennemi numéro un ?

Ingésciences a scruté le problème : “Le sucralose en lui-même n’est pas dangereux, mais comme il n’est pas stable à la chauffe, il génère des produits de dégradation qui, eux, sont nocifs. Les VTR des produits de dégradation spécifiques du sucralose sont très basses et systématiquement dépassées lorsqu’il est présent dans l’e-liquide. La quantité de sucralose à ne pas dépasser dans un e-liquide afin que ses émissions ne soient pas risquées n’est pas perceptible lors de la consommation du produit (saveur sucrée dans la bouche), et n’a donc pas d’intérêt sur le plan commercial/organoleptique. Ainsi, un produit qui contient du sucralose induit forcément un effet néfaste pour le consommateur.”

Néanmoins, il constate une bonne nouvelle : “Alors que son utilisation était fortement présente sur le marché il y a quelques années, nous constatons à présent qu’elle se marginalise, signe d’une prise de conscience des industriels, et d’une volonté de tendre vers des produits plus sûrs (une fois l’information disponible). Ceux qui souhaitent conférer une saveur sucrée à leur produit préfèrent actuellement l’usage d’autres édulcorants, moins risqués, au sucralose.”

La sécurité vient de la connaissance des risques

La salle de préparation des liquides. (Laboratoire Gaïatrend, mai 2018)

Quels sont les travaux qu’Ingésciences mène et qui concernent la sécurité des e-liquides ? De la pratique de la vape ? “Le travail d’Ingésciences depuis 10 ans est axé sur les questions de la sécurité des e-liquides, et plus largement la pratique du vapotage. Sur ces aspects, nous agissons à différents niveaux. Avec la section chimie analytique, nous identifions et listons toutes les substances que nous avons déjà observées dans la composition des produits. Nous réalisons le même travail lors de l’analyse des arômes alimentaires susceptibles d’être utilisés dans la formulation d’un e-liquide. Nous travaillons également à l’identification de produits de dégradation présents dans les émissions des produits. L’ensemble des substances identifiées est archivé dans une base de données, qui est aujourd’hui constituée de plusieurs centaines de molécules.”

“Lorsqu’une substance intègre notre base de données, nous réalisons une recherche de données toxicologiques afin d’établir son profil toxicologique, détaille Jérémy Sorin. Cette étape consiste à rechercher toutes les données bibliographiques et réglementaires (classifications de la molécule) disponibles. Ces données sont mises à jour chaque année afin d’être en mesure d’identifier de nouvelles données probantes ou une modification de la classification d’une substance.”

Mais ce n’est que le début. Ingésciences dispose de robots vapoteurs grâce auxquels ils réalisent l’étude du rendement de vaporisation d’une substance ou encore sa stabilité thermique, voire l’identification de ses produits de dégradation lorsque les données sont manquantes.

À la rencontre de Mathilde Valdiguié, chargée de projet organoleptique chez Ingésciences

“Depuis plusieurs années, nous menons un programme expérimental de recherche en biologie cellulaire nommé Vapecell, dont le principe est d’exposer des tissus cellulaires humains à un aérosol issu de la vaporisation d’un e-liquide dans des conditions normales et représentatives d’utilisation, explique Jérémy Sorin. L’objectif est de produire des données toxicologiques expérimentales pouvant servir, in fine, à définir des VTR spécifiques de la vape, notamment sur les substances pour lesquelles ces données ne sont pas disponibles.”

Ingésciences travaille également, dans le même but, sur des simulations numériques. “Par ailleurs, nous sommes activement impliqués dans l’écriture des normes CEN et ISO en cours de rédaction sur la pratique de la vape et dans la révision des normes Afnor. De plus, nous collaborons et sommes consultés par l’ANSES dans son travail actuel d’évaluation sanitaire de la pratique de la vape en France. Notre objectif final est de développer une approche globale d’évaluation des risques de la vape et de fournir les données nécessaires à cette évaluation”, conclut Jérémy Sorin.

Votre liquide est-il sûr ?

Il n’y a pas de réponse définitive à la question que vous pouvez vous poser sur la sécurité de votre liquide. Trop de facteurs sont impliqués. Néanmoins, c’est une certitude, il est moins dangereux que la cigarette qu’il vous a permis d’abandonner. Et même s’il présente un danger, il faut réunir d’autres facteurs pour que ce danger se présente.

Mais suffisamment d’efforts sont déployés par un nombre important de gens compétents pour identifier et éliminer ces dangers.

La question n’est donc peut-être pas la bonne. Après tout, pas plus que votre nourriture, votre moyen de locomotion, vos loisirs, la vape n’est dépourvue de risques. Plutôt que de se demander si votre liquide est sûr, peut-être devez-vous vous demander si son fabricant a déployé suffisamment d’efforts pour qu’il ne soit pas dangereux.

Vous avez des questions sur la fabrication d’un e-liquide ? Découvrez notre reportage exclusif réalisé il y a quelques années chez Alfaliquid (Gaïatrend).