Pour chaque vapoteuse non vendue à cause d’une interdiction des arômes, 13 cigarettes de tabac supplémentaires seraient achetées.
Des résultats qui confirment ceux d’études précédentes
Le 26 septembre dernier, une étude1 américaine prépubliée sur le Social Science Research Network s’est intéressée à l’effet de l’interdiction des arômes dans le domaine de la cigarette électronique sur les ventes de tabac. Ses conclusions sont sans appel : si interdire les arômes dans le vaping fait diminuer les ventes de produits de la vape, en parallèle, les ventes de cigarettes augmentent.
Méthodologie
Cette analyse a porté sur le marché du tabac des USA. Comme le rappellent ses auteurs, aux États-Unis, plus de 375 localités et huit États ont interdit la vente d’e-liquides, de pods ou de puffs contenant des arômes autres que celui du tabac. Une interdiction qui n’a pas manqué de faire croître le marché noir pour ces produits, ou forcé leurs utilisateurs à se rendre dans un État n’appliquant pas de telles interdictions pour se fournir.
Afin d’obtenir les chiffres nécessaires à leur étude, les scientifiques ont utilisé les données de l’Information Resources Incorporated qui permettent de consulter les ventes au détail de toutes les cigarettes pour 44 États. Ils ont ensuite observé les dates de mise en place des interdictions pour tous ces États, et contacté les autorités compétentes lorsqu’ils ne trouvaient pas cette information. À l’aide de différentes méthodes de calcul, ils ont pu estimer l’effet de l’interdiction des arômes pour la cigarette électronique sur les ventes de tabac fumé.
Conclusions
Dans leurs conclusions, les auteurs de l’étude indiquent que pour chaque unité d’e-cigarette non vendue à cause d’une interdiction des arômes (une unité représentant un pod contenant 0,7 ml d’e-liquide), les ventes de cigarettes ont augmenté de 0,351. « Le rapport entre ces deux chiffres suggère que 13 cigarettes supplémentaires sont vendues pour chaque unité de produits de la vape vendue en moins », expliquent-ils ainsi.
Selon eux, de cette étude ressortent cinq points principaux :
- Lorsqu’une politique d’interdiction des arômes pour les produits de la vape est appliquée, les ventes de ces produits diminuent tandis que les ventes de cigarettes combustibles augmentent.
- L’augmentation des ventes de cigarettes de tabac croît avec le temps. Celle-ci était supérieure dans les États ayant interdit les arômes depuis plus d’un an, que dans ceux où l’interdiction était plus récente.
- 71 % de l’augmentation des ventes de tabac se fait avec des cigarettes non mentholées. « Ce résultat indique que la réaction de substitution observée aux politiques relatives à l’interdiction des arômes dans la vape ne peut être attribuée à la disponibilité des cigarettes au menthol ni être entièrement contrecarrée par les interdictions de vente de cigarettes au menthol », précisent de fait les chercheurs.
- Il n’y a pas de marques de cigarettes privilégiées lors de l’augmentation des ventes de tabac.
- Qu’une politique d’interdiction des arômes ne cible que certaines saveurs en particulier, ou que les produits aromatisés ne soient autorisés qu’auprès de certains détaillants, dans les deux cas, le résultat resterait le même : une diminution des ventes de cigarettes électroniques et une augmentation des ventes de tabac.
Comme le soulignent les auteurs de l’étude, ces résultats sont cohérents avec ceux de 16 des 18 études réalisées par le passé qui s’étaient intéressées à l’évolution de la vente de tabac après la mise en place d’une réglementation particulière pour le vaping (augmentation de l’âge minimum légal pour pouvoir se procurer des produits de la vape, augmentation des taxes sur le vapotage, ou restrictions en matière de publicité). « En d’autres termes, les politiques rendant les cigarettes électroniques plus chères, moins accessibles ou moins attrayantes semblent encourager la substitution vers les cigarettes », note clairement l’équipe de scientifiques. Ils émettent alors deux recommandations :
- Réglementer les produits du tabac en fonction de leur nocivité.
- Associer une politique autorisant davantage d’arômes pour les cigarettes électroniques tout en restreignant les magasins autorisés à les vendre.
« Étant donné les preuves que l’utilisation de la cigarette électronique est plus efficace pour arrêter de fumer que les thérapies de remplacement de la nicotine et les taux élevés d’abandon accidentel parmi les fumeurs qui essaient le vapotage sans avoir l’intention d’arrêter de fumer, ces approches évitent un compromis inéquitable inhérent à l’interdiction des arômes pour les seuls produits de la vape, qui donne la priorité aux jeunes sur les 11,2 % d’adultes américains qui fument », concluent-ils.
Les arômes, essentiels pour la vape
Si cette recherche s’est contentée d’analyser l’effet de l’interdiction des arômes dans la vape sur les ventes de cigarettes, elle ne s’est pas intéressée aux raisons qui pourraient expliquer ses résultats.
Comme de précédents travaux scientifiques l’ont démontré2 3 , les arômes jouent un rôle essentiel dans l’efficacité de la cigarette électronique en tant qu’outil de sevrage tabagique. Permettant à ses utilisateurs de trouver un certain plaisir lors de sa consommation, elle se démarque ainsi des autres substituts nicotiniques n’en procurant aucun. L’un des nombreux avantages de la cigarette électronique et une des raisons qui expliquent pourquoi, à l’heure actuelle, le vaporisateur personnel est l’outil de sevrage tabagique le plus efficace du marché, comme l’ont déjà rapporté de nombreuses études4 5 6 7 par le passé.
En supprimant les arômes, de nombreux vapoteurs ne ressentent plus le plaisir qui leur permettait de remplacer les cigarettes de tabac. Certains peuvent alors choisir de retourner au tabagisme, ce qui pourrait expliquer l’accroissement des ventes de cigarettes suite à l’application d’une telle législation.
1 Friedman, Abigail and Liber, Alex C. and Crippen, Alyssa and Pesko, Michael, E-cigarette Flavor Restrictions’ Effects on Tobacco Product Sales (September 26, 2023). Available at SSRN: https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4586701
2 Russell, Christopher, et al. “Changing Patterns of First e-Cigarette Flavor Used and Current Flavors Used by 20,836 Adult Frequent e-Cigarette Users in the USA.” Harm Reduction Journal, BioMed Central, 28 June 2018, https://doi.org/10.1186/s12954-018-0238-6
3 Kimber, C, Sideropoulos, V, Cox, S, Frings, D, Naughton, F, Brown, J, et al. E-cigarette support for smoking cessation: Identifying the effectiveness of intervention components in an on-line randomized optimization experiment. Addiction. 2023. https://doi.org/10.1111/add.16294
4 Hájek, P., Phillips-Waller, A., Przulj, D., Pesola, F., Smith, K., Bisal, N., Li, J., Parrott, S., Sasieni, P., Dawkins, L., Ross, L., Goniewicz, M. Ł., Wu, Q., & McRobbie, H. (2019). A Randomized Trial of E-Cigarettes versus Nicotine-Replacement Therapy. The New England Journal of Medicine, 380(7), 629–637. https://doi.org/10.1056/nejmoa1808779
5 Fekom, M., ElAarbaoui, T., Guignard, R., Tarik, Andler, R., Quatremère, G., Ducarroz, S., Nguyen-Thanh, V., & Melchior, M. (2022, November 12). Use of tobacco cessation aids and likelihood of smoking cessation: A French population-based study. Preventive Medicine Reports. Retrieved December 7, 2022, https://doi.org/10.1016/j.pmedr.2022.102044
6 Hartmann-Boyce J, McRobbie H, Lindson N, Bullen C, Begh R, Theodoulou A, Notley C, Rigotti NA, Turner T, Butler AR, Hajek P. Electronic cigarettes for smoking cessation. Cochrane Database of Systematic Reviews 2020, Issue 10. Art. No.: CD010216. DOI: 10.1002/14651858.CD010216.pub4.
7 Lindson N, Theodoulou A, Ordóñez-Mena JM, Fanshawe TR, Sutton AJ, Livingstone-Banks J, Hajizadeh A, Zhu S, Aveyard P, Freeman SC, Agrawal S, Hartmann-Boyce J. Pharmacological and electronic cigarette interventions for smoking cessation in adults: component network meta‐analyses. Cochrane Database of Systematic Reviews 2023, Issue 9. Art. No.: CD015226. DOI: 10.1002/14651858.CD015226.pub2.
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