Il arrive qu’on se remémore avec nostalgie de l’époque où on fumait. Parce que ces temps étaient agréables, non pas grâce, mais malgré la clope. Mais il y avait des raseurs.
Le fondement de la nicotine
« Je peux te taxer une clope ? ».
Vous vous rappelez cette question ? Elle était exaspérante et donnait envie de répondre « non », sauf quand c’était nous, pauvres fous, qui la posions, auquel cas le « oui » était espéré.
N’ayons pas peur de le dire : c’était le bon temps. Pour la plupart d’entre nous, du moins. C’était un temps où nous étions plus jeunes, plus fous, plus remplis d’enthousiasme, et beaucoup de nos rêves étaient bien vivants et ne s’étaient pas encore pris la vie en pleine poire.
(Soupir) oui, c’était le bon temps. C’est juste dommage que la clope était là pour régir nos vies et globalement gâcher la fête. Et les raseurs, bien entendu, qui, sous les atours d’une politesse compassée et avec une componction avide, prétendaient prélever une des cibiches pour lesquelles vous aviez sacrifié votre grasse matinée du dimanche.
Enfin, aujourd’hui, ce temps est derrière nous. Il n’empêche, si l’on avait dit à votre serviteur de vingt ans que, trois décennies plus tard, il aurait renoncé avec joie à son paquet au prénom du plus célèbre Premier ministre britannique pour le remplacer par des nuages de vapeur au goût poire au caramel, il aurait rigolé.
Les vapeurs du passé
Parfois, on pense au passé, à des gens qu’on a croisés, et on se demande ce qu’ils sont devenus. Il arrive qu’on en croise, qu’on échange quelques mots, laissant deviner une vie tout autre que celle en laquelle ils se projetaient, à peine majeurs.
A notre décharge, à l’époque du croulant qui rédige cet article, internet n’était qu’un sujet d’article dans la presse et le téléphone portable, c’était un truc qui tenait dans une valise qu’on avait vu dans un épisode de X-files. Du coup, se planter totalement sur ce à quoi notre futur ressemblerait est excusable.
Mais oui, parfois, à l’évocation de telle ou telle chose, à l’apparition d’un détail oublié de notre vie, on se remémore une personne qui y est associée. Le concert d’adieu de Front 242, qu’est devenu le pote qui était fan ? La réouverture exceptionnelle d’une discothèque depuis longtemps fermée, où est la jolie fille avec qui nous y avions passé une magnifique soirée, que fait-elle, se souvient-elle de cet instant ?
Bref : on se souvient des gens. Sauf ceux qui essayaient de nous taper des clopes. Essayez, vous verrez : si la seule interaction avec une personne est qu’elle a essayé de vous demander une cigarette, peu importe le temps passé ensemble peu importent les circonstances, vous l’aurez enfouie dans la poubelle de votre mémoire, et les éboueurs du temps sont passés depuis longtemps.
Parce qu’on s’en fiche, de ce qu’ils sont devenus.
« Bonjour, puis-je me permettre de taxer votre vape ? »
Ah ben, on sait, quand même : manifestement, ils sont devenus commissaires européens.