L’iQOS de Phillip Morris peut-elle espionner ses utilisateurs ? C’est la question très sérieuse posée par l’agence Reuters après investigations. Le cigarettier pourrait alors se retrouver à la tête de la plus grande et plus précise base de donnée sur les habitudes de ses consommateurs, mais dans quel but ?
Collecte de données
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C’est un fait avéré : Phillip Morris collecte des données sur ses clients iQOS. Mais il n’y a jusqu’à présent rien de bien surprenant là-dedans : comme tout commerçant, le cigarettier américain tient un fichier de ses clients qui ont acheté des iQOS ou des recharges en ligne.
Jusqu’ici, rien de stupéfiant : tout le monde le fait. Les sites web où l’on fait des achats, les magasins qui proposent une carte de fidélité, tout le monde collecte des données sur ses clients. Mais certaines collectes de données sont infiniment plus précises que d’autres. Tout le monde a en tête les exemples de Google ou de Facebook, bien entendu. Et parfois, la collecte de données se cache là ou on ne l’attend pas.
L’agence Reuters, une des plus grandes agences de presse du monde, a confié une iQOS à la société TechInsights Inc. D’Ottawa, spécialiste de l’analyse technique.
TechInsights Inc. A trouvé à l’intérieur de l’iQOS deux puces électroniques, dont une qui, avec des modifications à l’appareil, pourrait soutenir le stockage de l’information sur l’utilisation qui pourrait ensuite être transmise à Philip Morris. D’après la description des puces utilisées, les données pourraient inclure des détails comme le nombre de bouffées par un utilisateur et le nombre de fois qu’une personne a fumé l’appareil dans une journée donnée.
Les spécialistes de TechInsights Inc. ont vérifié la présence des composants et leur utilisation potentielle, mais n’a pas fait de recherche sur la fonctionnalité logicielle. En termes plus simple : Phillip Morris peut le faire, mais rien ne dit si le cigarettier le fait actuellement.
Reuters publie le rapport de démontage de TechInsights dans le cadre d’un dépôt consultable, The Philip Morris Files, qui comprend les documents internes de l’entreprise.
La fin justifie les moyens
Interrogé par Reuters, PMI a insisté sur le fait que la seule fois où l’entreprise extrait des données de l’appareil, c’est lorsqu’elle essaie de comprendre pourquoi il y a eu un dysfonctionnement. La collecte de données, par ailleurs, doit d’abord recevoir l’aval de l’administration. Philip Morris a déclaré dans un communiqué : “Aucune donnée de l’appareil n’est liée à un consommateur spécifique, seulement l’appareil.”
De même, “Je peux vous assurer qu’il n’y a pas de technologie destinée à manipuler de quelque façon que ce soit ce qui est fourni par iQOS “, a déclaré Moira Gilchrist, vice-présidente aux communications scientifiques et publiques de PMI, à un groupe de conseillers scientifiques de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis.
Néanmoins, dès 2009, PMI avait déposé, selon Reuters, un brevet sur le fonctionnement d’un appareil capable de connecter des données de consommation.
Les données collectées incluraient le nombre de bouffées et la consommation moyenne par jour, a déclaré Shiro Masaoka, qui a travaillé chez Philip Morris au Japon de 2012 à 2016. Gregory Connolly, professeur à la Northeastern University de Boston, qui a étudié la technologie iQOS et les brevets, a souligné quand à lui que la capacité de Philip Morris à recueillir des données d’utilisateur pourrait donner à l’appareil une puissance remarquable.
Pour des dispositifs ouverts
L’immense avantage qu’a PMI en matière de collecte des données, c’est l’intégration de son produit : tout sort de ses usines et de ses laboratoires. Dans la vape, une telle récolte d’information est quasiment impossible, du moins, en l’état actuel du marché.
Il est par exemple possible qu’un fabricant de mods ou de batteries puisse collecter des données sur la fréquence et la durée d’utilisation de ses produits. Mais les information récoltées ne lui seraient d’aucune utilité, puisqu’il n’aurait pas la possibilité de savoir quel type d’atomiseur était placé sur son appareil, ni de quel liquide ledit atomiseur serait rempli, ni à combien le liquide serait dosé en nicotine.
C’est à la fois un immense avantage… Et un grand inconvénient. En effet, avec un marché aussi libre et ouvert, il est impossible de cibler avec précision un vapoteur pour pouvoir adapter son offre et le rendre plus dépendant à tel type de produit.
Les pods peuvent peut-être changer la donne, mais pas de façon aussi efficace : le nombre de marques différentes, la facilité de l’utilisateur à passer de l’une à l’autre, et les cartouches rechargeables rendraient les données de toute manière quasi inexploitables.
Reste à connaître le pouvoir réel de telles informations: il faut faire la part des choses entre influence réelle et fantasme face aux nouvelles technologies.