Le directeur de la SEITA/Imperial Brands, Jon Fernandez, a écrit au Ministre de la santé français, Olivier Véran, pour lui suggérer d’utiliser le fond contre le tabac dans des études sur l’efficacité de la vape. C’est gentil de sa part, mais, avec des amis comme Monsieur Fernandez, la vape n’a pas besoin d’ennemis.
Monsieur le Ministre, je vous écris une lettre…
Jon Fernandez est directeur Europe de l’Ouest d’Imperial Brands, qui a absorbé la SEITA. C’est un poste important dans l’univers des fabricants de cigarettes. Le genre de poste où, lorsque vous envoyez un courrier à un Ministre, il a plus de chances qu’il soit lu que celui, disons, de Madame Michu.
Monsieur Fernandez s’est donc fendu d’une lettre adressée au Ministre français de la santé, Olivier Véran. L’objectif de cette missive est de défendre la vape.
Il faut dire que Imperial Brands est très engagé dans le domaine. Le fabricant de Fortuna, Gitanes, Peter Stuyvesant et Fine, entre autres, est un adhérent de la première heure de France Vapotage, et surveille comme le lait sur le feu les ventes de sa marque Blu.
Et la lettre n’y va pas de main morte. Jon Fernandez constate dans un premier temps que la baisse de la prévalence tabagique n’est pas à la hauteur des objectifs fixés. Il souligne aussi l’augmentation des recettes fiscales durant le confinement, concomitamment à la fermeture des frontières. Enfin, avec 450 millions d’euros de recettes en plus pour le Trésor Public, il se demande si les consommateurs sont les seuls accros au tabac.
Alors, oui, les mauvaises langues diront que Jon Fernandez enfonce des portes ouvertes. Mais ce sont des mauvaises langues. Lorsque tout le monde sait quelque chose mais que personne ne fait rien, le répéter à l’envi n’est pas vain, au contraire : cela permet de rappeler qu’on n’oublie pas.
Riche idée et idée de riche
Mais il y a deux points qui pêchent un peu dans le courrier de Jon Fernandez.
En effet, le fabricant de Gitanes suggère d’utiliser une partie des 100 millions d’euros du fond de lutte conter la tabagisme à la réalisation d’études indépendantes sur les effets et l’efficacité de la vape.
Par exemple, pourquoi ne pas tout simplement tenir compte des études sur l’efficacité et les effets de la vape qui existent déjà ? Celles qui montrent que la vape est au moins 95 % moins dangereuse que le tabac, et que c’est le moyen le plus efficace pour arrêter de fumer ? Il en existe des centaines, faites depuis des années, assez pour faire aujourd’hui des méta-analyses en y incluant 18 ans de recul depuis l’invention de la e-cigarette.
Cela permettrait de disposer d’études vraiment indépendantes, de balayer l’argument ridicule qui affirme qu’on n’a aucun recul, ça coûterait moins cher au contribuable et permettrait, par exemple, d’embaucher des infirmières pour les services hospitaliers où finissent un client de Monsieur Fernandez sur deux.
Il fallait oser
La deuxième chose est une phrase dans le courrier de Jon Fernandez. « Pour aller dans le sens d’une décroissance de la consommation, nous avons entamé une mue il y a maintenant près de dix ans et nous avons été les premiers à nous orienter progressivement dans la distribution de produits de vape, que l’on appelle aussi cigarette électronique. Se démocratisant peu à peu, ce marché a d’abord souffert de son immaturité et de concepteurs parfois peu scrupuleux. »
Voilà. Prenez le temps de vous calmer et de remonter sur votre chaise.
Reprocher au jeune marché de la vape d’avoir pu commettre des maladresses qu’il a rectifiées de lui-même les dix premières années de sa vie, de la part d’un marchand de tabac qui na pas réussi à abaisser la létalité de ses produits en 119 ans d’existence et dont les produits tuent prématurément la moitié de ses consommateurs, c’est, comment dire ? Un peu cavalier. Franchement gonflé, pour parler crûment.
Il fallait que cela soit dit, et c’est chose faite. L’industrie du tabac présente une analyse assez raisonnable de la réalité, mais c’est parce que, aujourd’hui, il est difficile de la nier. Les solutions préconisées, par contre, même si elles présentent en surface l’apparence de bonnes idées, visent en fait à privilégier la vape des professionnels du tabac plutôt que l’indépendante.
Et les cigarettiers ont la fâcheuse habitude de jouer aux bons élèves pour détourner l’attention de points qui ne les arrangent pas.
Sans rancune, Monsieur Fernandez. Au moins, nous avons lu votre lettre. Olivier Véran, c’est moins sûr. Pas par mauvaise volonté, au contraire, la France a la chance d’avoir un Ministre qui croit en la vape. C’est juste que, ces temps-ci, il est un peu occupé. Ses administrés sont tous masqués, mais pour des raisons différentes des vôtres.
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