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Faut-il exiger un diplôme pour vendre de la vape ?

Mis à jour le 6/12/2023 à 12h18
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Faut-il réglementer les métiers de la vape ? La cigarette électronique est relativement libre, très diverse et très ouverte. Peut-être trop, au point que certains en oublient ou négligent un objectif qui, pourtant, est la seule justification à leur existence.

Diplôme cigarette électronique

Un diplôme pour commercialiser la cigarette électronique, une bonne idée ?

Histoires sombres

Avant d’entamer l’article proprement dit, il convient d’expliquer pourquoi il existe et pourquoi la question de réglementer les métiers de la vape peut se formuler. Ceci, à travers deux histoires, absolument vraies.

La première, c’est une patronne de boutique de vape qui raconte l’initiative lancée par des confrères : une pétition. Une pétition proposée par quatre boutiques de vape, qui demande l’interdiction des taux de nicotine supérieurs à 12 mg/ml.

L’argument ? Le taux de nicotine indiqué en moyenne sur les paquets de cigarettes est de 9 mg, pas la peine de proposer plus aux clients. Selon eux, les boutiques qui vendent du 16, du 18, du 20 mg/ml sont “des escrocs” qui veulent “renforcer la dépendance de leurs clients” pour les garder sous leur coupe.

Il existe deux types de boutiques.

Une seconde histoire, très récente : une femme entre dans une boutique de vape. Elle fume un paquet par jour de cigarettes blondes et souhaite arrêter. Elle ressort de la boutique avec une facture de 150 euros, pour une box en double accu, un atomiseur aérien destiné à une vape à 70 W, et des liquides en 3 mg/ml de nicotine. Et un bon conseil du vendeur en prime : “Mais pourquoi vous voulez arrêter ? Ce n’est pas la peine, éliminez quinze cigarettes par jour, et gardez-en cinq pour le plaisir !”

Explications inutiles

Il est inutile d’expliquer en quoi les deux exemples cités ci-dessus sont aberrants. D’une part, parce que cela prendrait trop de place, en vertu de la loi de Brandolini : la quantité d’énergie pour réfuter une bêtise est d’un ordre de grandeur supérieur à celle utilisée pour la produire. Et d’autre part, parce qu’en lecteur de qualité, vous connaissez déjà ces réponses.

Mais le problème posé est le suivant : il existe deux types de boutiques. Dans le premier type, on trouve des conseillers qui connaissent la nicotine, les mécanismes de l’addiction, et assez de psychologie humaine pour pouvoir adapter leurs réponses aux interrogations profondes du fumeur désireux de passer à la vape.

Un métier réglementé, c’est une profession qui ne peut être exercée que par des personnes qui répondent à certaines conditions.

Dans le second type, on trouve des vendeurs qui, soit ne maîtrisent rien de tout cela et s’en fichent, soit sont enferrés dans des croyances fausses.

Soyons juste, il existe un troisième type de boutique, où se trouvent des geeks qui vendent de la vape passion, mais qui sont capables, soit d’aider correctement le fumeur, soit de l’orienter vers un collègue formé pour cela.

La question qui se pose alors, c’est : comment le fumeur lambda, qui est totalement étranger au monde de la vape, peut-il faire le tri et choisir la bonne boutique, puisqu’il est incapable de faire la différence entre un bon et un mauvais conseil ? Un fumeur qui entre dans une boutique de vape la première fois est obligé de faire confiance à la personne qui s’y trouve. Faut-il réglementer le métier ?

Métier réglementé

Un métier réglementé, c’est une profession qui ne peut être exercée que par des personnes qui répondent à certaines conditions.

L’exemple qui vient tout de suite à l’esprit est celui des professions médicales. Pour qu’un médecin puisse exercer la médecine, il doit avoir un diplôme de médecine. Et pour qu’il puisse vous opérer de l’appendicite ou vous ôter les dents de sagesse, dans chacun des cas, il doit avoir une formation spécifique en plus. Infirmier, aide-soignant, sage-femme, dentiste, parapharmacien, chacun de ces métiers exige un diplôme.

La première initiative en termes de formation à la vape en France date de 2013.

Mais le monde du soin est loin d’être le seul à être réglementé. Vous voulez être boulanger ? Aucun problème, aussitôt que vous aurez passé au minimum un CAP. Pareil pour les bouchers, poissonniers, et à peu près toutes les professions de détail alimentaire.
De même dans le monde du droit : vous êtes docteur en droit ? Vous écrivez des livres de référence dans le domaine juridique ? Tant mieux pour vous, mais tant que vous n’aurez pas passé l’examen du barreau, vous n’aurez pas le droit de plaider devant un tribunal et vous dire avocat. Et il y en a pléthore.

Il y a deux façons de réglementer un métier. La première, c’est la manière forte : pour exercer une profession, vous devez avoir acquis un diplôme qui atteste que vous disposez du minimum de connaissances requis. La seconde, la manière douce, donc, est de permettre à n’importe qui d’exercer ce métier, mais de permettre à ceux qui ont les connaissances d’arborer un signe distinctif au fronton de leur établissement. Avant tout cela, néanmoins, il convient de se poser la question de la formation.

Formations en vape

Jacques Le Houezec

Jacques Le Houezec © Konstantinos Farsalinos

La première initiative en termes de formation à la vape en France date de 2013, avec la création de Forvape. Des professionnels du CACE (Collectif des acteurs de la cigarette électronique, qui sera renommé plus tard Fivape), Charly Pairaud et Yann Wilpotte, avaient décidé de créer un centre de formation, constatant sur le terrain une réelle volonté des professionnels de bien faire, mais un manque d’informations.

Puis le tabacologue Jacques Le Houezec lance sa formation. “C’était en 2015. À l’époque, la majorité des boutiques qui ouvraient étaient tenues par des ex-fumeurs, ce qui n’est plus trop le cas aujourd’hui. Un constat était fait : on avait peur de la nicotine. Depuis 40 ans, dans toutes les campagnes de prévention, on tapait sur la nicotine, et pas sur la combustion. Le but de la formation était de rassurer ces anciens fumeurs dans les boutiques de vape, pour leur permettre à leur tour de rassurer leurs clients.”

Il ne me semblerait pas incongru de demander aux conseillers en vapotage d’avoir un diplôme. Mais réglementer semble utopique.Jacques Le Houezec

Le Houezec met alors au point le programme de la formation Amzer Glas, en breton dans le texte. “C’est une mini formation de tabacologue, explique-t-il. Je suis parti de mon expérience dans la boutique de ma compagne et de ma formation de postdoctorat. Je voulais monter une formation diplômante, j’avais déposé un dossier à France Compétence, pile au moment où ils ont changé les règles du jeu.” Changement de plan, ce sera une certification. “Je l’ai créée en 2018, et en 2019, ça a marché du tonnerre, avec 70 certifiés.”

Puis vient le Covid. “J’ai procrastiné un an, parce que l’idée de la formation en distanciel me plaisait moins, j’avais des réticences. J’ai fini par la relancer en visio, et ça a de nouveau bien fonctionné. Ce qui démontre qu’il y a une réelle demande de formation et d’information de la part des professionnels.” Prochain objectif, remonter un dossier France Compétence. “La certification est individuelle, ce qui veut dire que la personne qui l’a obtenu la garde, même en quittant son enseigne. L’idéal serait d’avoir une reconnaissance européenne.”

Faudrait-il réglementer les métiers de la vape ? “On touche à des sujets de santé publique, donc, oui, répond le tabacologue. Il ne me semblerait pas incongru de demander aux conseillers en vapotage d’avoir un diplôme. Mais réglementer semble utopique. Pouvoir distinguer les boutiques qui ont une réelle compétence et une réelle volonté de traiter le sujet du sevrage tabagique serait déjà un grand pas.”

Nicotine et connaissance du produit

Thomas Cornec

Thomas Cornec

Le réseau breton Cigatec a des critères de formation très précis. “De ce que j’ai constaté, il faut trois mois à un nouveau vendeur pour être autonome, et six mois pour être performant”, constate Thomas Cornec, chef des ventes du réseau.

En attendant, le nouvel intégré est en binôme, et il apprend. “Nous avons une base de données commune à tous les magasins, où nous regroupons les informations collectées sur la nicotine, dans des études scientifiques, à travers le Vaping Post, qui est systématiquement lu entièrement par les membres de l’équipe à chaque numéro, et ce que nous avons appris d’expérience. Chaque année, nous faisons également un sondage auprès de nos clients, sur leurs habitudes de consommation, leur taux de nicotine, etc. Et toutes ces données sont incluses dans une base que le nouveau vendeur doit lire et que les anciens compulsent régulièrement.”

Il faut trois mois à un nouveau vendeur pour être autonome, et six mois pour être performant.Thomas Cornec

Plus encore, une formation historique de la vape est dispensée maison. “Durant leur intégration, nous faisons vaper les stagiaires sur des drippers, des cartomiseurs, en méca, etc. Un vendeur chez nous doit connaître ce qu’on vend, ce qu’on a vendu, et ce que l’on n’a pas voulu vendre aussi.”

Et, surtout, le chef des ventes de Cigatec tient à une chose : “Nos conseillers ne doivent pas avoir peur de la nicotine. De ce qui ressort de nos retours clients, plus le taux est élevé, plus les chances de succès sont grandes. En dessous de 15 mg/ml, le taux d’échec monte vertigineusement. Nos stats sont éloquentes, parmi nos clients, nous avons 90 % d’arrêt du tabac, dont 80 % sont à plus de 18 mg/ml.”

À la question de réglementer les métiers de la vape, Thomas Cornec répond favorablement : “Au minimum, ça pourrait être réglementé comme l’est, par exemple, un CAP coiffure, ça éviterait les dérives que l’on voit dans certains magasins, avec des clients sous-dosés en nicotine et surstaffés en puissance. Que le milieu se professionnalise.”

La Fivape remet les choses dans l’ordre

La Fivape est moins impliquée dans le milieu de la formation. “Nous avons toujours reconnu que c’étaient des thématiques nécessaires, et nous avons très tôt proposé des formations, estime Jean Moiroud, président de la Fivape. Mais nous avons dû réadapter l’ordre de nos priorités aux moyens qui sont les nôtres. L’actualité et la précarité intrinsèque à nos produits rendent la tâche difficile, et, lorsqu’il y a une crise, l’ensemble de nos moyens et ressources est consacré à la défense de la filière. C’est très difficile, quand une filière est si jeune, d’avoir un syndicat qui puisse faire les deux.”

Le syndicat a joué un rôle crucial et pourtant méconnu du public. “Nous avons obtenu une reconnaissance de la vape dans le commerce de détail non alimentaire. Ce qui signifie que la vape dispose aujourd’hui d’un code métier, et que nous faisons partie d’une plus grande famille qui compte douze professions, avec les antiquaires, les marchands de jouets…”

La formation sera le sujet crucial pour la filière à l’avenir.

L’utilité immédiate ? On l’a vue pendant le Covid, avec les autorisations d’ouverture des boutiques de vape. Sans cette reconnaissance spécifique et le code métier qui va avec, cela aurait été juridiquement impossible, même avec une volonté politique. Et, surtout, vendeur ou responsable dans une boutique de vape sont des métiers reconnus, à part entière. Théoriquement, donc, avec des compétences.

La formation sera le sujet crucial pour la filière à l’avenir. “Les choses ont changé, explique Jean Moiroud. Il y a eu une première génération d’entrepreneurs, maintenant, il faut préparer la suite, ce qui passe par la formation, mais avant cela, par un cadre.” Par exemple : “Prenez les puffs, qui vont être interdites. Grâce à la reconnaissance spécifique des boutiques de vape, si en plus, nous avions eu une formation qualifiante, il aurait été possible de dire que les puffs ne seraient vendues que dans les boutiques de vape, qu’à des adultes, et par des professionnels qui auraient fait switcher dès que possible leurs clients vers du réutilisable. Plutôt qu’être vendues à Gifi et finalement interdites.”

En somme, les puffs auraient pu être distribuées dans un circuit identifié, avec des professionnels disposant d’un diplôme reconnu. Le président de la Fivape est clair : “Je préfère la mise en place d’une réglementation, contraindre les établissements à une formation spécialisée, plutôt que le bannissement des produits.”

Règlement, pas règlement ?

La formation aux métiers de la vape, c’est avant tout pouvoir dire à ses détracteurs que le réseau est tenu par des professionnels qui ont des connaissances et qui savent ce qu’ils font. Un argument de poids lorsque les syndicats discutent avec les législateurs. Elle devrait être une initiative spontanée, et pourtant non.

Le fait est qu’arriver à des exemples comme ceux cités au début de cet article est grave et inadmissible. La question n’est donc pas de savoir qui est le bon vendeur et qui est le mauvais vendeur de vape, tel le chasseur du sketch des Inconnus, mais comment faire en sorte que les incompétents, le mot est assumé par votre serviteur, ne nuisent plus à la santé publique.

Le présent article, vous l’aurez compris, ne prétend pas apporter de réponse. Il a pour seule prétention celle de formuler une question qui a une importance fondamentale : si ce n’est pas pour arrêter de fumer, et donc le faire correctement, à quoi bon la vape ?

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