Le député Paul Christophe, de la 14ème circonscription du Nord, s’apprête à déposer une proposition de loi sur le vapotage. Deux pôles sont concernés : les liquides sans nicotine et la publicité. Nous avons pu en avoir le texte en exclusivité.
Un député se penche sur la vape
Dans son exposé des motifs, lettre d’explication à l’attention de ses collègues députés dans laquelle Paul Christophe explique les raisons de cette proposition de loi, on peut voir que l’élu est bien informé. Citant Santé Publique France, il rappelle que la prévalence tabagique est importante en France, 25,4 % de fumeurs.
Le député explique ensuite, citant plusieurs sources, que la vape est au moins 95 % moins toxique que le tabac, qu’elle a permis à de nombreux français d’arrêter de fumer, et qu’elle propose une alternative efficace et à coût acceptable aux traitements médicamenteux.
Le député conclut que les « incidents regrettables » qui se sont déroulés aux Etats-Unis, « l’utilisation de produits non contrôlés et on adaptés à la pratique du vapotage » ont mis en lumière le besoin d’un cadre réglementaire adapté en France pour garantir la sécurité des utilisateurs et permettre à l’état d’intégrer le vapotage de manière plus efficace dans la lutte contre le tabagisme.
Pour cela, il propose deux nouveaux articles, l’un portant sur les e-liquides, l’autre sur la publicité.
Article 1, sur les liquides
Le premier article propose d’imposer la même réglementation à tous les e-liquides, qu’ils contiennent de la nicotine ou non. Globalement, l’article est une longue liste de suppression de la mention « contenant de la nicotine » dans les articles du code de la santé régissant les e-liquides.
Ainsi, même les liquides non nicotinés feraient l’objet d’une déclaration, identique à celle actuellement en vigueur depuis l’application de la TPD.
On peut comprendre le sens de cette démarche, dans la logique du député : protéger le consommateur en contrôlant le contenu et la qualité de tout ce qui peut être vapé en France. Même si cette proposition ne va pas plaire à tout le monde, il faut lui reconnaître une cohérence, et elle mérite en effet de faire l’objet d’un débat.
Ce qui pose problème est la suppression de la mention « contenant de la nicotine » à l’article L. 3513-15, qui est celui qui définit les modalité en fonction desquelles les contenants sont fixés. Pour faire simple, si cet article est voté en l’état et qu’aucune autre modification n’est faite ensuite, tous les e-liquides seront obligatoirement vendus en flacon de 10 ml, qu’ils contiennent de la nicotine ou non.
En somme, c’est la fin des bouteilles « chubby », et, de facto, la mort annoncée du DIY.
Article 2, sur la communication
Le second article porte sur la publicité liée au vapotage. Il propose de modifier l’alinéa 3 de l’article L. 3513-4, qui porte sur l’affichage publicitaire. Une modification assez simple, qui autoriserait la publicité en faveur du vapotage à être visible depuis l’extérieur des établissements la commercialisant.
Si l’article en lui-même ne prête pas à controverse, soulignons que son exposé des motifs insiste sur le fait qu’il faut informer les fumeurs sur la vape « surtout dans les commerces où on vend du tabac », et qu’il espère que ce la « contribuera au prochain mois sans tabac ».
Sur le premier point, nous laisserons le lecteur juge. Sur le second point, c’est plutôt rassurant de savoir que même les députés continuent de rêver.
Notre analyse
Cette proposition de loi doit encore être soumise et étudiée par le Parlement. Ses chances d’aboutir sont, il faut le reconnaître, assez faibles. A part être votée à quatre heures du matin par deux députés mal réveillés, elles sont même nulles.
Mais elle est instructive sur d’autres plans. Ainsi, de nombreux éléments de langage qui y sont utilisés, notamment dans l’exposé des motifs, entrent en forte résonance avec ceux des lobbys du tabac. Notamment l’expression « une réglementation adaptée au vapotage ».
C’est la stratégie actuelle de l’industrie du tabac d’essayer de faire croire que la vape se trouve démunie en terme de législation. C’est faux, bien entendu : le vapotage est très encadré en France, et s’il faut reconnaître que la législation peut être améliorée, elle existe et offre des garanties importantes au consommateur.
Le principal point d’achoppement porte sur les flacons sans nicotine. Si le fait que les produits non nicotinés soient eux aussi soumis à des contrôles et des déclarations est défendable, en revanche, imposer le format 10 ml pour tous ne se justifie par aucune raison sanitaire (le flacon de 10 ml pour les liquides nicotinés a été imposé à cause de la toxicité de la nicotine… et basé sur une erreur de calcul) et s’avère totalement hors-sujet à l’époque actuelle demandeuse de préservation de l’environnement et de réduction de l’utilisation de plastique.
Si il convient de souligner l’effort du député Paul Christophe et de saluer sa foi dans le vapotage, des progrès restent à faire. A commencer par écouter un peu moins les lobbys du tabac et un peu plus les scientifiques et les utilisateurs.