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Buralistes : une crise plus profonde qu’il n’y paraît

Mis à jour le 19/04/2023 à 11h47
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Les augmentations du prix du tabac, combinées à différents phénomènes, ont porté un rude coup aux buralistes. Mais le tabac est loin, très loin, d’être le seul gagne-pain du secteur. Et les commerçants à la carotte sont attaqués sur tous les fronts…

SOS buralistes en détresse

Restera-t-il encore des buralistes en 2030 ? La question est loin d’être anecdotique. La réponse, évidente, qui viendra à l’esprit du lecteur du Vaping Post est que la vape a porté un rude coup à leur activité principale. Et c’est vrai, mais seulement partiellement.

Sur l’activité tabac, plusieurs facteurs ont joué. L’arrivée et le développement de la vape, évidemment, mais aussi l’augmentation du prix du tabac et l’explosion des trafics. Tout est lié.

La vape a porté un coup à l’activité des buralistes.

Rien que pour le commerce frontalier : le prix du tabac n’étant pas harmonisé au niveau de l’Europe, chaque augmentation du prix augmente le rayon de rentabilité des achats transfrontaliers, c’est à dire l’économie réalisée sur la consommation en incluant les frais de transports. Par exemple, aller acheter vos cigarettes est rentable si vous habitez Metz et que vous allez les chercher au Luxembourg. Une augmentation de 10 % du prix du paquet, et le voyage vers le même Luxembourg devient rentable si vous habitez Nancy…

Sans compter l’explosion du trafic de rue, qui trouve une main d’œuvre d’autant plus facilement que l’opération devient rentable. Avec un certain laisser-faire des autorités : les petits trafiquants subsistent de cette manière, permettant de dissimuler une certaine misère à moindre frais.

Mais elle n’est pas la seule raison de leurs difficultés, loin de là.

Tout est corrélé, et les buralistes en sont fort marris. Mais en réalité, ce n’est que la surface de l’iceberg. Le tabac est un produit d’appel qui permet de vendre d’autres choses, mais ces autres choses sont aussi attaquées.

Faites vos jeux, rien ne va plus

Ainsi, la privatisation de la Française des Jeux, la célèbre FDJ, ne lasse pas d’inquiéter les commerçants à la carotte. Une FDJ appartenant majoritairement à l’état, c’est pratique pour tout le monde.

Une Française des Jeux privatisée : le cauchemar des buralistes.

La rentabilité pour l’État est assurée par les taxes très importantes sur les jeux. Un actionnaire étatique peut donc se permettre de concéder des marges et des exclusivités à ses revendeurs, une forme de subventionnement très peu onéreux. Non pas que la rentabilité de la FDJ soit négligeable pour l’État, simplement, les taxes représentent un montant infiniment supérieur.

Une privatisation, pour l’État, ne change pas grand-chose : le montant de taxes perçues sera tout aussi élevé. En revanche, pour un actionnaire privé, la rentabilité de la FDJ est une préoccupation qui passe au premier plan. Certes, les gains peuvent être moins élevés, mais pas trop pour conserver cette part de rêve qui fait partie de l’attractivité, les jeux un peu plus onéreux, mais pas trop pour que le Loto du mercredi reste une dépense superflue pour les ménages, et pas un investissement, les possibilités d’optimisation sont assez limitées.

L’optimisation des marges de la FDJ passe par des coupes dans le réseau de distribution.

Cela se joue sur deux fronts : une diversification de l’offre et un abaissement des coûts de distribution. Cela se constate dès à présent par le renforcement de l’offre numérique de la FDJ. Désormais, vous pouvez faire vos mises sur le Web. Même les jeux à gratter s’y trouvent. Évitez de frotter une pièce vigoureusement sur votre écran.

Tout cela se joue au détriment des buralistes, qui voient baisser la fréquentation de la clientèle FDJ, et les achats connexes. Le client qui venait acheter ses cigarettes, son journal et faire son Loto repart désormais juste avec son tabac, ayant déjà pris son abonnement Loto en ligne sur le site de la FDJ. Et son journal ? C’est l’autre sujet.

Elles sont fraîches, mes infos, elles sont fraîches

Cela n’aura échappé à personne que la presse est en crise. Si bon nombre de titres de presse ont réussi une transition vers une offre où le numérique est partie prenante, d’autres sont plus en difficultés, et les ventes de presse papier ont largement décru ces dernières années.

La crise de la presse est un autre sujet de préoccupation pour les buralistes.

Dernièrement, le gouvernement a fait une proposition à destination des journaux d’information : une déductibilité fiscale sur un abonnement, un peu sur le principe des dons aux associations. Riche idée pour la presse… un peu moins pour les buralistes.

Ceux-ci étaient déjà, et depuis plusieurs années, bien à la peine avec les distributeurs, dont la situation monopolistique a conduit a des conflits parfois inextricables. Les difficultés de Presstalis se sont répercutées sur les distributeurs, avant que France Messagerie ne prenne la relève en juin 2020, pour un résultat encore incertain. Et si les marchands de journaux sont ceux qui ont le plus souffert de la crise, les buralistes qui vendent de la presse en ont également payé les conséquences.

Alors que la lecture en ligne de journaux a déjà fait baisser considérablement leurs revenus, une hausse des abonnements signifiera mécaniquement une baisse des ventes au comptoir. Et donc, de revenus.

L’appel de l’évolution

Nous ne parlerons pas ici des bars tabacs qui se vident, mais là aussi le phénomène est réel. Aller boire un coup de rouge au bar tabac en sortant de la messe le dimanche matin, c’est un « truc d’ancien » et, la vie étant ce qu’elle est, les anciens se raréfient.

Si le produit d’appel fait défaut alors que les ventes annexes s’effondrent, le problème devient structurel.

Le problème des buralistes aujourd’hui n’est pas que le tabac. Le tabac, en réalité, a toujours été un produit d’appel pour s’assurer un chiffre d’affaire et vendre à côté d’autres choses à plus fortes marge sou commissions. Si le produit d’appel… appelle moins fort les clients tandis que les produits connexes font défection les uns après les autres, alors le problème devient structurel.

La rentabilité d’un bureau de tabac, c’est la multiplicité de ventes sur des produits à faible marge. Si la marge devient encore plus faible, en même temps que les volumes de vente diminuent régulièrement, le problème devient très vite insoluble.

À terme, une disparition du réseau des buralistes, du moins dans la forme relativement dense que nous connaissons actuellement posera plusieurs nouveaux paradigmes. Certes, la fin de la vente de tabac ne serait pas un problème, en soi, ce serait même un rêve de santé publique. Mais la disparition des buralistes ne serait pas que cela.

Une disparition du réseau des buralistes poserait de nombreux problèmes très au-delà de la seule question du tabac, preuve que ce n’est pas un sujet à prendre à la légère.

En campagne, ce serait la disparition d’un point de lien social en même temps que de services, certains bureaux de tabac faisant souvent office de bureau de poste, dépôt de pain, voire épicerie de dépannage. Certes, le phénomène a déjà commencé il y a des années, avec la disparition des autres commerces. Mais, justement : une fois que le dernier à tenir encore le coup aura fermé, qu’adviendra-t-il ? 

Sur l’ensemble du territoire, ce serait un changement dans la façon de consommer du jeu, avec ce que cela implique sur la surveillance de la dépendance, dans la façon de distribuer la presse, surtout locale, et cela pourrait avoir des conséquences insoupçonnables. Là encore, cela a déjà commencé, mais une fois la disparition des buralistes actée, il n’y aura plus d’alternative. 

Mais, non, la vape n’est pas sur le point de faire tomber le réseau des buralistes à elle toute seule, c’est une accumulation de choses. Et il serait fort étonnant qu’a contrario, la vape puisse sauver à elle seule les commerces à la carotte. En tout cas, leur disparition ne serait pas sans conséquences sociale, preuve que le sujet n’est pas à prendre à la légère.

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