Il s’est passé quelque chose d’extraordinaire dans la presse hier, mardi 30 janvier. Non, je ne vous raconte pas l’histoire de cette “étude” sur la nicotine, ça, malheureusement, c’est la routine. Non, je vous parle de la leçon magistrale que Paris Match a donné à toute la presse française.
Zorro en une de Paris Match
Au début, on en a presque rigolé : Paris Match sortait aussi son article sur le buzz, mais à 19 H 30, là où tous les autres avaient dégainé dès huit heures du matin. Il eût été facile d’ironiser sur la déprime à la rédaction depuis que Johnny était mort, lui qui occupait régulièrement la une du magazine. Paris Match lorgne régulièrement du côté du pipole, ce qui le fait regarder avec une pointe de condescendance par ses confrères.
Vanessa Boy-Landry, journaliste à Match, a reçu la dépêche sur cette étude. L’a lue. Et, là où tous les rédacteurs de France la retranscrivaient pour faire un article pas cher et sensationnaliste, Madame Boy-Landry a eu une réaction incroyable, extraordinaire, totalement inattendue : elle a pris en compte l’information donnée par l’agence de presse, et s’en est servi pour faire un véritable travail de journaliste.
Elle a commencé par lire l’étude, plutôt que de se contenter des affirmations d’un tiers. Puis, elle a cherché des réactions d’experts, avant de contacter des spécialistes de la question pour les interroger. Elle a fait ce qu’aucun autre des trente-deux grands journaux n’a daigné faire : travailler.
On pourrait dire : d’accord, mais sans doute Vanessa Boy-Landry est favorable au vapotage, voilà pourquoi. Oui, mais non. Pour qu’une journaliste consacre autant de temps à un sujet, il faut l’accord du rédacteur en chef, et au-delà, du journal.
Humiliation totale
Le résultat, c’est un article intitulé : “Cigarette électronique cancérigène, du buzz qui peut tuer“. Et c’est un modèle : présentation de la nouvelle, analyse du rapport, ce qu’on en dit à l’étranger, et enfin, des avis d’experts.
Tout ça pour arriver à la conclusion que cette étude et la présentation qu’on en a fait sont non seulement contestables, mais elles peuvent faire peur, pousser des gens à replonger dans le tabac et donc… Tuer.
Au delà d’un article, c’est une démonstration magistrale de ce que doit être le travail de journaliste. Mais je renâcle à féliciter Vanessa Boy-Landry, et je suis certain que, quelque part, elle comprendra pourquoi. Féliciter Vanessa Boy-Landry reviendrait à reconnaître que ce qu’elle a fait est exceptionnel. Par ricochet, ce serait reconnaître que, pour un journaliste, faire son travail de vérification et d’investigation n’est plus la norme. Ce serait, finalement, dire à tous les autres journaux que la manière dont ils ont travaillé est parfaitement normale.
Mais il n’empêche : Paris Match et Vanessa Boy-Landry ont infligé hier, 30 janvier 2018, une humiliation cuisante à l’ensemble de leurs confrères en leur montrant ce que du travail et une vraie indépendance d’esprit peuvent faire. Hier, il y avait un média, un seul, qui se montrait sérieux et fiable en France, et c’était Paris Match.