TPD, taxation des produits de la vape : si les rumeurs les plus alarmistes courent, la réalité est bien plus complexe et bien plus lente. Nous avons épluché les calendriers des institutions concernées afin d’évaluer les menaces.
La taxe : un grand peut-être
Sur le calendrier européen, il y a bien une révision planifiée de la taxe sur les produits du tabac pour la fin d’année 2021. Mais il existe une probabilité pour que la vape ne soit peut-être pas concernée, si la taxation aboutit.
Explication : il existe une taxe européenne sur les produits du tabac combustible. Minime, elle était l’ébauche d’une tentative d’unifier les taxations européennes sur les cigarettes et le tabac, principalement à la demande de la France, qui subit la concurrence d’autres pays frontaliers ne jouant pas le jeu.
Cette taxe est méconnue : de quelques centimes, elle est noyée dans la fiscalité nationale des pays et, étant perçue par les services des douanes de chaque pays, n’apparaît même pas en tant que telle dans les chiffres publiés à destination du grand public.
C’est cette taxe qui sera relevée à la fin de l’année. Du moins, est-ce la volonté de la Commission européenne. Mais, dans la réalité des faits, c’est plus complexe.
De nombreux pays ont des intérêts dans le tabac. Soit les cigarettiers sont implantés sur leur territoire et paient des charges importantes, soit le commerce du tabac est un revenu important pour les commerçants, surtout frontaliers.
La révision doit être adoptée par un vote entre les États, à l’unanimité. Inutile de dire qu’entre les bons élèves de la lutte antitabac par les taxes et ceux qui, au contraire, voient leur intérêt dans un produit qui se vend en grandes quantités, un accord semble très improbable.
Reste la question de la vape. Dans la première itération de la taxe, elle était tout simplement absente. Dans ce vote-ci, elle sera incluse. Mais la question, qui n’a pas encore été tranchée, est : sera-t-elle comprise dans les produits du tabac ou fera-t-elle l’objet d’un vote spécifique ?
Et curieusement, voilà la cigarette électronique dans cette situation paradoxale où elle aurait intérêt à être considérée sur le même plan que le tabac combustible. Parce que les pays qui rechigneraient à voter une taxe globale sont les mêmes qui chargeraient volontiers la cigarette électronique seule. Ce qui mène les associations de défense de la vape dans la situation ubuesque où ils se battent pour ce contre quoi ils résistaient, il y a quelques mois.
Les États qui ont adopté, d’initiative nationale, une taxe sur la vape soutiendront sans désemparer une proposition européenne. Dans la liste des nations susceptibles de défendre le vapotage, seule la France, isolée sur le sujet depuis le Brexit, pourrait s’opposer. Et rien n’est moins sûr.
TPD, pas aujourd’hui, pas demain
La dernière révision de la Tobacco Products Directive, TPD pour les initiés, date de 2014. Ce qui n’en fait pas une antiquité selon les critères de l’Europe. La précédente datait en effet de 2001, et celle d’avant de 1990. Une période d’ailleurs frénétique, puisque la première directive européenne concernant le tabac date de 1989, et portait sur l’étiquetage, tandis que celle de 1990 s’attaquait à la teneur en goudrons.
La TPD de 2014 avait été adoptée pour prendre en compte les nouveaux “produits sans fumée”, à savoir la cigarette électronique, qui avait fait son apparition sur le marché européen vers 2007. Autant dire qu’une directive adoptée un an avant son invention en 2002 était dépassée.
Beaucoup de pays ont payé cher cette directive, qui laissait pourtant une assez grande latitude pour son application dans les droits nationaux. La Belgique, l’Espagne, même l’Angleterre, malgré sa position clairement provape, ont vu des mesures restrictives adoptées rapidement.
En France, contre toute attente, la TPD s’est vue appliquée dans sa forme la plus tolérante. Si les flacons de liquides nicotinés dans un format supérieur à 10 ml ont bien été interdits, en revanche, les réservoirs d’une contenance supérieure à 2 ml sont restés autorisés.
L’Europe lance régulièrement des études et des consultations sur le vapotage, ceci dans l’optique d’une révision future de la TPD. À ce jour, celle-ci n’est pas actée. Il n’existe aucun projet concret, il ne figure aucune date dans le calendrier, ne serait-ce que pour des travaux préparatoires, en un mot : une nouvelle révision de la directive tabac n’est pas à l’ordre du jour.
Jean Moiroud, président de la Fivape, le confirme d’ailleurs : “Je passe mon temps à me battre contre cette idée : non, aucune révision de la TPD n’est prévue, ni même envisagée, dans les mois à venir.” Une telle révision, d’ailleurs, serait annoncée plusieurs années à l’avance, tant le nombre d’études et de débats préalables est élevé.
Faut-il pour autant relâcher la vigilance ? Pas totalement. Il faut scruter les projets connexes, comme le plan européen de lutte contre le cancer, où pourraient figurer d’autres mesures anti-vapotage. Mais, dans l’immédiat, aucune mesure coercitive n’est à l’étude dans le planning de la Commission européenne.
Ne pas baisser les armes
Les différentes mesures que l’on entend régulièrement annoncer par des députés ou des représentants européens ne sont que des vœux, ou des pistes d’études, dont aucune ne se voit concrétisée à travers un texte.
Pour l’instant, le seul danger qui menace le vapotage est donc sa taxation éventuelle. Ce qui doit être combattu : une taxe n’est pas admissible, pour deux raisons. La première, elle est injuste, la vape serait punie pour être le meilleur outil de sevrage tabagique. La seconde, c’est que le plus dur à faire admettre dans une taxe, c’est le principe même. Une fois la taxation mise en place, son augmentation est vécue comme une fatalité.
Mais la vapoteuse n’est pas prête à être tuée dans l’immédiat. Chaque jour qui passe doit être une lutte pour sortir des fumeurs du tabac grâce à la vape, qui seront autant de raisons de douter pour les décideurs.