La cigarette électronique au Royaume-Uni

Le Royaume-Uni : un modèle en matière de réduction du tabagisme

Le Royaume-Uni s’est imposé comme l’un des pays les plus avancés dans la lutte contre le tabagisme, affichant des résultats remarquables au cours des dernières décennies. Cette réussite repose largement sur une approche pragmatique qui intègre la cigarette électronique comme outil de réduction des risques et d’aide au sevrage tabagique.

Une baisse spectaculaire du tabagisme

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le taux de tabagisme au Royaume-Uni a connu une diminution impressionnante, passant de 20% de la population adulte en 2011 à seulement 11,9% en 2023, établissant un record historiquement bas. Cette baisse représente une réduction de près de moitié en à peine plus d’une décennie, une performance qui contraste fortement avec d’autres pays européens comme la France, où la prévalence du tabagisme a stagné autour de 33-34% sur la même période.

En 2023, l’Angleterre affichait un taux de tabagisme de 11,6%, le Pays de Galles 12,6%, tandis que l’Écosse et l’Irlande du Nord enregistraient respectivement 13,5% et 13,3%. Cette évolution positive place le Royaume-Uni parmi les leaders mondiaux en matière de contrôle du tabac, aux côtés de pays comme le Canada et la Suède.

Une politique de santé publique favorable au vapotage

Le succès britannique dans la lutte contre le tabagisme repose en grande partie sur une approche unique dans le paysage européen : la promotion active de la cigarette électronique comme outil de sevrage tabagique. Cette position s’appuie sur de nombreux travaux scientifiques, notamment ceux du Public Health England (PHE), l’agence de santé publique britannique.

Depuis 2015, le PHE affirme que les cigarettes électroniques sont environ 95% moins nocives que les cigarettes combustibles. Cette estimation, régulièrement actualisée et confirmée par de nombreux rapports indépendants, a constitué le fondement d’une politique de santé publique audacieuse. Le gouvernement britannique n’a cessé depuis lors de renouveler son soutien au vapotage comme méthode d’arrêt du tabac.

Le Royal College of Physicians, principale organisation britannique de professionnels de la médecine, a également joué un rôle déterminant. Dans plusieurs rapports publiés depuis 2016, cette institution a souligné que l’utilisation d’une cigarette électronique était considérablement plus sûre que le tabagisme. En 2024, le RCP a publié un rapport détaillé recommandant au gouvernement de promouvoir davantage les e-cigarettes comme moyen efficace d’aide au sevrage tabagique, notamment auprès des populations les plus vulnérables.

Des initiatives gouvernementales concrètes

Le Royaume-Uni ne s’est pas contenté de recommandations théoriques. Le pays a mis en place plusieurs programmes concrets pour faciliter l’accès à la cigarette électronique dans le cadre du sevrage tabagique. Entre 2021 et 2022, le gouvernement a alloué 68 millions de livres sterling aux autorités locales gérant les services d’arrêt du tabac, permettant à près de 100 000 personnes d’arrêter de fumer.

Parmi les initiatives les plus marquantes figure le programme “Swap to Stop” (échanger pour arrêter), lancé en 2023. Cette campagne nationale, unique au monde à l’échelle d’un pays, a distribué près d’un million de kits de cigarettes électroniques accompagnés d’un soutien comportemental aux fumeurs souhaitant arrêter. Le programme s’est particulièrement adressé aux femmes enceintes et aux populations défavorisées.

Le gouvernement britannique a également envisagé d’aller plus loin en permettant aux médecins du National Health Service (NHS) de prescrire des cigarettes électroniques aux fumeurs. Cette initiative, annoncée en 2021, nécessite toutefois l’approbation du National Institute for Health and Care Excellence (NICE) avant d’être pleinement mise en œuvre. En attendant, le NHS recommande déjà activement la cigarette électronique comme outil d’aide au sevrage tabagique, aux côtés des substituts nicotiniques traditionnels.

L’objectif d’une “génération sans tabac”

En 2019, le gouvernement britannique s’est fixé un objectif ambitieux : parvenir à une “génération sans tabac” d’ici 2030, c’est-à-dire réduire la prévalence du tabagisme à moins de 5% de la population adulte. Bien que les projections actuelles suggèrent que cet objectif ne sera pas atteint avant 2039, l’engagement des autorités reste intact.

Le défi principal réside dans les fortes disparités socio-économiques. Alors que les zones les plus favorisées, comme Richmond upon Thames, affichent des taux de tabagisme aussi bas que 6%, certaines villes plus populaires comme Blackpool atteignent 23,4%. Les travailleurs manuels représentent également une population particulièrement touchée, avec 21,4% de fumeurs. Selon les projections, l’objectif de 5% pourrait être atteint dès 2025 parmi le décile le plus riche de la population, mais seulement en 2050 pour le décile le plus défavorisé.

Pour répondre à ces inégalités, le gouvernement a annoncé en 2022 la nécessité d’investir 125 millions de livres sterling supplémentaires par an dans la lutte contre le tabagisme, avec un accent particulier sur l’accompagnement des fumeurs issus de milieux défavorisés.

Une approche équilibrée : protéger les jeunes tout en aidant les fumeurs adultes

Si le Royaume-Uni soutient fermement le vapotage comme outil de sevrage pour les fumeurs adultes, le pays reste vigilant quant à l’usage de la cigarette électronique chez les jeunes. En 2024, environ 18% des 11-17 ans auraient vapoté, un chiffre préoccupant pour les autorités sanitaires.

Face à la popularité croissante des cigarettes électroniques jetables (puffs) chez les jeunes, le gouvernement britannique a pris une décision forte : à partir du 1er juin 2025, la vente de ces dispositifs à usage unique est interdite dans l’ensemble du Royaume-Uni. Cette mesure vise à protéger les mineurs de l’initiation au vapotage, tout en préservant l’accès aux cigarettes électroniques rechargeables pour les fumeurs adultes souhaitant se sevrer du tabac.

L’interdiction des puffs s’inscrit dans une volonté de lutter contre le gaspillage environnemental. En 2024, près de cinq millions de ces dispositifs jetables étaient jetés chaque semaine au Royaume-Uni, représentant plus de 40 tonnes de lithium par an. Les contrevenants à cette nouvelle réglementation s’exposent à une amende de 200 livres sterling, et les récidivistes risquent jusqu’à deux ans de prison.

Des résultats concrets et encourageants

L’approche britannique porte ses fruits. Selon les études menées au Royaume-Uni, la cigarette électronique est devenue le premier moyen utilisé par les fumeurs pour tenter d’arrêter le tabac. Les données scientifiques, notamment les méta-analyses de l’organisation Cochrane, confirment que les cigarettes électroniques avec nicotine augmentent significativement les chances d’arrêt du tabac par rapport aux substituts nicotiniques traditionnels ou à l’absence de soutien.

En 2024, environ 11% des adultes britanniques vapotaient, soit 5,6 millions de personnes. Une large majorité d’entre eux sont d’anciens fumeurs ayant utilisé la cigarette électronique pour se sevrer du tabac. Cette évolution positive s’accompagne d’une baisse continue du tabagisme chez les jeunes, contrairement aux craintes d’un “effet passerelle” vers le tabac qui ne s’est pas matérialisé.

Un modèle pour l’Europe ?

Le Royaume-Uni, classé en première position aux côtés de l’Irlande sur l’échelle de contrôle du tabac (Tobacco Control Scale) qui évalue les politiques des pays européens, fait figure d’exception en Europe. Alors que de nombreux pays européens adoptent une position hostile envers la cigarette électronique, assimilant parfois le vapotage au tabagisme dans leurs politiques de santé publique, le Royaume-Uni persiste dans son approche pragmatique de réduction des risques.

Cette stratégie semble porter ses fruits : avec environ 6 millions de fumeurs restants et plus de 400 000 hospitalisations liées au tabagisme recensées en 2022-2023, le pays continue d’investir massivement dans des solutions alternatives au tabac. En novembre 2024, le gouvernement a notamment annoncé la distribution gratuite de varénicline, un médicament d’aide au sevrage tabagique, qui pourrait aider plus de 85 000 personnes à arrêter de fumer chaque année et éviter jusqu’à 9 500 décès au cours des cinq prochaines années.

Le modèle britannique démontre qu’une approche équilibrée, combinant réglementation stricte pour protéger les jeunes, soutien actif aux fumeurs adultes souhaitant se sevrer, et promotion d’alternatives moins nocives comme la cigarette électronique, peut produire des résultats significatifs en matière de santé publique. Reste à savoir si d’autres pays européens suivront cette voie pragmatique dans les années à venir.

Sources