SWYPE, JNR, CraftBox, ces marques ne vous disent peut-être rien, et pourtant leurs smart vapes inquiètent de plus en plus.
De la cigalike aux smart vapes
Depuis sa création il y a plus de vingt ans, la cigarette électronique ne cesse d’évoluer. Les premières cigalikes à l’utilisation compliquée ont été remplacées par des pods faciles d’accès, et les box mods d’aujourd’hui peuvent se targuer de proposer une personnalisation maximale du vapotage, à travers divers menus qui ne nécessitent même plus de consulter le manuel d’utilisation tant ils sont bien faits. Alors, que pouvons-nous attendre de l’avenir du secteur ? Existe-t-il encore des fonctions qui pourraient s’avérer utiles, mais que l’on n’a pas encore intégrées à nos appareils ? Peut-être.
Quoi qu’il en soit, ce qui est certain, c’est que les smart vape qui commencent à débarquer en Europe font partie des « inventions » dont on se serait bien passés. Ces nouvelles cigarettes électroniques, originaires de Chine, se présentent sous la forme de « puffs intelligentes ». Un genre de puff, parce qu’il n’est pas possible d’en remplacer le liquide (dont la contenance est généralement donnée pour 30 à 40 000 bouffées) ou la résistance, et « intelligentes », car elles sont munies d’un grand écran tactile qui recèle de nombreuses fonctionnalités pour le moins surprenantes.
Une e-cigarette intelligente ? Loin de là
Les smart vapes peuvent en effet être couplées avec une application mobile qui offre plusieurs possibilités. Si les plus basiques sont disponibles, comme le fait de pouvoir changer le fond d’écran de la vapoteuse, il y en a des plus élaborées, comme la possibilité d’utiliser une calculatrice, de jouer à différents jeux, et même de lire ses SMS ou répondre à des appels. Une application météo et un baromètre sont également disponibles, entre autres fonctions, selon les modèles.
Des fonctionnalités promises qui ne fonctionnent pas toujours
Plusieurs points sont à noter concernant ces e-cigarettes « intelligentes ». D’abord, de nombreuses applications présentées sur les sites qui les vendent ne fonctionnent pas, si l’on en croit les quelques tests disponibles ici et là. C’est par exemple le cas de Facebook, WhatsApp, et de tous les autres réseaux sociaux. En fait, lorsqu’on clique sur l’icône de ces applications sur la vape, rien ne se passe, comme en atteste la vidéo ci-dessous.
Ensuite, en incluant des jeux à ces smart vapes, dont certaines sont disponibles avec un taux de nicotine qui peut grimper à 50 mg/ml aux États-Unis (20 mg/ml en Europe), il devient difficile de lutter contre l’argument qui voudrait que ces appareils soient spécialement conçus pour plaire aux mineurs. Ajoutez-y des couleurs attrayantes et des visuels aguicheurs, vous obtenez alors une cigarette électronique qui a tout pour intriguer les plus jeunes et favoriser les fantasmes de la théorie de la passerelle.
L’Europe ciblée par les fabricants
Si les smart vapes ont débarqué l’été dernier aux États-Unis, les premiers modèles semblent désormais arriver dans nos contrées. Les Pays-Bas commencent notamment à s’en inquiéter, à l’image de ce post LinkedIn, publié par Sanne Hammer, pneumologue pour enfants. Dans celui-ci, elle relate que l’un de ses collègues qui avait pour patient un jeune de 16 ans, lui a demandé s’il fumait ou vapotait.
L’adolescent lui a présenté la smart vape en photo. Dans sa publication, la spécialiste s’insurge tout particulièrement de la présence de jeux sur l’appareil : « Conçue spécialement pour aider les fumeurs adultes à arrêter de fumer ? NON ! Elle est spécifiquement développée pour rendre les adolescents, avec leur cerveau d’ado, dépendants et accros au vapotage. Quand on échoue à un niveau dans le jeu, on prend une bouffée et on peut continuer à jouer, se détendre, et vapoter. », fulmine-t-elle, avant de faire part de son inquiétude sur le fait que « nous ne nous dirigeons plus vers une génération sans nicotine ».
En Belgique, les forces de l’ordre ont d’ores et déjà saisi plusieurs dizaines d’exemplaires de ces produits dans différentes villes du pays. En France, certains revendeurs en ligne, et même quelques boutiques physiques, les proposent également à la vente.
Après la cigarette électronique à 645 000 €, la montre qui vapote, la coque d’iPhone qui permet de vapoter ou encore de recharger son téléphone grâce à son vaporisateur personnel, il semble qu’une partie de l’industrie de la cigarette électronique souhaite continuer de nous éblouir de son… disons, inventivité.
L’utilisation des smart vapes est déconseillée
Nous avons interrogé l’Association indépendante des utilisateurs de cigarette électronique (AIDUCE) au sujet de ces nouveaux appareils. Elle indique que ces appareils sont généralement vendus illégalement en France, puisqu’ils n’ont fait l’objet d’aucun contrôle, notamment de la composition des e-liquides qu’ils contiennent, de la sécurité de la batterie qui les équipe, etc.
Mais, comme le relève Claude Bamberger, président de l’association, les fabricants de ce genre de produits se préoccupent peu de leur qualité, puisqu’ils ne proposent de toute façon aucun support pour leurs appareils. Un fait qui parait se confirmer lorsqu’on inspecte le site officiel d’une de ces marques. Sur le site, outre l’absence de toutes les mentions légales, pourtant obligatoires, on y découvre que le fabricant propose d’être contacté par la plateforme Telegram, bien connue des délinquants pour être une messagerie cryptée qui ne collabore pas avec les autorités en cas de problèmes judiciaires concernant ses utilisateurs. Même l’accès à la boutique en ligne du site se fait par Telegram.
Pour l’instant, l’Europe semble être la cible d’une marque en particulier : JNR, anagramme de Just No Reason. Un nom qui sied parfaitement à ces produits qui n’ont tout simplement aucune raison d’exister.
L’avenir des smart vapes
S’il est impossible de prédire avec précision de quoi l’avenir sera fait, il est difficile d’imaginer que les régulateurs du monde ne s’attaquent pas au marché des smart vapes. Alors que certains fabricants de cigarettes électroniques ou d’e-liquides traditionnels sont déjà ciblés pour leur packaging jugé trop aguicheur pour les mineurs, en rendant ludique l’acte de vapoter, les smart vapes vont encore plus loin.
Les possibilités offertes par ces dispositifs, qu’il s’agisse de pouvoir jouer ou recevoir des notifications, pourraient certes plaire à certains adultes, mais ont surtout le risque d’attirer les plus jeunes, un public qui a pourtant l’interdiction de vapoter. Ajoutez le côté jetable à ces fonctionnalités décriées et vous obtenez la parfaite recette pour faire des smart vapes le prochain appareil interdit dans de nombreux pays.
Les différents modèles de smart vapes
Fabricant | Modèle | Fonctionnalités |
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JNR | PhoneVape | 30 000 bouffées – Application mobile – Réception d’appels et de SMS – Fonction téléphone perdu – Caméra à distance |
JNR | VapeWatch | 30 000 bouffées – Application mobile – Possibilité d’en retirer l’écran pour s’en servir comme d’une montre |
JNR | MediaMax | 40 000 bouffées – Application mobile – Réception d’appels et de SMS – Fonction téléphone perdu – Caméra à distance |
CraftBox | V-Play | 20 000 bouffées – 4 touches directionnelles comme sur un Gameboy – 3 « jeux rétro », dont Tetris |
Vookbar | CyberPro 30 000 | 30 000 bouffées – Application mobile – Caméra à distance – Calculatrice – Réception de SMS et d’autres messages en provenance des réseaux sociaux – Suivi des performances sportives – Jeux – Calendrier – Fonction téléphone perdu |
/ | V-Touch | 30 000 bouffées – Haut-parleur pour la musique – Signalement de la réception d’un appel ou de messages – Fonction téléphone perdu – Jeux – Fonction selfie |
Airmez/Airfuze | Matrix | 20 000 bouffées – Jeux |
Swype | Vape Box | 30 000 bouffées – Jeux – Météo – Notification d’appels et de messages |
Les modèles cités dans notre tableau ne représentent que ceux qui ont été repérés par notre rédaction. Étant tous proposés en marque blanche par leurs fabricants respectifs (en réalité, une seule et unique usine située dans la province de Shenzhen, en Chine), ils peuvent être retrouvés dans le monde entier sous différentes appellations et marques.
En savoir plus sur les smart vapes
Une smart vape est une cigarette électronique jetable. Contrairement aux puffs, dont la durée de vie est généralement très courte, les smart vapes sont souvent commercialisées dans un format qui offre plusieurs dizaines de milliers de bouffées. Les smart vapes sont aussi munies de différentes fonctions, comme la possibilité de consulter ses SMS ou encore de jouer à des jeux.
Comme d’autres cigarettes électroniques, les smart vapes collectent certaines données lors du vapotage, comme le nombre de bouffées, la durée d’inhalation, etc. Si les vaporisateurs personnels ne vont pas plus loin, les smart vapes peuvent généralement être liées à une application mobile qui offre alors une interface interactive reprenant ces données. Certaines vont même jusqu’à proposer un « classement » des utilisateurs qui vapotent le plus. De quoi inciter à la consommation les plus jeunes.
Les smart vapes posent de nombreux problèmes. Tout d’abord, elles représentent un véritable fléau écologique, puisqu’elles sont jetables. Contrairement aux puffs traditionnelles, les smart vapes sont en plus munies d’un écran et d’autres composants additionnels qui les rendent encore plus polluantes.
La présence de divers jeux et autres applications les rendent également potentiellement attrayantes pour les mineurs. En offrant la possibilité de vapoter tout en jouant ou en recevant des notifications, les smart vapes peuvent vite donner l’impression de représenter un ersatz de smartphone, appareil dont les adolescents ont déjà bien du mal à se passer.
Oui, potentiellement. Outre le fait qu’elles pourraient attirer des mineurs vers le vapotage, elles ne font aussi, et surtout, l’objet d’aucun contrôle sanitaire. Tous les produits du vapotage vendus en France doivent avoir fait l’objet de contrôles rigoureux et de différentes déclarations administratives. Certaines smart vapes ne remplissent aucune de ces conditions. Autrement dit, il n’y a aucune assurance quant à la qualité et l’innocuité des e-liquides qu’elles contiennent, ou encore la sécurité de leur batterie.
Dans certains pays, les smart vapes sont pour l’instant vendues de manière non officielle. En France, certaines boutiques, mais également quelques vape shops, en proposent déjà dans leurs rayons.
Tout dépend les modèles. Pour les smart vapes qui ne contiennent pas de nicotine, la législation est assez souple, ce qui permet théoriquement de vendre ces produits sans trop d’obligations. En revanche, les smart vapes qui contiennent de la nicotine doivent être déclarées aux autorités compétentes, ce qui n’est pas toujours le cas.
Toutes les associations de lutte contre le tabagisme sont contre ces appareils. La présence de jeu et d’autres éléments ludiques est notamment pointée du doigt pour le risque de banalisation du vapotage qu’elle représente. En gamifiant la cigarette électronique, le risque que ces produits plaisent à une population jeune qui n’a pas à vapoter est également souligné. L’association Génération Sans Tabac compare d’ailleurs ces appareils à des smartphones.