Décrite comme « trois fois plus addictive que la nicotine », la métatine affole les titres. Mais que dit réellement la science ?
Ce qu’il faut retenir
- La métatine est une molécule de synthèse fabriquée en laboratoire pour remplacer la nicotine.
- Elle provient des États-Unis où elle est utilisée pour contourner la réglementation.
- Il n’existe que peu d’études à son sujet.
- Si elle possède un profil pharmacologique préoccupant à certains égards, rien ne prouve encore qu’elle soit plus addictive que la nicotine.
D’où vient la métatine et pourquoi elle inquiète ?

À droite, la représentation topologique de la 6-méthylnicotine (6MN).
Depuis quelques jours, en France, la presse généraliste s’empare d’un nouveau sujet concernant la cigarette électronique : la métatine. Alors que TF1 Info la décrit comme « potentiellement 3 fois plus addictive que la nicotine », Le Point en parle comme d’un dérivé « qui inquiète ». De son côté, le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT), association antitabac de l’Hexagone, alerte sur une molécule « addictive aux effets préoccupants ». Mais qu’est-ce que la métatine ?
La métatine n’est rien d’autre qu’une appellation commerciale pour la 6-méthyl-nicotine, qui est un analogue de la nicotine traditionnelle. Contrairement à cette dernière, qui provient de la plante de tabac, la métatine est entièrement fabriquée en laboratoire. Il s’agit donc d’une molécule de synthèse. Pour la créer, les chimistes « construisent » de la nicotine, le plus souvent à partir de composés issus de la pétrochimie, puis y ajoutent un groupe méthyle en position 6.
Qu’est-ce qu’un analogue de nicotine ?
Un « analogue » est une molécule chimiquement proche d’une autre, mais modifiée. Dans le cas de la 6-méthyl-nicotine (ou métatine), la structure est quasiment identique à celle de la nicotine traditionnelle, mais un petit groupe chimique (un méthyle) a été ajouté. Une légère modification qui peut avoir un effet important sur la manière dont la molécule agit dans le cerveau.
Ce procédé vient des États-Unis et représente la dernière tentative en date des fabricants de contourner les réglementations particulièrement strictes de la Food and Drug Administration (FDA).
Aux États-Unis, la FDA étant en charge de la régulation des produits contenant de la nicotine, les liquidiers contournent cette réglementation en remplaçant la nicotine par de la 6-méthyl-nicotine. Ils échappent ainsi aux griffes de l’organisme, qui ne peut réguler que les produits contenant de la nicotine issue du tabac. Et puisque la métatine est synthétisée de A à Z, et sans utiliser de nicotine qui provient de la plante de tabac, la FDA n’a donc pas autorité sur eux.
Une molécule interdite en Europe
La présence de métatine en France soulève plusieurs problèmes.
D’abord, les produits qui contiennent de la 6-méthyl-nicotine sont généralement commercialisés par les fabricants comme « sans nicotine ». Un vapoteur désireux d’utiliser un produit sans nicotine pour s’en désaccoutumer avant d’arrêter complètement le vapotage pourrait donc se tourner vers ce produit. Et, sans le savoir, retomber dans un schéma de dépendance, possiblement plus marqué, bien que le pouvoir addictif précis de la 6-méthyl-nicotine sur l’humain ne soit pas encore documenté par des études cliniques.
Cette confusion sémantique autour de l’absence de nicotine dans l’étiquetage est d’autant plus problématique qu’elle peut tromper les consommateurs sur la véritable nature addictive du produit.
L’autre problème, et pas des moindres, est que, comme le rappelait la FIVAPE dans un article à ce sujet, la 6-méthyl-nicotine, ou métatine, est illégale en France, et dans l’Union européenne. Cette interdiction vient du fait que la TPD définit un cadre règlementaire très précis sur les produits qui peuvent, ou ne peuvent pas, être utilisés dans la composition d’un e-liquide de cigarettes électroniques. Et dont la France a défini les modalités précises dans son code de la santé publique.
En résumé, la TPD autorise la nicotine naturelle, qui est extraite de la plante de tabac, ainsi que la nicotine de synthèse, à condition qu’elle ait été notifiée et évaluée. Dans le cas contraire, c’est une interdiction formelle qui s’applique.
La métatine n’ayant pas été notifiée, et encore moins évaluée, son utilisation est donc interdite.
Notons par ailleurs que la 6-méthyl-nicotine n’est pas le seul analogue de nicotine utilisé dans certains produits de la vape. Retrouvez ci-dessous un aperçu comparatif des principales formes de nicotine que l’on peut retrouver dans des produits du vapotage à travers le monde, et principalement aux USA.
Molécule | Noms commerciaux | Structure / Type | Autorisé par la TPD ? |
---|---|---|---|
Nicotine traditionnelle et sels de nicotine | — | Alcaloïde naturel extrait du tabac | ✅ Oui |
6-méthyl-nicotine | Metatine™, SpreeBar | Nicotine modifiée (méthyle en C6) | ❌ Non |
Nicotinamide | Nixamide™, Nixotine™, Nic-Safe™ | Dérivé de la vitamine B3 | ❌ Non |
Nicotine synthétique | TFN™ (Tobacco-Free Nicotine) | Structure identique à la nicotine naturelle | ✅ Oui |
Une molécule plus addictive que la nicotine ? Rien n’est prouvé
L’autre point soulevé par certains articles concerne le potentiel addictif de la 6-méthyl-nicotine. Selon certaines sources, la molécule posséderait un potentiel addictif « pouvant atteindre jusqu’à 3,3 fois celui de la nicotine ». Ce point doit être modéré.
À l’heure actuelle, cette affirmation, relayée par plusieurs articles de presse, n’a aucun véritable fondement scientifique et doit être considérée comme une simple extrapolation journalistique. Il n’existe que très peu d’études concernant la 6-méthyl-nicotine, et seule une poignée porte sur ses effets pharmacologiques1, 2, 3. Parmi elles, une étude4 datant de 1998, qui avait comparé 59 analogues de nicotine, dont la 6-méthyl-nicotine.
Cette recherche, qui avait été réalisée chez des rats, avait conclu que « les dérivés méthylés en position 6 de l’anneau pyridine (exactement la structure de la métatine, N.D.L.R.) présentent une puissance supérieure à celle de la nicotine, jusqu’à un facteur 3 ». C’est cette étude qui a servi de base pour affirmer que la métatine est plus addictive que la nicotine.
Mais une puissance supérieure ne signifie pas un potentiel addictif supérieur. Simplement qu’il faut trois fois moins de métatine que de nicotine pour activer les récepteurs nicotiniques du cerveau.
Ce travail avait également relevé une affinité supérieure de la 6-méthyl-nicotine par rapport à la nicotine classique, sur les récepteurs nicotiniques.
Si ces deux éléments forment un profil pharmacologique qui suggère effectivement un potentiel addictif supérieur, ils ne suffisent pas à conclure que la métatine soit plus addictive.
Le phénomène d’addiction est un processus complexe et multifactoriel. S’il repose en partie sur la puissance de la molécule et son affinité aux récepteurs nicotiniques, il dépend aussi de sa vitesse d’action, sa durée d’effet, la manière dont il active le circuit de récompense, et surtout, les comportements induits. Des aspects que cette étude n’a pas explorés.
Sur cette base, on peut dire que la métatine présente un profil pharmacologique théoriquement plus addictif que la nicotine, mais aucune preuve expérimentale ne permet aujourd’hui de le confirmer.
Sources et références
1 Jenkins, C., Kelso, C., & Morgan, J. (2024). 6-Methylnicotine: a new nicotine alternative identified in e-cigarette liquids sold in Australia. Medical Journal of Australia, 221(6), 333–335. https://doi.org/10.5694/mja2.52423
2 Jabba, S. V., & Jordt, S. E. (2024). Marketing of nicotinamide as nicotine replacement in electronic cigarettes and smokeless tobacco. Tobacco Prevention & Cessation, 10, 35. https://doi.org/10.18332/tpc/187767
3 Qi, H., Chang, X., Wang, K., Xu, Q., Liu, M., & Han, B. (2023). Comparative analyses of transcriptome sequencing and carcinogenic exposure toxicity of nicotine and 6-methyl nicotine in human bronchial epithelial cells. Toxicology in Vitro, 93, 105661. https://doi.org/10.1016/j.tiv.2023.105661
4 Wang, D. X., Booth, H., Lerner-Marmarosh, N., Rivera, V., Elias, R. L., Asarch, K. B., & Rosecrans, J. A. (1998). Structure–activity relationships for nicotine analogs comparing competition for [³H]nicotine binding and psychotropic potency. Drug Development Research, 45(1), 10–16.
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