J’ai mis un certain temps à comprendre que Jacques Le Houezec, un lecteur de ma-cigarette.fr qui a laissé récemment des commentaires très constructifs sur la réponse d’une député européenne, n’était en fait qu’un consultant en santé publique et spécialiste de la dépendance tabagique.
Jacques, appelons-le par son prénom puisqu’il défend la cigarette électronique, s’est fait interviewé cette semaine par le Nouvel Observateur.
Au lieu de recopier l’article du Nouvel Obs, j’ai décidé plutôt de retranscrire la conversation téléphonique qui a été enregistrée lors de l’interview, qui pour moi est bien plus parlante :
Propos de Jacques Le Houezec au sujet de la cigarette électronique
Début de la retranscription
—
Il faut bien évidemment continuer à mettre l’accent et la priorité sur l’aide à l’arrêt, mais si en plus de ça, une partie des fumeurs, avant d’en arriver à arrêter définitivement, pouvait changer son mode de consommation et passer à ce produit qui est considérablement moins dangereux qu’une cigarette, on aurait un effet sur la santé publique évident.
C’est la première fois dans l’histoire du tabagisme que l’on a un produit qui remporte un tel engouement parmi les fumeurs.
La deuxième chose qui est importante et que l’on a jamais vu jusqu’à lors avec les fumeurs, c’est qu’ils en parlent entre eux. Ils ont créé des forums de discussion. On connaissait les alcooliques anonymes, mais les nicotiniques anonymes on ne connait pas, en tous cas pas en Europe.
Je pense que l’on est dans une phase intermédiaire de l’extinction, si on peut y arriver un jour, du tabagisme, et je pense qu’il faut négliger aucune chance, et que cette chance là, elle est peut être plus importante finalement, que d’attendre simplement que des lois anti-tabac agissent.
En France, le médecin n’a pas la culture de cette réduction des risques. On a une position en France qui est très axée sur le principe de précaution, mais quelque part à mauvaise escient, c’est à dire qu’au lieu d’abonder dans un produit qui de toute évidence est moins dangereux que la cigarette et qui pourrait nous aider à réduire le tabagisme, on se dit “ha oui mais on ne connait pas ça, il faut attendre de savoir si cela ne vas pas être dangereux“.
Fin de la retranscription
—
A propos de Jacques Le Houezec
J’ai eu la chance d’avoir pu m’entretenir avec Jacques Le Houezec par téléphone cet après-midi au sujet de sa prise de position en faveur des méthodes de réduction des risques pour le fumeur.
Se qualifiant lui même “d’électron libre” par rapport aux différentes organisations pour lesquelles il travaille ou a déjà travaillé, Jacques estime que l’Europe est en train de faire une grosse erreur en limitant les taux de nicotine à 4mg/ml dans les e-liquides et même s’il ne se fait pas d’illusion, il souhaite que la cigarette électronique soit épargnée des grands groupes industriels, que ce soit du côté pharmaceutique comme celui du tabac. De quoi séduire tout bon vapoteur.
Spécialiste engagé, vous pouvez lire le blog de Jacques Le Houezec sur http://jlhamzer.unblog.fr/ afin de vous faire votre propre idée sur ce personnage, ou suivre sa page Facebook ou bien encore son compte Twitter.
Nicotine anonyme ? On ne connait pas en Europe ? -1 pour M. Le Houezec, car des groupes existent bien. J’en ai connu à Neuilly/Seine (92) et à Lille. UnAirNeuf.org l’avait rapporté en décembre 2011 :
Nicotine Anonyme
http://www.unairneuf.org/2011/12/nicotine-anonyme.html
Ce qui est vrai, c’est que la puissance de feu de l’industrie pharmaceutique et des organisations qu’elle stipendie pour éliminer toute alternative défavorable à l’usage de ses produits inutiles et inefficaces a éliminé toute alternative non pharmaceutique à l’aide à l’arrêt du tabac. UnAirNeuf.org s’en plaint depuis son origine il y a six ans maintenant, et notamment dans un billet :
De trop rares associations ou clubs aident les fumeurs à cesser le tabagisme
http://www.unairneuf.org/2010/08/aide-arret-tabac-fumeurs-association-club.html
L’histoire continue avec la cigarette électronique : Big Pharma déteste la concurrence. Il faut faire place nette, supprimer du paysage commercial toute option non médicale. La manœuvre pour détruire le marché de la cigarette électronique a commencé. La santé des fumeurs, on s’en fout : business d’abord.
Une petite remarque concernant M. Le Houezec : n’étant pas Docteur en Médecine, sa parole peut s’affranchir du dogme médical dont il est impossible de s’écarter quand on est professionnel de santé au risque de procédure disciplinaire (L’Ordre des Médecins est un police professionnelle). Il n’est pas astreint par la loi à exposer ses liens d’intérêt passés ou présents avec les industries dont il est question (selon le Code de Santé Publique). Il serait opportun qu’il indique quand même succinctement pour qui il travaille actuellement et pour qui il a œuvré ces dernières années. Son évolution, sa reconversion on pourrait même dire, en serait encore plus flagrante.
Moi, j’ai l’avantage de ne pas me cacher derrière un pseudo. Tout le monde peut me trouver en me cherchant et savoir ce que je fais. Je ne suis effectivement pas médecin, mais docteur en sciences.
Merci pour la précision à propos des nicotine anonymes, mais ils sont tellement rares qu’on n’a guère fait attention à eux.
Plutôt que de vous inquiéter de l’industrie pharmaceutique, vous feriez mieux de vous inquiéter de ce que peut faire l’industrie du tabac, considérablement plus puissante!
L’industrie pharmaceutique, pour qui j’ai travaillé pendant quelques années, et pour qui je consulte encore (je suis travailleur indépendant), car je suis un spécialiste de la dépendance (j’ai toujours travaillé à la fois pour le secteur privé et le secteur public, et su garder mon indépendance) a au moins l’avantage de travailler dans le domaine de la santé, ce qui n’est pas le cas de l’IT.
Quant à ceux qui crachent dans la soupe, après y avoir trempé les lèvres, ils ne faut pas leur accorder trop d’importance, ils disent très souvent n’importe quoi pour qu’on parle d’eux (c’est pourquoi j’ai décidé de parler aussi, ouvertement, pour rétablir quelques vérités…).
Contrairement à ce qui est dit trop souvent ici et ailleurs, les substituts nicotiniques sont tout à fait efficaces si l’on s’en sert correctement et suffisamment longtemps. Ce qui ne retire rien aux bénéfices apportés par la cigarette électronique. Mais il y a de la place pour tout le monde, et la cigarette électronique est bien plus une menace pour la cigarette conventionnelle que pour les substituts nicotiniques ou les autres traitements de la dépendance tabagique.
Merci M. Le Houezec pour vos précisions très intéressantes. Nouveau venu dans le monde de la e-cig, j’avoue avoir eu quelques inquiétudes en devenant plus dépendant encore à ce que je ne l’était déjà avec mes cigarettes traditionnelles. J’ai donc, par saine paranoïa, épluché tous les avis du web que j’ai pu trouver sur l’éventuelle toxicité des liquides et j’avoue que la plupart des analyses m’a plutôt rassurée.
Les avis les moins rassurant et les moins enthousiastes sur la cigarettes électronique me dirigeaient en général vers le site unairneuf.org.
Mais en épluchant ce site, il semble qu’il soit le produit de lobbies du tabac, ce qui m’a conforté sur la cigarette électronique.
Mes suppositions sur ce site ne sont pas gratuites, il suffit de lire ces articles remettant en cause l’interdiction de la cigarette (la vraie) dans les lieux publics sous pretexte de détruire le lien social que favorisaient les pauses-clopes, l’article contre les taxes sur le tabac ou encore celui faisant la promotion de la (certainement excellente) pièce de théâtre “Arrêter de fumer tue” pour avoir de sérieux doutes :
http://www.unairneuf.org/2012/09/index.html
Voici la réaction du professeur Robert Molinard que je publie ici à sa demande :
Je suis ravi du revirement inattendu de Jacques Le Houezec, qui fréquentait plutôt des milieux qui jusqu’ici rêvent toujours d’interdire la cigarette électronique. Il est en effet membre du bureau du Comité National contre le tabagisme, après en avoir été vice-Président. Membre aussi du bureau de la Société Française de Tabacologie. Il est le rédacteur de sa « Lettre de la SFT », dont il a obtenu le soutien de la Direction Générale de la Santé. Il est également Président de la SRNT Europe (Société de Recherche sur la Nicotine et le Tabac) et Directeur du site http://www.treatobacco.net.
Il connaît aussi très bien l’industrie pharmaceutique, ayant été conseiller de Pharmacia&Upjohn, puis de Pfizer, avant de devenir consultant indépendant sur le sevrage tabagique. Ce revirement d’un avocat des substituts nicotiniques et du Champix est une divine et heureuse surprise pour les défenseurs de la cigarette électronique. On peut espérer qu’il saura peser de tout son poids dans les diverses organisations dont il est membre, ainsi que par ses relations ministérielles, pour faire infléchir la politique répressive qui se dessine.
La cigarette électronique chatouille beaucoup l’industrie du tabac, qui y voit un dangereux concurrent potentiel et préfère prendre les devants. Reynolds teste sa propre cigarette électronique « Vuse », Lorillard a acheté la marque de e-cigarettes « Blue », BAT vient de racheter la société CN-creative qui commercialise la cigarette « Intellicig » et ses e-liquides « Ecopure », etc. Quant à Pfizer et GSK, qui ont largement financé des campagnes contre la e-cigarette, résisteront-ils longtemps à commercialiser des e-cigarettes médicamenteuses pour contrebalancer la menace qui va de plus en plus peser sur les « substituts nicotiniques » et le Champix ?
Il n’y a pas de revirement M Molimard, je suis pour la réduction du risque depuis de nombreuses années, et j’ai failli me désolidariser du rapport européen du SCENHIR sur le snus, pour lequel j’étais expert, car le groupe était ouvertement opposé au snus, et le rapport biaisé. Nous avons pu finalement modérer les conclusions de ce rapport.
Je précise pour les lecteurs que j’ai fait ma thèse de science sous la direction de Robert Molimard.
Je ne suis plus membre du bureau ni du CA de la Société Française de Tabacologie depuis que j’écris la Lettre de la SFT, car je suis pour cela rémunéré par la subvention de la DGS. Et je suis toujours, vice-Président du CNCT, même si en l’occurrence je ne parle pas au nom du CNCT.
Me positionner favorablement pour la e-cigarette ne m’empêche pas de continuer à être favorable à l’utilisation des substituts nicotiniques, qui sont tout à fait efficace si on sait les utiliser, à fortes doses et suffisamment longtemps. Les anglais ont d’ailleurs eu l’intelligence de donner l’indication de réduction du risque aux substituts nicotiniques. Je conseille d’ailleurs à tous d’aller faire un tour sur le site de ASH UK, sur la page consacrée à la réduction du risque et la réglementation des produits à base de nicotine : http://ash.org.uk/current-policy-issues/harm-reduction-product-regulation/regulating-nicotine-products
L’industrie du tabac ne s’intéresse à la e-cigarette que pour mieux l’éliminer, comme elle essaye de le faire aux USA avec le snus. L’industrie pharmaceutique n’est pas encore bien sûre de ce qu’elle doit faire, mais il est clair que si elle se lance dans la course, ce sera pour en tirer des profits.