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Interview de Linda McAvan, députée européenne, sur la réglementation pharmaceutique des cigarettes électroniques

Mis à jour le 25/11/2022 à 12h39
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Linda McAvan, députée européenne, nous parle de l'avenir pharmaceutique de la cigarette électronique.

Linda McAvan, députée européenne, nous parle de l’avenir pharmaceutique de la cigarette électronique.

Une interview de Linda McAvan, députée européenne et rapporteur à la commission ENVI, nous donne de très bonnes informations sur la situation européenne actuelle.

Réalisée par Marco Van Basten, un vapoteur engagé dans la communauté ecig au Royaume-Uni et spécialiste des tests produits, cette entrevue peut être reçue comme une grille de lecture des orientations politiques qui sont en train de se dessiner en Europe pour la cigarette électronique.

Pour rappel la commission ENVI a proposé une révision de la Directive sur les produits du tabac qui inclu une réglementation pharmaceutique des cigarettes électroniques en Europe. Cette proposition, mal accueillie par une très large majorité des acteurs de la cigarette électronique, suit de près ce que la MHRA au Royaume-Uni avait déjà proposé cet été en annonçant que dès 2016, l’e-cigarette sera considérée comme un médicament.

La crainte de voir le produit perdre de sa variété, augmenter sa valeur marchande et passer par des processus de mise en conformité couteux et lents, trouve des explications politiques dans la vidéo qui va suivre. Comme elle est relativement longue et que les interlocuteurs parlent un anglais quelque peu mâché, je vous propose une libre retranscription des propos qui sont tenus par la députée.

Interview de Linda McAvan

Concernant la situation au Royaume-Uni

Contexte : l’agence britannique de sécurité des médicaments et des produits de santé (MHRA) a annoncé mi-juin 2013 que l’e-cigarette devra être classée comme un médicament afin de garantir sa qualité, et ceci à partir de 2016. Les défenseurs de l’e-cigarette craignent un manque de variété et une baisse d’attractivité du produit auprès des fumeurs. Lire : La cigarette électronique classée comme médicament au Royaume-Uni

Je n’ai pas la même interprétation de l’annonce faite par la MHRA que la majeure partie des vapoteurs, qui voit en elle la mort annoncée des produits actuellement disponibles sur le marché. Je suis, comme beaucoup de membres de mon parti politique (socialiste), d’accord pour renforcer le contrôle qualité sur les produits tout en maintenant une certaine souplesse dans sa disponibilité. L’idée est de forcer les fabricants à effectuer des contrôles rigoureux sur la qualité de leurs produits.

Je suis convaincue que la cigarette électronique est une aide précieuse à tous les gros fumeurs. Je serais heureuse de voir les fumeurs actuels passer à l’ecig. Ce n’est pas du tout mon intention d’enlever ces produits du marché. Ce que je veux par contre c’est l’assurance qu’ils soient sans danger, qu’ils fonctionnent et surtout qu’ils soient conformes à ce qu’ils prétendent être. A l’heure actuelle nous avons beaucoup d’évidences qui remettent en question la qualité des produits commercialisés jusqu’à présent.

Les professionnels de l’e-cigarette se battent contre la législation parce qu’ils ne veulent pas payer, ils ne veulent pas que le marché soit réglementé.

Beaucoup de professionnels de l’e-cigarette ont exagéré sur les montants qu’une mise en conformité pharmaceutique demanderait. Ils se battent contre la législation parce qu’ils ne veulent pas payer, ils ne veulent pas que le marché soit réglementé. Prenez l’exemple des banques, c’est la même histoire, ils ne voulaient pas payer pour se mettre en conformité avec la loi. Les compagnies d’e-cigarettes font d’énormes profits à l’heure actuelle et paradoxalement elles disent qu’elles ne peuvent pas faire face à des couts de réglementation.

Certaines de ces sociétés en revanche, souhaitent une réglementation solide qui puisse leur garantir une certaine pérennité de leur activité (via des produits jugés comme sûrs). Ils cherchent à faire des investissements à long terme dans leur secteur. Il faut donc prendre en considération la santé publique en garantissant des produits sûrs, plutôt que de favoriser la rentabilité des acteurs économiques de ce marché.

Concernant la situation au niveau européen

Contexte : la commission ENVI a proposé le 10 juillet 2013, une révision de la Directive sur les produits du tabac. L’amendement 57 adopté par 44 membres de la commission, propose de classer l’e-cigarette comme un produit pharmaceutique. Lire : La commission ENVI souhaite soumettre la cigarette électronique à la Directive sur les médicaments

Il y a eu pas mal de confusion récemment après l’annonce de la proposition de révision de la Directive sur les produits du tabac. J’ai entendu des gens dirent que la loi était passée, que l’ecig était désormais un médicament. Or la réalité est différente et il me parait important de rectifier certaines choses.

L’amendement 57 qui a été retenu au sein de la commission ENVI et pour lequel j’ai travaillé, propose de réglementer les cigarettes électroniques dans un cadre pharmaceutique souple. J’ai émis des réserves sur cette classification en tant que pur produit pharmaceutique (médicament) parce que cela aurait impliqué des tests cliniques complets et des démarches administratives lourdes pour les fabricants. Or je ne pense pas que les cigarettes électroniques nécessitent des tests cliniques. Ce qu’on nous avons donc fait c’est de proposer une simplification des procédures pour autoriser l’ecig sur le marché.

La loi sera probablement écrite avant Noël mais ne prendra effet au Royaume-Uni [..] que deux ou trois ans après.

Toutes les lois européennes démarrent leur vie en tant que proposition émise par la commission européenne. Avant qu’une proposition de loi passe en loi véritable, il faut qu’elle récolte l’approbation des membres du parlement et des ministres de chaque État membre. Ainsi cette étape que nous avons vécu le 10 juillet dernier n’est que la première partie d’un long processus législatif.

La seconde partie de ce processus implique les gouvernements eux mêmes. Il faut que les membres du Parlement européen et les ministres de chaque État membre se mettent d’accord. C’est en septembre, lors d’une séance plénière que cette discussion démarrera.

La loi sera probablement écrite avant Noël mais ne prendra effet au Royaume-Uni, en tous cas certaines parties de cette loi, que deux et trois ans après. Une Directive est un cadre légal qu’il faut ensuite adapté à chaque législation des États membres et cela prend du temps.

Concernant l’avis défavorable de certains experts en santé publique pour une médicalisation de la cigarette électronique

Contexte : de nombreux experts en santé publique se sont publiquement opposés à cette classification pharmaceutique. Ils craignent que cette orientation politique freine le développement du produit et son attractivité auprès des fumeurs, maintenant ainsi la position dominante du tabac dans la société. L’une des prises de position les plus représentatives reste sans doute celle parue dans le très sérieux journal scientifique The Lancet Respiratory Medicine. Cette publication a été montrée à Linda McAvan durant l’interview. Lire : La médicalisation de la cigarette électronique pourrait-elle favoriser l’industrie du tabac ?

Il est vrai que le corps scientifique est relativement partagé sur la question. Je ne sais pas qui à participé à ce document, mais ce ne sont sûrement pas des scientifiques britanniques. Je sais qu’en Angleterre des organisations comme Action on Smoking and Health (ASH) sont pour une présence des cigarettes électroniques sur le marché, mais je sais aussi que leurs meilleurs docteurs pensent qu’il faudrait faire de l’e-cigarette un médicament pour garantir la qualité de ces produits.

Imaginez si une ecig ne contient pas un taux de nicotine conforme à ce qui est mentionné sur l’étiquette, l’utilisateur pourrait être déçu par son efficacité et décider de repartir sur le tabac. Il se dira alors “la cigarette électronique, ça ne marche pas”.

On m’a dit que la plupart des produits sont fabriqués en Chine mais pas localement au Royaume-Uni (même si une compagnie a semble-t-il ce projet de fabrication locale).
Même si certains ont des principes de contrôle autonome (en employant des sociétés externes par exemple pour vérifier leur propre production) il ne s’agit pas d’une réglementation externe neutre. Je pense que l’industrie de la cigarette électronique doit être réglementée de manière strictement indépendante sous le couvert d’une autorité de santé.

Il faut bien se rappeler que nous parlons d’un cadre réglementaire qui prendra sans doute effet dans trois ans et demi si tout se passe comme prévu. Les compagnies ont donc tout le temps nécessaire pour anticiper ces coûts (qui sont d’ailleurs complètement surestimés par les professionnels qui s’opposent à cette idée). Ma préoccupation c’est de garantir aux consommateurs que les produits qu’ils achètent fonctionnent bien et qu’ils soient sûrs pour l’usage qu’ils en feront.

Je suis consciente que la communauté des vapoteurs craint une future restriction dans le choix des produits mais il y a des avantages à une réglementation pharmaceutique.

J’ai étudié différentes options pour la réglementation des e-cigarettes, notamment celui d’une classification comme simple produit de consommation. Le problème c’est que ce type de cadre réglementaire est mal adapté pour des produits aussi sensibles. La loi sur les produits de consommation couvre une très large partie des biens vendus sur le marché (voitures etc.), mais elle n’est pas équipée d’outils assez efficaces pour garantir un contrôle cohérent. Certaines sociétés d’e-cigarettes sont d’accord avec moi, la réglementation en tant que produit de consommation n’est pas suffisante.

Je suis consciente que la communauté des vapoteurs craint une future restriction dans le choix des produits mais il y a des avantages à une réglementation pharmaceutique. La TVA par exemple, elle passera au Royaume-Uni de 20% (produit de consommation) à 5% (médicament). Les personnes allergiques à certains produits contenus dans les ecig pourront être informés comme il se doit. Le produit doit également être vendu aux bonnes personnes en protégeant les mineurs, tout le monde est d’accord sur ça. Il faut éviter les publicités irresponsables comme on a pu le voir dans certains pays. De nombreux gouvernements membres de l’Union européenne sont d’accord sur de nombreux points comme ceux que je viens à l’instant d’évoquer.

Si les acteurs économiques du secteur affirment qu’il s’agit là d’un énorme marché, ils doivent alors commencer à songer aux investissements qu’ils sont prêts à faire.

Si les acteurs économiques du secteur affirment qu’il s’agit là d’un énorme marché, et je pense que c’est bien le cas, ils doivent alors commencer à songer aux investissements qu’ils sont prêts à faire. Ils savent très bien qu’une réglementation spécifique va être mise en place, aussi bien aux États-Unis qu’en Europe. Nous parlons de marges gigantesques, les professionnels sont loins d’être dépourvus, mais comme tout le monde, ils ne veulent pas payer.

Les docteurs qui conseillent à leurs patients fumeurs des produits pour le sevrage tabagique ont besoin de savoir si ces produits sont sûrs. Il faut donc qu’ils soient certains que la cigarette électronique est bel et bien une bonne alternative au tabac fumé.

Encore une fois nous n’essayons pas de retirer les cigarettes électroniques du marché, nous n’essayons pas de les bannir, bien au contraire. Je pense d’ailleurs qu’elles font partie du futur de la lutte contre le tabagisme. Nous voulons juste être confiants dans la qualité des produits et sur leur efficacité pour aider les gens à arrêter de fumer. Nous ne voulons pas d’une nouvelle génération de jeunes dépendants à la nicotine, non, mais nous voulons que les fumeurs aient accès à un produit qui fonctionne et qui soit correctement encadré.