Précise, documentée, et faisant intervenir des spécialistes, l’enquête du magazine ne manque le carton plein qu’à cause de son infographie. 

Le magazine a réalisé une vaste enquête sur le sevrage tabagique et bien travaillé le sujet de la cigarette électronique.

Un dossier bienvenu

Édité par l’Institut national de la consommation, le magazine 60 Millions de consommateurs existe depuis décembre 1970, date à laquelle a été publié son premier numéro. Se décrivant comme « intrinsèquement objectif », il est notamment connu pour ses nombreux comparatifs et autres essais de produits en tout genre, destinés à guider les consommateurs français pour qu’ils fassent le bon choix au moment de leurs achats. Dans son dernier numéro de septembre, 60 Millions de consommateurs propose une enquête baptisée « Pour en finir avec les cigarettes ». Son objectif : faire le point sur l’efficacité des produits à base de nicotine qui sont proposés aux fumeurs pour espacer, ou complètement se passer des cigarettes.

Le vapotage plébiscité 

Première bonne surprise à la lecture de ce dossier, le magazine a, semble-t-il, pris contact avec certains experts du sevrage tabagique. « On dit souvent qu’on fume pour la nicotine mais qu’on meurt des goudrons », y explique par exemple Françoise Gaudel, patiente-experte et tabacologue, mais également fondatrice du groupe d’auto-support Je ne fume plus #JNFP. « Ce sont le monoxyde de carbone, les irritants bronchiques et les goudrons qui sont les principaux responsables des maladies cardio-vasculaires, pulmonaires et de cancers », précise de son côté Olivier Smadja, tabacologue à Santé publique France, tandis que Marion Adler, tabacologue et médecin responsable de l’équipe de liaison et soins en addictologie à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart (92), indique son de côté « ne pas s’opposer au vapotage lorsque quelqu’un s’y intéresse »

Si le magazine rappelle qu’en France, seuls les patchs, les sprays, les inhaleurs, les comprimés et les pastilles « sont considérés comme une aide au sevrage tabagique et pris en charge par l’Assurance maladie sur prescription », ce n’est pas le cas pour les autres produits à la nicotine, qui « ne bénéficient pas du même niveau de preuves et ne sont pas considérés comme des traitements de substitution ». 60 Millions de consommateurs rappelle tout de même que sur le terrain, des tabacologues « restent ouverts à des produits même non recommandés par la Haute Autorité de Santé ». L’enquête souligne même qu’au Royaume-Uni, le vapotage est reconnu et pris en charge, et que l’utilisation d’une cigarette électronique est « dans tous les cas moins dangereuse que du tabac fumé et même moins dangereuse que du tabac chauffé comme l’IQOS »

Marion Adler insiste d’ailleurs au sujet du vapotage et rappelle qu’une étude menée par la célèbre organisation Cochrane « a montré que l’efficacité de la vape était supérieure à celle des substituts nicotiniques ». La spécialiste tempère tout de même. Remplacer le tabagisme par le vapotage, c’est très bien, mais « à moins que le risque de rechute soit très élevé, mieux vaut arrêter de vapoter ». Pour ce faire, la tabacologue dispense quelques conseils et notamment de commencer par diminuer la fréquence des prises, par exemple en sortant sans son vaporisateur personnel. « Ensuite seulement, il faut diminuer la nicotine. Or les gens font souvent l’inverse et du coup, renforcent la dépendance au geste »

Les sachets de nicotine, encore trop récents

Le sujet des sachets de nicotine est également parcouru rapidement. 60 Millions de consommateurs indique à ses lecteurs que les tabacologues n’ont pour l’instant que peu de recul sur ces produits et que « nul ne sait dire quelle quantité de nicotine est assimilée ni s’ils sont réellement efficaces ». À ce sujet, Françoise Gaudel indique que ces produits « sont fabriqués par les cigarettiers » et que c’est pour cette raison qu’ils sont distribués dans les bureaux de tabac. « Or ce n’est jamais bon d’y remettre les pieds », rappelle-t-elle.

Les sels de nicotine, parfois une bonne solution

Concernant les e-liquides contenant des sels de nicotine, le magazine rappelle que leur assimilation est plus rapide que la nicotine contenue dans les e-liquides classiques. « Les ex-fumeurs sont plus vite soulagés de leur envie de fumer », explique Marion Adler, tout en précisant qu’ils ont également l’avantage d’être beaucoup moins agressifs pour la gorge. Mais 60 Millions de consommateurs alerte quand même sur le fait qu’il peut y avoir un intérêt à passer à des e-liquides contenant de la nicotine traditionnelle si le vapoteur « a du mal à baisser la dose de nicotine avec ceux à base de sels de nicotine, finalement trop faciles à vapoter »

Les arômes, controversés et pourtant efficaces

Visiblement bien décidée à couvrir toutes les facettes du vapotage, Adélaïde Robert, autrice de l’enquête pour 60 Millions de consommateurs, parle également des arômes dans les e-liquides, et même des puffs. Si la journaliste rappelle que leur existence est menacée par la réglementation, Marion Adler admet de son côté que même les cigarettes électroniques jetables « ont permis à certains de nos patients d’arrêter la cigarette car elles ont beaucoup de choix de goûts ». Le magazine rappelle d’ailleurs très bien que lors du sevrage tabagique avec une cigarette électronique, « l’important est de trouver un e-liquide qui permette de se détourner des cigarettes, donc plaisant ». Et donne quand même pour conseil de s’en tenir à des produits déclarés auprès de l’Agence nationale de l’environnement et de la santé (Anses), et de préférer les e-liquides qui ont été contrôlés par un organisme indépendant « comme ceux affichant la certification Afnor »

Une enquête presque parfaite

S’il est toujours plaisant de lire un dossier complet sur le vapotage dans un média grand public qui n’est pas spécialisé dans le domaine du sevrage tabagique, nous regretterons toutefois un point dans cette enquête. 

Dès sa première page, 60 Millions de consommateurs a réalisé une infographie qui résume l’efficacité de tous les substituts nicotiniques dont il est question dans son enquête. Si les comprimés, les gommes à mâcher, les inhaleurs, les patchs ou encore les sprays, se voient dotés de la mention « admise » quant à leur efficacité, et affichent une note de 3/3, celle des e-liquides aux sels de nicotine n’est que « prouvée », correspondant à la note de 2/3, tandis que celle des e-liquides à base de nicotine classique est déclarée « controversée », avec la note de 1/3. Ce ne sont pourtant pas les preuves qui manquent. 

Reste que par rapport à ses premiers numéros qui traitaient de la cigarette électronique, le magazine a, semble-t-il, bien travaillé son sujet.

Le dossier complet de 60 Millions de consommateurs est à retrouver dans le n°605 de septembre 2024.

Le reste de l’actualité en France

Annonce