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Entre reconnaissances et attaques, la vape suisse se débat

Mis à jour le 30/11/2017 à 13h12
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Avec le début d’une reconnaissance du vapotage comme outil de réduction des risques par l’Office fédérale de santé publique et l’opposition ferme de la Commission fédérale de prévention du tabagisme à ce dispositif, le débat s’accélère en Suisse.

La vape, premier choix des fumeurs suisses pour sortir du tabac

suisse-statistiquesSi quelqu’un ne peut pas faire sans nicotine, la vape est certainement une option plus saine“. Coup de tonnerre en Suisse le 3 octobre dernier avec cette déclaration de Simone Buchmann, porte-parole de l’Office fédérale de la santé publique (OFSP). La directrice de la campagne Smoke Free reconnaît que «vapoter est au moins 95 pour cent moins nocif que fumer des cigarettes» dans les colonnes du 20 Minutes suisse-alémanique.

Les propos de la responsable de l’OFSP et membre du Parti Socialiste prend à contre-pied le discours asséné par son institution et son parti. Le vapotage est devenu en 2015 l’outil d’aide au sevrage tabagique le plus utilisé par les fumeurs suisses, en dépit de la prohibition fédérale de vente des liquides nicotinés.

Avec 5,8% des tentatives d’arrêt à l’aide du vapotage, celui-ci dépasse les médicaments de sevrage selon les statistiques publiées par Addiction Suisse dans le document Désaccoutumance tabagique en Suisse en 2015 [pdf]. En regard, le Champix n’est utilisé que dans 0,9% des cas.

En Suisse 30% des tentatives de sevrage ont recours à une aide  contre plus de 50% aux Etats-Unis

molecule-nicotine-tableauCe sont donc les substitutions nicotiniques, sous formes de gommes, patchs et désormais vaporisateurs, qui sont privilégiés par les fumeurs helvétiques, néanmoins plus de 70% des fumeurs suisses qui tentent d’arrêter, le font sans aide. Un chiffre qui contraste avec l’évolution aux Etats-Unis, comme le montre une étude[1] de l’Université de Californie publiée dans le British Medical Journal cette semaine.

Aux Etats-Unis, la part de fumeurs utilisant une aide dans leur tentative de sevrage est devenue majoritaire. «Le vapotage a contribué à une augmentation de 50% du taux de fumeurs utilisant des aides de renoncement au tabac. Cela donne à penser que de nombreux fumeurs, qui n’auraient pas utilisé d’autres pharmacothérapies, utilisent le vapotage pour s’aider à sortir du tabagisme», analyse l’étude menée par le Dr Shu-Hong Zhu du Moore Cancer Center de l’Université de San Diego.

Les chercheurs ont constaté que non seulement, la vape a fait exploser le recours aux aides mais qu’elle multiplie par 4,1 les succès en comparaison d’essai sans aide. 42,4% de ceux qui ont utilisé le vapotage à long terme ont lâché le tabac, sur l’échantillon représentatif de 2028 fumeurs américains suivis de 2012 à 2014.

“Interdire aux autorités de santé de recommander la vape pour arrêter de fumer”

Cela ne semble pas influencer la Commission Fédérale de Prévention du Tabagisme (CFPT). Dans son nouvel avis consultatif sur le vapotage, publié fin septembre, elle proposait une série de mesures répressives :

  • appliquer les législations contre le tabagisme passif au vapotage,
  • interdire «toute forme de promotion et de publicité»,
  • interdire aux autorités sanitaires de recommander d’arrêter de fumer à l’aide du vapotage,

A peine une semaine plus tard, Simone Buchmann de l’Office Fédéral de Santé Publique enfreignait la dernière recommandation.

La Commission s’est également exprimée en faveur d’une interdiction de vente aux mineurs des produits du vapotage contenant de la nicotine, d’une taxe du même taux que celle des cigarettes. Elle a aussi établi des recommandations pour restreindre l’utilisation de certains composants, limiter le taux de nicotine et analyser les e-liquides les plus vendus.

La CFPT a affirmé que son avis s’appuie sur les dernières recherches scientifiques, bien qu’elle ne mentionne pas le rapport du Collège Royal des Médecins britannique. Elle exclut celui rédigé par Public Health England au prétexte d’une lettre anonyme publiée dans le Lancet. L’identité de l’auteur avait pourtant été mise à jour après une enquête sur des actes de mobbing par l’administration sanitaire britannique et les allégations de conflit d’intérêt rétractées.

“Tabagisme passif”

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Le vapotage passif peine toujours à être démontré.

La Swiss Vape Trade Association (SVTA) n’a pas eu grand mal à dénoncer le manque de données scientifiques solides de l’avis de la CFPT. Alors que celle-ci reconnaît que la vape «ne contient pas de tabac et que l’utilisateur n’inhale et ne rejette pas de produits de la combustion», elle invoque néanmoins un risque de «tabagisme passif».

Au vu des mesures révélées par différentes études sur le sujet, Stefan Meile, président de la SVTA, estime que «le terme de tabagisme passif est inapproprié pour le vapotage». Entre autres critiques, le représentant des professionnels suisses de la vape ne comprend pas le sens d’interdire la publicité et de taxer de manière punitive un produit à risques réduits permettant aux fumeurs de sortir du tabagisme.

“Un objectif d’abstinence irréaliste, sans considération des usagers de nicotine

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Olivier Théraulaz, président d’Helvetic Vape

Et c’est sur cette question de fond de la réduction des risques qu’Helvetic Vape insiste dans sa lettre ouverte à la présidente de la CFPT. «Le principe de réduction des risques et des dommages est un pilier incontournable des politiques de lutte contre les addictions», explique l’association des vapoteurs suisses.

L’absence de cette approche dans l’avis de la CFPT confine «à fétichiser un objectif d’abstinence irréaliste, sans considération des usagers de nicotine», souligne Olivier Théraulaz, le président de l’association. Les vapoteurs remettent en cause la stratégie de la CFPT en soulignant que depuis sa création en 2008, le tabagisme en Suisse se maintient autour des 25% de la population [pdf], comme le montre les statistiques 2015 publiées le 10 octobre. Au Royaume-Uni, le tabagisme s’est effondré à moins de 17% de la population.

Entre le début d’une reconnaissance du vapotage comme un outil de réduction des risques et des dommages et le dogmatisme, la vape est encore loin de pouvoir donner son plein potentiel en Suisse.

Les débats entre scientifiques, usagers et professionnels aux Swiss Vaping Days les 22 et 23 octobre à Montreux permettront d’avancer. Au vue des méfaits des cigarettes fumées, il est temps que la Suisse prenne conscience qu’il y a le feu au lac. Le vapotage peut contribuer à l’éteindre.


[1] Zhuang Y, Cummins SE, Y Sun J, et al, Long-term e-cigarette use and smoking cessation: a longitudinal study with US population,