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USA : les cigarettiers condamnés à financer une campagne de prévention, une défaite au parfum de victoire

Mis à jour le 6/04/2020 à 11h40
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C’est un grand procès à l’américaine qui vient de trouver sa conclusion en octobre dernier, avec un arrangement à l’amiable qui laisse un goût d’inachevé. Les cigarettiers vont devoir faire de la pub sur les dangers du tabac, mais le contribuable s’assiéra sur plusieurs centaines de milliards de dollars.

 

Un procès, pardon, un flop historique

C’est une confrontation qui a débuté en 1999 devant les tribunaux américains. A l’origine intenté contre trois compagnies, devenues deux par le jeu des fusions acquisitions, Britsh Americain Tobacco et Altria, par le Ministère Américain de la Justice (MAJ), ce procès avait un enjeu purement financier.

Ce que réclamait le MAJ, c’était tout simplement de se faire rembourser par les cigarettiers les dépenses de santé engagées pour lutter contre le tabagisme. Ce qui, au niveau fédéral, représente la bagatelle de plusieurs centaines de milliards de dollars.

L’ensemble du dossier a été rejeté en 2006 par un tribunal, à l’exception d’un seul point, la reconnaissance de 50 années de mensonges sur les effets du tabac organisé par l’industrie cigarettière. Mais il aura encore fallu 11 ans de procédure pour qu’enfin un accord soit trouvé.

Cet accord est le suivant : Britsh Americain Tobacco et Altria vont financer une campagne d’information sur les dangers du tabac censée compenser 50 ans de désinformation. Celle-ci sera constituée de spots télévisés qui seront diffusés en prime time sur les grands réseaux de télévision, CBS et NBC inclus, cinq fois par semaine. Les cigarettiers devront également acheter de pleines pages dans 45 journaux parmi les plus lus, pour y diffuser leur message. Cette campagne débutera à la fin du mois de novembre.

Message, message…
Les slogans qui devront figurer dans ces messages  :
« On recense chaque année un nombre plus important de décès dus au tabagisme que ceux qui ont été provoqués par les assassinats, le sida, les suicides, les drogues, les accidents de voiture et l’alcool, cumulés. »
« Le tabagisme tue en moyenne 1200 Américains chaque jour»
« Fumer provoque des maladies du cœur, la leucémie, le cancer de la bouche, du poumon, de l’estomac, du rein, de la vessie et du pancréas. »
« Altria, RJ Reynolds Tobacco, Lorillard et Philip Morris USA ont délibérément conçu des cigarettes plus addictives pour vous rendre dépendant »
« De nombreux fumeurs passent aux cigarettes « légères » parce qu’ils pensent qu’elles sont moins nocives. Mais elles ne le sont pas ».

C’est une bonne idée… Mais en fait, non

Ce qui peut sembler être une bonne idée est en fait un pétard mouillé.

D’une part, la sanction apparaît extrêmement clémente par rapport à ce que réclamait le Ministère de la Justice Américain, et de ses conséquences. En effet, si les industries cigarettières avaient été condamnées au niveau fédéral, chaque état aurait ensuite pu s’appuyer sur le jugement pour poursuivre à leur tour les industriels, sur la base de leurs propres dépenses.

Ensuite, parce que, même si elles est extrêmement négative pour l’image du tabac, cette dernière a été considérablement dégradée ces dernières années sans que cela n’ai de conséquence décisive sur la consommation de cigarettes.

Enfin, parce que, comme le relèvent de nombreuses associations de lutte contre le tabac, la campagne aura un impact minime sur la cible qui présente le plus d’enjeux, les jeunes. En effet, ceux-ci lisent peu les journaux concernés, et privilégient les vidéos en streaming aux programmes télévisés de prime-time. Or ces supports privilégiés ne sont pas concernés par la campagne de Big Tobacco.

Bref, tout cela ressemble fort à un accord à minima concédé par Britsh Americain Tobacco et Altria, ce qui leur permet, paradoxalement, de se racheter un verni d’honnêteté, de ne pas humilier le Ministère Américain de la Justice, ce qui ne serait pas une bonne idée, tout en épargnant son réservoir de futurs clients. Et peut-être aussi de préparer le terrain marketing pour leurs produits à “moindre nocivité”.

Une victoire à la Pyrrhus des cigarettiers, certes, mais une victoire tout de même.