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Seuls Big Tobacco et Big Pharma veulent réglementer les e-cigarettes

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Ivo Vegter est journaliste sud-africain. Il propose dans le journal Daily Maverick sa vision de la situation politique dans laquelle évolue aujourd’hui l’e-cigarette. Si la loi contrôle les fabricants et les vendeurs, rien ne pourra freiner les consommateurs.

Deux lobbies s’affrontent

Ivo Vegter, journaliste indépendant et auteur sud-africain.

Ivo Vegter, journaliste indépendant et auteur sud-africain.

L’industrie du tabac n’est pas unique. Avec l’industrie pharmaceutique, toutes deux voudraient monopoliser le marché de la cigarette électronique. Et le gouvernement n’est que trop heureux de sacrifier la santé publique en faveur de ces lobbyistes. La vérité est que les e-cigarettes sont sûres et efficaces dans l’aide au sevrage tabagique. Si les gouvernements étaient cohérents, ils les distribueraient comme des petits pains.

« [La cigarette électronique] est un dispositif délivrant de la nicotine conçu pour être utilisé comme une cigarette classique. Que devient une personne qui arrête d’inhaler le goudron que contient une cigarette de tabac et n’inhale plus que de la nicotine ? Nous n’en savons rien. Le potentiel de risque est toutefois présent ».

Tels sont les propos du Dr. Norman Edelman, médecin-chef de l’Association pulmonaire américaine (American Lung Association), cité dans une revue médicale en ligne. Plausible ? Je ne pense pas, non.

Les effets de la nicotine, administrée seule, ont été étudiés pendant des décennies à travers différents produits conçus pour aider les personnes à arrêter de fumer. Nous savons bien ce qui se passe, à l’inverse de ce que ce cher docteur nous affirme. Similaire à la caféine dans son effet stimulant, la nicotine a été proposée comme thérapie pour soigner plusieurs maladies et est considérée comme « un médicament bon marché, courant et surtout sûr ». Aucune étude n’a jamais démontré que la nicotine seule posait un risque autre que le risque posé par la nicotine seule. (Pardonnez la tautologie. Le Dr. Edelman m’y contraint).

Afin de rendre plus facile l‘accès aux thérapies de remplacement de la nicotine, la FDA a levé l’année dernière l’interdiction qui pesait sur les patchs, les gommes à mâcher, les sprays buccaux et les lozanges, affirmant tout particulièrement que ces produits « ne semblaient pas dotés d’un potentiel considérable d’abus ou de dépendance ».

Mais ils sont pour la plupart désagréables à utiliser et le principe de moralité veut que cela reste ainsi. Les fumeurs doivent souffrir.

Les e-cigarettes et les dispositifs similaires chauffent un liquide qui contient de la nicotine, créant ainsi une vapeur qui est inhalée (d’où le terme « vapoter » ou« vaper »). Ce liquide est un mélange de propylène glycol et de glycérine végétale, deux produits bien connus et propres à la consommation. Le liquide peut également être aromatisé et ces arômes peuvent rendre l’utilisation d’une cigarette électronique plus agréable qu’il n’y parait.

Réduction des risques financiers

Le marché de la cigarette électronique a rapidement pris de l’ampleur et pèse aujourd’hui 3 milliards de dollars. Il s’agit d’un marché dont l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) souhaiterait voir strictement réglementé, en dépit de son propre rapport qui affirme qu’ « il est très probable qu’en moyenne, l’utilisation des inhalateurs électroniques de nicotine soit à l’origine de plus faibles expositions à des substances toxiques que les produits combustibles. »

D’après l’OMS, 466 marques se partagent le marché de la cigarette électronique qui devrait voir son chiffre d’affaires multiplié par 17 d’ici à 2030. Aucun fabricant de cigarettes ou géant pharmaceutique qui se respecte ne peut bien entendu passer à côté d’un marché qui pèsera 50 milliards de dollars.

Les compagnies de tabac achètent les fabricants d’e-cigarettes afin de protéger leur territoire et nous avons vu la semaine dernière à quel point la relation qu’ils entretiennent avec le gouvernement est intime. Les groupes pharmaceutiques ne restent pas les bras croisés non plus. Si leurs thérapies de remplacement de la nicotine devaient devenir obsolètes, ils se doivent d’avoir une part de ce marché. Boots, le géant britannique de la distribution de médicaments, a déjà signé un accord exclusif avec Imperial Tobacco pour la vente de Puritane, une marque d’e-cigarette.

Aux Etats-Unis, le premier réflexe du régulateur a été d’interdire la cigarette électronique comme dispositif non-homologué d’administration de médicament. Une longue bataille judiciaire s’en suivit. Cette année, la FDA a jugé que la cigarette électronique n’était pas un médicament après tout mais serait plutôt réglementée au même titre que le tabac. De l’autre côté de l’Atlantique, la Commission européenne a rendu le même jugement.

Une société appelée Totally Wicked doit défier le dictat européen en 2015, mais il reste à voir si les régulateurs permettront aux e-cigarettes d’être réglementées en fonction de leurs mérites et non pas en vertu des lois pénibles qui régissent l’industrie du tabac et des médicaments.

L’idée d’une industrie privée dynamique, florissante et qui innove constamment est tout simplement inconcevable pour notre classe gouvernante.

Cette bataille est devenue absurde plus d’une fois. En Australie, un poids lourd du tabac a exercé une forte pression afin que la cigarette électronique soit considérée comme un médicament. Bien entendu, ce fabricant n’est pas aussi préoccupé par l’amélioration de la santé des fumeurs qu’il ne l’affirme. Après tout, il vend des substances cancérigènes à ces mêmes fumeurs. Alors, comment pourrait-il en tirer profit ? Les fabricants indépendants plus modestes seraient soudainement nettement désavantagés, étant donné qu’ils devraient faire approuver leurs produits pour une utilisation médicale. En attendant, Big Tobacco échapperait à l’interdiction de publicité qui s’en suivrait si les e-cigarettes devaient être considérées comme du tabac.

Un fabricant américain de cigarettes a pris un chemin différent. Il s’est également montré soi-disant préoccupé par la santé de ses clients, affublant ses emballages de cigarettes électroniques d’énormes avertissements. Après avoir résisté depuis toujours à l’étiquetage des cigarettes en matière de santé, les fabricants de tabac devancent tout d’un coup les régulateurs ? J’appelle ça du bluff.

La vérité est que les fabricants de tabac ne veulent pas que vous utilisiez leurs propres e-cigarettes car cela voudrait dire que vous arrêteriez donc de fumer du tabac, ce qui est mauvais pour les affaires. D’après la société d’études Euromonitor, le volume de vente global de cigarettes s’est stabilisé en 2008 et a commencé à baisser en 2012. Les fabricants de cigarettes ont maintenu le navire à flot en augmentant les prix. Ils n’aiment pas les produits qui génèrent moins de revenus.

« Nous sommes préoccupés par le potentiel de dépendance et d’abus de ces produits », a affirmé Rita Chapelle, une porte-parole de l’industrie du tab….de la FDA, pardon. « Nous ne souhaitons pas que le public les perçoive comme une alternative plus sûre aux cigarettes classiques ».

Le régulateur américain ne cite pas d’exemples précis de soi-disant risques posés par les cigarettes électroniques malgré le fait que des millions d’utilisateurs les utilisent dans le monde. La FDA affirme ne pas en savoir assez sur les e-cigarettes mais publie sans problème des avertissements liés aux risques pour la santé et affirme qu’elles ne sont pas sans danger. Très peu d’études appuient cette thèse et celles qui le font sont abjectes uniquement sur la base de leurs arguments. (Inhaler une substance réduit l’absorption d’oxygène ? Appelez le comité du Prix Nobel !).

[…] est absurde l’idée qu’un produit qui peut aider les fumeurs à arrêter doit être réglementé de la même manière que le tabac.

Certains fabricants plus modestes pourraient paraitre suspects mais une étude conduite sur 12 marques différentes d’e-cigarettes a décelé des traces de composés toxiques à un taux jusqu’à 450 fois inférieur à celui détecté dans les cigarettes de tabac. Les ingrédients étaient aussi sûrs que ceux contenus dans un inhalateur de nicotine. D’autres analyses effectuées sur les liquides ont montré que le seul composé toxique était la nicotine. La plupart des fabricants d’e-liquides ont volontairement étiqueté leurs produits comme toxiques, déconseillés aux femmes enceintes, interdits de vente aux enfants et très dangereux si avalés ou absorbés par voie cutanée.

Aussi clair que de la boue

L’idée que les e-cigarettes doivent être réglementées comme le sont les médicaments pour la simple raison que certaines personnes les utilisent pour arrêter de fumer est absurde. Tout comme est absurde l’idée qu’un produit qui peut aider les fumeurs à arrêter doit être réglementé de la même manière que le tabac.

En Afrique du Sud, le Pharmacy Council a refusé de soutenir les e-cigarettes en 2009, passant le dossier au Medicines Control Council (MCC). D’après un avis juridique publié par l’Association sud-africaine contre le cancer (CANSA), les e-cigarettes sont désormais réglementées comme des médicaments et ne peuvent être vendus qu’en pharmacie. Bizarrement, le même fabricant de cigarettes qui a fait pression pour obtenir la même décision en Australie a le quasi-monopole en Afrique du Sud.

Un autre avocat partage cet avis mais déclare que « … la nicotine, lorsqu’elle est vendue comme un substitut à un produit du tabac, sera considérée comme une substance S3, sauf si ce produit est homologué par le MCC après étude de son innocuité, qualité et efficacité (comme les patchs, les gommes à mâcher, les sprays buccaux et les lozenges). Toutes les autres e-cigarettes qui contiennent de la nicotine et qui sont utilisées comme un produit de substitution au tabac, homologuées ou non par le MCC, ne pourront dès lors être vendues que sur ordonnance ».

Aussi clair que de la boue. Ainsi, un même produit pourra être considéré, ou non, comme un médicament obtenu sur ordonnance, selon qu’il est utilisé ou non comme un produit de substitution au tabac ?

Naturellement, les vendeurs d’e-cigarettes ne décrivent pas leurs produits comme un produit de substitution au tabac, ni n’affirment qu’ils contribuent au sevrage tabagique. Ils ne sont pas autorisés à tenir de telles affirmations. Ce qui ne leur laisse qu’une seule autre option de marketing : faire passer le message que « vapoter » est cool, que vous fumiez ou non des cigarettes classiques.

Ceci, de manière ironique, ennuie les régulateurs pour diverses raisons : les e-cigarettes annuleront des décennies de « dénormalisation » étant donné qu’ils veulent que leurs campagnes stigmatisent et marginalisent le tabac. Et, malgré les preuves accablantes qui prouvent le contraire, les régulateurs affirment que les e-cigarettes pourraient servir de passerelle aux cigarettes classiques, voire même aux drogues plus dures, plutôt qu’un moyen contribuant au sevrage tabagique.

Ils sont prêts à dire n’importe quoi pour pouvoir justifier une réglementation.

Il va sans dire que se rendre chez son docteur pour obtenir une ordonnance afin d’arrêter de fumer est un obstacle pour de nombreuses personnes. Les médecins coûtent chers, tout comme ce qu’ils nous prescrivent.

D’après Jean-François Etter, chercheur à l’Institut de médecine sociale et préventive de Genève : « Etant donné que les médicaments à base de nicotine n’intéressent pas grand monde et ne sont que très rarement utilisés comme alternative à long terme au tabac, les fumeurs qui ressentent un besoin de nicotine sont contraints de fumer des cigarettes classiques en raison des lois en vigueur aujourd’hui. Ces lois sont responsables d’un désastre en matière de santé publique (700 000 décès liés au tabac recensés chaque année dans l’UE) et elles doivent être modifiées ».

A l’inverse, de nombreuses personnes achètent des cigarettes électroniques car il n’existe aucun stigmate médical sur ces dernières et elles ont l’air cools, propres et modernes. Elles sont totalement inodores et pratiquement sans danger pour l’entourage des fumeurs. Elles ont bon goût et les preuves montrent qu’elles contribuent au sevrage tabagique.

Cette preuve peut être assez spectaculaire. Des chercheurs belges ont testé ces dispositifs sur des personnes qui n’avaient aucune intention d’arrêter de fumer et ont découvert que 21% d’entre elles avaient arrêté de fumer et que 23% avaient réduit de moitié leur consommation de cigarettes. En comparaison, seuls 3 à 5% des fumeurs qui avaient l’intention d’arrêter y sont parvenus par leur seule volonté.

Une autre étude a montré qu’une certaine marque d’e-cigarettes a eu pour effet de réduire considérablement l’envie de fumer et était plus agréable à utiliser que les thérapies classiques de remplacement de la nicotine. Une enquête portant sur des milliers d’utilisateurs d’e-cigarettes a montré que presque tous les ont utilisés dans le but d’arrêter de fumer et 4 sur 5 anciens fumeurs craignaient une rechute s’ils arrêtaient de les utiliser.

Une enquête menée aux Etats-Unis a même eu des résultats plus impressionnants en démontrant que 31% des utilisateurs d’e-cigarettes avaient arrêté de fumer six mois plus tard et un tiers de ceux-ci n’utilisaient même plus de cigarettes électroniques. Plusieurs études de cas individuels confirment l’efficacité des e-cigarettes, même chez les fumeurs qui étaient incapables d’arrêter avec des produits classiques de remplacement de la nicotine et une aide au sevrage tabagique.

Il existe des études moins spectaculaires mais même la plus pessimiste a montré que les e-cigarettes étaient modérément efficaces et probablement plus que les patchs nicotiniques et les placebos.

Une étude sud-africaine, conduite en 2009, a montré que 45% des fumeurs avaient arrêté de fumer dans les 8 semaines après avoir commencé à utiliser les e-cigarettes et les médecins ayant participé à cette étude étaient unanimes en ce qui concerne leur innocuité et leur efficacité.

Je connais plusieurs personnes qui ont utilisé des cigarettes électroniques pour arrêter de fumer. En fait, je suis moi-même l’une de ces personnes. Pendant 29 ans, j’ai fumé un paquet de Camel sans filtre par jour. J’ai essayé différentes thérapies de remplacement de la nicotine mais sans succès et elles avaient un goût infect. Je les détestais.

Ces institutions devraient arrêter d’essayer de protéger les grands fabricants de cigarettes et les groupes pharmaceutiques et commencer à s’intéresser à la santé publique.

Début mars, j’ai acheté une e-cigarette et c’était le premier dispositif qui permettait d’administrer de la nicotine qui avait un goût agréable. Du point de vue mécanique, le dispositif était un peu complexe mais pas plus qu’une pipe. J’avais pris plaisir à l’utiliser. J’ai arrêté de fumer deux semaines plus tard. Pendant les premières semaines, je ressentais le besoin d’utiliser ma cigarette électronique mais après trois mois, j’ai remarqué que je ne l’utilisais que rarement, sans même faire d’effort pour arrêter. Aujourd’hui, ni les cigarettes classiques, ni les cigarettes électroniques ne me tentent.

Le Medicine Control Council, le Pharmacy Council, la FDA, la Commission européenne et l’Organisation mondiale de la Santé peuvent aller se cacher. Ces institutions devraient arrêter d’essayer de protéger les grands fabricants de cigarettes et les groupes pharmaceutiques et commencer à s’intéresser à la santé publique. Si elles étaient cohérentes, elles distribueraient les e-cigarettes comme des petits pains.

« Appliquer aux e-cigarettes des règles qui ont été conçues au départ pour les médicaments et les cigarettes traditionnelles serait disproportionné et aurait de graves conséquences sur la santé publique », déclare Jean-Francois Etter. « Si elles sont réglementées de manière intelligente, les e-cigarettes peuvent rendre obsolètes les cigarettes classiques. L’enjeu est de taille et nous devons faire les choses de manière juste ».

[…] les fabricants d’e-cigarettes ne sont pas autorisés à faire la publicité de cet atout majeur. Eh bien moi je peux et je le fais !

Il n’existe aucune preuve tangible qui démontre que la cigarette électronique pose un risque autre que la nicotine qu’elle contient. Il n’y a également aucune raison de penser qu’elle pourrait poser des risques à l’avenir. Elle est certainement préférable à la cigarette classique. Elle ne sert pas de drogue d’ « introduction », source de dépendance. La plupart des fabricants inclut volontairement les avertissements adéquats relatifs à la santé et indiquent les précautions à prendre en ce qui concerne la nicotine. Des preuves de plus en plus probantes montrent que la cigarette électronique contribue réellement au sevrage tabagique.

Pourtant, les fabricants d’e-cigarettes ne sont pas autorisés à faire la publicité de cet atout majeur. Eh bien moi je peux et je le fais ! Les e-cigarettes sont incroyables. Elles facilitent l’aide au sevrage tabagique. Parlez-en à vos amis. Parlez-en autour de vous. Et si la loi dicte que vous ne pouvez pas en acheter sans ordonnance, faites du trafic. Cette loi est ridicule.

A présent, que quelqu’un vienne m’arrêter, quelle que soit la loi que j’ai brisée pour arrêter de fumer !


Traduit de l’anglais d’après l’article original : Only Big Tobacco and Big Pharma want e-cig regulation