C’est le très sérieux magazine Marianne qui nous l’affirme : le mec a pipe est de retour. Au-delà de la bien compréhensible allégresse dont cela nous emplit, la question se pose, lancinante : était-il vraiment parti ?
« Ah ! Sans la pipe, que la vie serait aride ! »
Gustave Flaubert
Un problème à trois pipes
Sans la pipe, « la vie serait plus sotte et moins belle » répond Marianne à Flaubert dans l’introduction de son article. Et d’emblée, cela pose un texte : Flaubert, carrément ?
Il faut un sacré toupet pour ainsi répondre insolemment à l’un des plus grands esthètes de la langue française. Sans doute l’auteur avait-il au préalable suivi son précepte : après une bonne pipe, on se sent bien requinqué et plein d’allant. On se sent vidé, de ses doutes et de ses soucis, du moins.
C’est à une véritable élégie de la pipe que se livre le journaliste de Marianne dans la rubrique conso. Semblant au passage répondre à la question ancestrale : est-ce qu’une pipe c’est consommer ? Selon lui, oui, donc, et il se positionne en ce sens.
Il est vrai qu’en termes de pipe, la question de la position est cruciale. Là encore, le journaliste de Marianne a un avis : l’idéal pour une bonne pipe est d’être confortablement carré dans un fauteuil club. Tout en élégance, calme et propreté. Sur l’élégance, je laisserai cette question ouverte, tant elle est sujette aux préférences esthétiques de chacun. Sur le calme, cela dépend des circonstances.
Quant à la propreté… Tout appliqué que l’instant fut, le risque de tâches est bien réel. Et une tâche de pipe dans votre fauteuil est compromettante. Elle en dit long sur vous.
Minou, minou, minou !
C’est l’hypothèse défendue par cet article : la pipe revient en force parce qu’elle est sexy, élégante, est un signe de virilité chez l’homme et séduit de plus en plus de femmes. Ces dernières, d’ailleurs, « en auraient marre de la cigarette électronique et des minets qui vapent de la banane ».
Tiens, il faudra que je fasse lire ce passage à quelques personnes de mon entourage. Il n’est pas impossible qu’une délégation de bikers velus, de black métalleux satanistes et de routiers énervés demandent à l’auteur ce qu’il entend exactement par « minets ». Et accessoirement, ce qu’il a contre les bananes.
Tiens, quelques exemples de minets qui vapent : Arnold Schwarzenegger, Samuel L Jackson, Jack Nicholson, Nate Diaz (combattant Ultimate Fighting). Autant de mecs aussi crédibles dans le rôle du minet que Robert Pattinson dans celui de Batman.
Du coup, expliquer que les hommes qui prennent soin de leur santé en passant du tabac à la vape manquent de virilité, c’est un peu sport, pour le coup.
Au passage, on ne m’ôtera pas de l’idée qu’un homme qui explique aux femmes de quoi elles ont marre, c’est un coup à énerver les féministes, je dis ça, je dis rien. Décidément, le journaliste de Marianne n’a pas le coup pour se faire des amis, on dirait.
D’autant que j’en ai vu un bon nombre, des femmes qui amenaient leurs maris à la boutique de vape, et, jamais, aucune ne m’a dit : « j’en ai marre, il est trop viril, donnez-lui une cigarette électronique goût banane pour en faire une lope ». Ce serait plutôt : « j’en ai marre de sa toux du matin et de son odeur de chacal crevé, mettez-le à la vape qu’il retrouve une haleine de gentleman ».
Rien ne vaut une bonne pipe
Mais on rigole, on ironise, on désopile tant qu’on en oublie l’essentiel. Alors, amicalement, confraternellement, avec bienveillance, ami journaliste de Marianne, je te le demande : ça va pas, la tête ?
Entre le tabac, la pipe et le cigare, le moins dangereux, et les études sont toutes formelles, c’est s’en tenir loin. Comme le démontre cette étude, j’ai pris celle-là au hasard parce que c’est la première qui m’est tombée sous la main.
Oui, il y a moins de cancer du poumon chez les fumeurs de pipe. C’est juste parce que, statistiquement, les fumeurs de pipe commencent beaucoup plus tard que les fumeurs de cigarette. Sachant cela, inciter les jeunes à commencer la pipe, c’est pas malin, malin. Et décrédibiliser la vape, dont, justement, la dangerosité bien moindre vient en grande partie de l’absence de combustion, c’est (mot pas très poli retiré confraternellement).
Bon, c’est vrai, il faut faire une concession, la pipe, c’est élégant. Le grand, l’immense, le génial Sherlock Holmes lui-même en raffolait, n’hésitant pas à dire à Watson : « c’est un problème à trois pipes », priant ainsi le docteur de ne pas le déranger durant ce laps de temps. Et Conan Doyle sait si bien décrire les volutes de fumées embrumant la pièce tandis que, tapis au centre comme un trou noir au milieu de son disque d’accrétion, le cerveau du détective tourne à plein.
Mais il est mort de quoi, Sherlock Holmes ? On ne sait pas trop, en fait. Si ça se trouve, il est mort d’un truc rigolo qui touche les fumeurs de pipe : cancer du poumon, cancer de la gorge, cancer du palais ou des lèvres, et oui, ça existe.
Certaines études holmésiennes (ça aussi, ça existe) expliquent que si Sherlock Holmes n’a pas eu de cancer du fumeur, c’est uniquement parce qu’il est mort d’overdose avant. On est au moins sûr d’une chose, c’est que Holmes a fini célibataire. Pourtant, on pourra dire beaucoup sur lui, mais ce n’était pas un minet qui vape.
Tiens, on me souffle une idée : et si on essayait d’enfermer dans une boucle logique un journaliste de Marianne ? Voyons voir : donc, la pipe, c’est cool et élégant, tandis que la vape, ça fait minet. D’accord, mais et ça, alors ?
Goût banane, bien entendu, sinon c’est pas drôle.
Bref, cette histoire de pipe ne vaudra pas à son auteur les fellations, pardon, les félicitations du jury.
Cet article parodique n’engage que le point de vue de son auteur et ne représente pas forcément l’avis de la rédaction.