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Recyclage des fioles : Vape 4 Good fait le bilan et il n’est pas positif

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Après un an de tests et de recherches sur le recyclage des flacons d’e-liquide, Vape 4 Good dévoile ses conclusions. Un brin déçu, Ladislas Berthe, responsable du projet, nous dit tout.

Ladislas Berthe, responsable du projet Vape 4 Good

Où en est le projet Vape 4 Good aujourd’hui ?

Cela fera 1 an au mois de mars que nous avons démarré notre programme de recherche, financé par notre partenaire VDLV, pour recueillir des informations sur le recyclage des fioles d’e-liquides. Dans ce cadre, nous avons lancé en mars 2022 un programme pilote pour collecter des fioles d’e-liquides auprès de 25 enseignes volontaires, représentant 79 magasins, au sein de la région Bretagne/Pays-de-Loire. L’objectif de cette première phase d’analyse était de récolter des données sur la collecte de fioles afin d’établir une première évaluation du ratio de collecte possible et du bilan carbone de l’opération.

À ce jour, nous avons récupéré 1,4 tonne de fioles plastiques d’e-liquides de toutes sortes pour 3 000 km parcourus dans la cadre du ramassage auprès des magasins. Il ressort de cette étude que les magasins collectent en moyenne 2,3 kg de fioles par mois, avec toutefois de grandes disparités selon les boutiques. En effet, 20 % des boutiques ont collecté plus de 4 kg par mois, jusqu’à 7 kg pour les plus efficients, lorsque 20 % des magasins ont collecté moins de 1 kg par mois. Sur ces bases, par extrapolation sur la France entière, nous pouvons estimer une collecte nationale de l’ordre de 150 à 300 tonnes par an pour un gisement total estimé à 1 500 tonnes/an, soit un taux de retour des fioles de 10 % à 20 %.

Cette première phase d’analyse a fait apparaître un bilan carbone estimatif assez moyen, où plus de 20 % du potentiel bénéfique lié au recyclage (réduction des émissions de CO2 et économie de la ressource en pétrole brut) est consommé par l’activité de ramassage. Les faibles volumes collectés et le fait d’effectuer des trajets “à vide” pour récupérer les fioles auprès des magasins ne sont pas encore optimaux. À partir de ces fioles collectées, des tests de recyclage ont été effectués auprès d’experts industriels dans ce domaine et de nombreux freins ont été identifiés.

Aussi et avec regret, nous allons conclure notre programme d’analyse pilote de collecte comme prévu en mars 2023 et nous ne pouvons plus, en l’état actuel des informations recueillies à ce jour, entasser des fioles sans disposer d’une solution fonctionnelle de recyclage viable et cohérente.

Nous souhaitons remercier les magasins qui ont participé à cette étude et sensibiliser leur clientèle sur les questions environnementales. Nous allons donc communiquer sur les résultats et nous poursuivons nos travaux afin de fournir à la filière vape un discours clair sur le recyclage des fioles e-liquides, notamment le cas de la présence de nicotine.

La nicotine n’apparaît pas comme bloquante pour le recyclage de la matière plastique.

La nicotine est-elle toujours un problème concernant le recyclage ?

Pas autant que nous le pensions. Le “problème” nicotine était au centre de nos premières réflexions sur le recyclage. En effet, via notre partenaire, nous disposons d’une méthode permettant d’isoler la nicotine dans le traitement des eaux. Nous pensions pouvoir apporter une réponse concrète à cette problématique qui nous semblait être un des freins majeurs au recyclage. Dans un premier temps, nous avons cherché à savoir auprès d’un expert du recyclage plastique, si la présence des résidus de nicotine constituait un réel problème pour le recyclage et la réutilisation de la matière.

À ce titre, nous leur avons envoyé un échantillon de flacons collectés auprès des magasins pour analyse. Il ressort de cette étude que la nicotine n’apparaît pas comme bloquante pour le recyclage de la matière plastique, a minima, pour une réutilisation dans le domaine du textile “polyester recyclé”. En effet, au regard des volumes et des niveaux de résidus nicotinique, la station de traitement des eaux reliée au centre de recyclage interrogé est en mesure de traiter ce type de produit. La présence de nicotine rend toutefois complexe une réutilisation pour des bouteilles plastiques en raison du critère “qualité alimentaire”.

Toutefois, les technologies de recyclage de la matière ne cessent d’évoluer et certains experts nous ont indiqué qu’ils pourraient être capables d’en reproduire des bouteilles plastiques de qualité alimentaire. Nous avons été surpris de ce constat qui tranchait un peu avec nos certitudes passées et avons cherché à en savoir davantage concernant les règles concernant les déchets ménagers présentant des pictogrammes de danger (liquide vaisselle, déboucheurs, javel, solvants). Ce n’est pas simple d’y voir clair et nous avons dû faire face à un vrai jeu de piste de service à service, d’éco-organisme en éco-organisme, pour obtenir des éléments de réponses. Nous ne pouvons que regretter le manque de transparence et d’intérêt des différents organes interrogés. Même l’Ademe, experte référente sur ces questions, ne nous a pas répondu malgré plusieurs relances… nous continuons à interroger les autorités compétentes sur ce sujet et ce n’est pas simple d’obtenir une réponse argumentée.

Dans le cadre de nos recherches, nous avons découvert qu’une liste des déchets ménagers dangereux (filière DDS – Déchets Diffus Spécifiques) a été établie par l’arrêté du 1er décembre 2020, et l’e-liquide ou la nicotine ne rentre dans aucune des cases. En gros, l’ECODDS, en charge du traitement de ces produits et de leurs emballages, nous a indiqué ne pas traiter ce type de produit, car il n’était pas dans la liste. Donc par opposition, ces produits seraient destinés à la poubelle jaune. Les règles d’affectation des déchets des produits ménagers dangereux sont assez floues.

Pour faire simple, si le produit est d’usage courant (liquide vaisselle, eau de javel) son traitement peut être effectué dans le cadre du tri courant. À défaut, les produits moins fréquents (peinture, solvants, déboucheurs, désherbant) doivent être pris en charge en déchèterie, bien que ces produits présentent tous un pictogramme “danger”. Vous comprenez aisément que ce n’est pas simple et malheureusement personne ne semble vouloir se mouiller sur ce sujet. Nous cherchons désormais à obtenir une décision claire des pouvoirs publics pour notre filière.

Il apparaît que l’évaluation de la dangerosité des déchets est de la responsabilité des producteurs. Il leur revient de justifier que leur déchet satisfait aux critères d’acceptabilité. Aussi, la prochaine étape est de faire analyser les déchets issus de la vape, conformément aux règles définies par le code de l’environnement, pour pouvoir trancher sur ce point. Toutefois, ce que nous pouvons retenir, c’est que la nicotine n’apparaît pas comme le frein majeur au recyclage des fioles.

Des volumes trop faibles, des fioles trop petites, des machines pas adaptées et un important risque incendie à ne pas négliger.

Quels sont les freins au recyclage des fioles ?

Le programme pilote nous a permis d’identifier plusieurs freins au recyclage. Le premier frein identifié sur l’ensemble de la chaîne de recyclage, et sans aucun doute le plus bloquant, est le petit calibre des flacons d’e-liquide. Les chaînes industrielles de tri et de broyage fonctionnent via divers tapis roulants, alimentés par des “balles” de plastique compressées. Il a été observé que les fioles étaient systématiquement rejetées dans le process en raison de leur petite taille. Il est presque impossible de maintenir les fioles compressées dans des balles cerclées et les chaînes existantes ne sont pas adaptées pour ces petits éléments qui sont rejetés avec les autres déchets non recyclables ou valorisables énergétiquement (combustion pour énergie). Sur ces bases, l’industrialisation semble difficile.

La possibilité serait de réaliser une insertion manuelle des fioles dans le broyeur via un opérateur. Cette solution paraît peu probable au regard de la tâche à effectuer. Une autre solution serait de créer des machines sur mesure pour petit calibre dont le coût serait exorbitant pour les volumes à traiter. À titre d’information, les petites broyeuses industrielles sont capables d’engloutir plus de 500 kg/h (1 000 tonnes/an) soit bien plus que les volumes que nous pourrions attendre sur une collecte nationale (rappel : 150 à 300 tonnes/an).

Un autre frein important est le volume trop faible pour industrialiser qui ne permet pas la viabilité économique du projet. En effet, la simple revente des paillettes plastiques recyclées ne permet pas à plus de 10 % le financement d’une solution durable, étant entendu qu’une écotaxe est déjà exigée et qu’il semble très difficile pour le moment d’en récupérer une enveloppe pour le développement d’une telle solution. Des volumes trop faibles, des fioles trop petites, des machines pas adaptées et un important risque incendie à ne pas négliger.

En effet, lors de notre programme pilote, nous avons trié manuellement et à l’aide d’un prototype les déchets collectés et nous avons pu observer la présence de batteries au lithium-ion hautement inflammables, surtout en contact de résidus de liquide. Cela impose un haut degré de performance et de sécurité à mettre en place pour le traitement de ces déchets.

Enfin, la collecte des fioles n’est pas optimale sur le plan carbone en raison des faibles volumes, ce qui a un impact sur le coût et le bilan carbone total de l’opération.

Que deviennent les fioles collectées ?

Pour le moment, les fioles collectées sont stockées chez notre partenaire dans l’attente d’une solution efficiente de traitement. Ce stock nous sert à envoyer des échantillons auprès de différents professionnels pour effectuer des tests de recyclage. Nous cherchons toujours des solutions afin d’éviter d’envoyer ces fioles à l’incinérateur.

Démonter une puff de manière industrialisée relève de la mission onéreuse et risquée.

Qu’en est-il du recyclage des puffs ?

Inonder le marché de produits jetables, d’une durée de vie de quelques jours, contenant des batteries au lithium rechargeables est un non-sens écologique par nature. Il est souvent évoqué que les puffs sont “recyclables”.

D’un point de vue théorique, une grande partie des éléments constituant une puff pourrait être recyclée (batteries, plastiques, circuit imprimé, mousse). Toutefois, il est très complexe de pouvoir isoler ces éléments indépendamment les uns des autres pour pouvoir les recycler. En effet, démonter une puff de manière industrialisée relève de la mission onéreuse et risquée.

Bien qu’il existe à ce jour des programmes de collecte de puffs, ces dernières ne sont pas recyclées. Il est important de distinguer la collecte du recyclage. Certains programmes de collecte se limitent à remplir des conteneurs de déchets pour les envoyer à l’étranger et faire disparaître le problème. Il y a très peu de traçabilité du déchet à l’international et malheureusement ces pratiques sont trop fréquemment observées et trompeuses pour le consommateur.

Représentent-elles un danger ?

Oui ! Les batteries au lithium-ion contenues dans les puffs sont hautement inflammables. Il s’agit souvent de batteries bas de gamme pour des raisons évidentes de coût (car jetables) ne présentant pas les mêmes qualités en matière de sécurité. Pour bien comprendre ce risque, il faut avoir en tête que les batteries au lithium sont la 1re cause d’incendie dans les centres de tri avec des départs de feu quasi journalier. Ces batteries se retrouvent à tort dans des poubelles jaunes (livres et cartes postales électroniques, puffs jetables) et entraînent des départs de feu lorsqu’elles sont manipulées sans les précautions nécessaires.

Concernant les fioles d’e-liquides, pourquoi ne pas mettre un système de consigne en place ?

La consigne améliorerait considérablement le taux de collecte. Toutefois, le problème de leur traitement serait le même. Pour bien faire, il faudrait consigner les fioles et qu’un opérateur enlève manuellement l’opercule (goutte à goutte) afin d’obtenir des bouteilles potentiellement rinçables et réutilisables en l’état sans broyage.

Cela n’enlève toutefois pas les problèmes de la petite taille difficilement adaptable à l’industrialisation, des volumes en eaux souillées considérables et de la conformité de la qualité alimentaire exigée pour le reflaconnage qui serait trop risquée pour la filière. Nous pourrions envisager de revenir à des flacons en verres réutilisables. Toutefois, il faut avoir en tête que le verre est beaucoup plus lourd que le plastique et cela impacte directement le bilan carbone lors du transport et parce que la refonte du verre est très énergivore en combustible fossile (environ 330 litres de pétrole pour un seul mètre cube de verre).

Que les fioles soient jetées dans la poubelle jaune ou la poubelle classique, elles seront, dans tous les cas, détruites ou brûlées.

Peut-on mettre les fioles d’e-liquide dans les poubelles de tri personnelles et que deviendront-elles ? Quels avantages y a-t-il à les mettre dedans ?

Pour les flacons n’ayant pas contenu de la nicotine, il est possible de les jeter dans la poubelle jaune. Toutefois, comme nous l’avons expliqué dans les freins liés au recyclage, ces flacons seront valorisés énergétiquement (brûlés) mais ne seront pas proprement recyclés, et vu le contexte international de l’énergie, on n’est vraiment pas sur un axe d’amélioration…

Au sujet des flacons ayant été en contact avec la nicotine, les messages sont contradictoires. Dans le cadre de l’extension des consignes de tri, et si on écoute les éco-organismes des emballages ménagers, c’est : “Tous les plastiques dans la poubelle jaune”. Le sujet d’une éventuelle contamination des autres déchets par la nicotine ne semble pas être un sujet. Certains préconisent ainsi de bien rincer les fioles avant de les jeter dans la poubelle jaune pour éviter ce type de contamination. Ceci n’est guère mieux, car il renvoie la nicotine dans les milieux aquatiques, une aberration pour la faune.

De ce que nous avons observé, que les fioles soient jetées dans la poubelle jaune ou la poubelle classique, elles seront, dans tous les cas, détruites ou brûlées, parce que les dispositifs de recyclage existant ne sont pas adaptés à ces petits formats. Nous continuons nos travaux pour obtenir une réponse tranchée des autorités sur ce sujet afin de pouvoir informer et orienter correctement les consommateurs.

Pourquoi ne pas créer une usine dédiée ?

Cela faisait partie de notre projet : créer une usine dédiée avec retraitement de la nicotine. L’étude de ce cas a fait apparaître de nombreux points bloquants : la nécessité de prévoir un tri performant et sécurisé pour limiter le risque incendie des batteries, des machines surdimensionnées pour les volumes, créer de nouvelles machines sur mesure pour pouvoir accepter les fioles d’e-liquides, des volumes trop faibles pour être rentable à partir de la seule revente des paillettes plastiques recyclés… Il nous semble très difficile, en l’état, de pouvoir financer une telle installation, étant entendu qu’une écotaxe est déjà exigée auprès des fabricants d’e-liquide.

Au regard des volumes concernés et des spécificités propres à la vape (nicotine, petite taille de flacons), nous manquons de considération pour le moment.

Que devient l’argent de l’écotaxe payé par les fabricants d’e-liquide ?

Il s’agit d’une bonne question. Pour avoir une idée, Citéo (éco-organisme des emballages ménagers) collecte près de 800 millions d’euros chaque année, permettant de financer l’équipement des foyers en bac de tri, la sensibilisation au geste de tri, la collecte et le ramassage ainsi que les opérations en centre de tri. Cet argent est censé servir à développer des solutions de recyclage adéquates pour les emballages ménagers.

Nous nous sommes donc interrogés sur ce point où il serait opportun de pouvoir récupérer cette taxe afin de développer une solution propre à la filière vape. La tâche n’est pas aisée tant ces éco-organismes sont devenus puissants et en lien étroit avec les pouvoirs publics. Nous aurions pu espérer travailler ensemble pour trouver des solutions adaptées.

Toutefois, au regard des volumes concernés et des spécificités propres à la vape (nicotine, petite taille de flacons), nous manquons de considération pour le moment. Ils commencent à s’intéresser à ces plastiques de “niches” mais les solutions ne seront pas pour tout de suite.

Peut-on espérer un recyclage dans les années à venir ?

Nous l’espérons vivement ! Nous pouvons rappeler que dans la loi AGEC, il est inscrit un objectif de recyclage de 100 % des emballages plastiques à usage unique d’ici janvier 2025, avec un minimum de 70 % de valorisation énergétique pour les non recyclables. Pour satisfaire à ces objectifs, il se murmure des bennes dédiées aux déchets plastiques en déchèterie pour améliorer son traitement. Cela ne corrigera pas le problème des trop petits calibres pour les fioles d’e-liquides, mais nous ne désespérons pas de pouvoir travailler conjointement avec l’un de ces grands experts pour trouver une meilleure solution que la valorisation énergétique. Seule, la tâche semble démesurée.

Nous allons poursuivre notre veille sur l’avancée des techniques de recyclage pour être le plus réactifs possible dès qu’une solution durable émergera pour la filière.

Que va devenir Vape 4 Good maintenant ?

Je ne vous cache pas que nous aurions préféré vous annoncer prochainement le développement d’une solution à l’échelle nationale pour le recyclage des fioles d’e-liquides.
Nous avons fait l’exercice d’essayer et malheureusement de trop nombreux points sont bloquants à ce jour pour l’industrialisation d’un système de recyclage des fioles d’e-liquides, notamment les questions de réglementation des installations classées et d’assurance du risque.

Concernant le sujet de la nicotine, nous poursuivons nos démarches pour tenter d’obtenir un avis tranché de la part des autorités afin d’apporter à la filière vape un discours clair et précis sur les pratiques à suivre. Enfin, nous allons poursuivre notre veille sur l’avancée des techniques de recyclage pour être le plus réactifs possible dès qu’une solution durable émergera pour la filière.

Les liquidiers doivent-ils mentionner obligatoirement qu’il faut jeter les fioles dans la poubelle de tri ?

Oui. Depuis le 1er janvier 2023 et dans le cadre de l’extension des consignes de tri, il est fait mention que les emballages ménagers de produits potentiellement dangereux et non inflammables (mais non déchets diffus dpécifiques) doivent porter la “problématique” mention suivante : (Triman + consigne de tri). Pour finir, nous rappelons que les entreprises productrices doivent se conformer à leur REP (responsabilité élargie des producteurs) qui impose désormais un grand nombre d’obligations qui seront prochainement contrôlées) et ce pour la totalité des produits de la filière, nicotinés ou non.