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Quelle place pour les buralistes dans la vape indépendante ?

Mis à jour le 14/08/2024 à 12h38
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La guerre fait rage entre deux chapelles, au sein de la communauté de la vape : faut-il ou non écarter les buralistes du marché de la vape indépendante, par opposition à la vape des cigarettiers, ou faut-il les inclure, quitte à faire de la concurrence aux boutiques ? La question est complexe et va au-delà de postures idéologiques.

La vape chez les buralistes

Verra-t-on encore des carottes demain, et si non, est-ce dommage ? 

On l’a vu dernièrement, à Losange Expo, le salon des buralistes : des fabricants de vape indépendants (entendez indépendants de l’industrie du tabac) qui y exposent, proposant leurs produits, ou des gammes créées spécialement, aux buralistes.

Il y a ceux qui poussent des cris d’orfraie, soulignant la trahison que cela représente vis à vis des boutiques de vape qui ont permis à ces entreprises de grandir et de prospérer. Et ils ont raison. Et il y a ceux qui soulignent que, si cela peut amener la vape à se développer et aider à vaincre le fléau du tabagisme, c’est une bonne chose. Et ils ont raison aussi. Ceci résume tout le paradoxe. Et il y a ceux à qui la loi donne raison. 

Peut-on refuser de vendre à un buraliste quand on est un professionnel du vapotage ?

Parce qu’il y a une chose sur laquelle tous les défenseurs de la vape indépendante s’accordent, l’ennemi, c’est le tabac fumé. Et, maintenant qu’il est clair que les cigarettiers n’ont aucune intention de cesser de fabriquer des cigarettes tant qu’ils auront la possibilité d’en vendre, de facto, ils ne peuvent pas être considérés, d’un point de vue moral, comme des acteurs de santé publique.

Plus encore, l’industrie du tabac mène actuellement une campagne, mêlant communication et lobbyisme, en faveur des systèmes fermés, à savoir les pods à cartouches scellées, en surfant sur la récente vague américaine.

Il semblait étonnant de la part des cigarettiers, qui se sont partagé le marché entre une poignée de multinationales puissantes, d’accepter soudain d’être mis en concurrence avec des PME. Il semble que ce ne soit pas le cas. En faisant du lobbying en faveur de lois inapplicables, puisque trop onéreuses, pour des petites entreprises, l’intention est claire : les faire mourir, et racheter celles qui restent.

Mais en quoi ces grandes manœuvres concernent les buralistes ? Et bien elles font d’eux les faiseurs de rois.

Buralistes, au cœur du problème

Les buralistes sont un réseau très bien développé, qui connaît la crise. En partie à cause de l’augmentation du prix des cigarettes, en partie à cause de l’explosion des trafics, et en grande partie à cause du miracle de la vape.

Et les buralistes eux-même, à différents niveaux, sont en demande. Ils savent, eux, que le vapotage, c’est l’avenir, et que le tabac est voué à disparaître, à plus ou moins long terme. Ils savent aussi, à divers stades de lucidité, que si leur métier n’évolue pas, ils seront demain une profession anecdotique et moribonde, comme les merciers, les rémouleurs…

De quoi faire vivre quelques artisans folkloriques, mais pas de quoi alimenter 25 000 points de vente.

C’est là que se pose la question stratégique : parce que la vraie question n’est pas de savoir si ils vont vendre de la vape, mais laquelle ? L’indépendante, ou celle des cigarettiers ? Ces derniers ont bien saisi l’enjeu, en proposant des concept-stores dédiés à leur marque.

Les “buravapeshops” selon British American Tobacco

Il est facile de dire « les buralistes ont vendu des cigarettes, excluons-les de la vape ». Ce serait une posture morale tout à fait compréhensible : après tout, le fabricant de la cigarette qui tue le fumeur partage la responsabilité avec celui qui la vend. Mais il existe une autre posture morale, également, qu’il serait utile de considérer : le droit à la rédemption.

Les cigarettiers sont des colosses aux pieds d’argile : ils ont une force de frappe, en termes de communication, de lobbyisme, de marketing, assez impressionnante, et des finances qui défient l’imagination. Mais ils ont aussi une faiblesse : leurs actionnaires. Tant que ces derniers auront une visibilité sur la rentabilité, ils resteront à bord. S’ils n’en ont plus, ils quitteront le navire, qui sera fragilisé, avant de couler faute de crédibilité financière à long terme.

Le déclin de la cigarette est compensé par des promesses sur les futurs bénéfices de la vape pour les cigarettiers. Ceci, grâce à deux hypothèses : pouvoir s’appuyer sur un réseau de distribution établi, les buralistes, et sur un lobbying puissant auprès des instances nationales et supranationales.

Et si le réseau de distribution ne les suivait pas, mais au contraire, hâtait le déclin du tabac en se tournant vers le tout vape ? En d’autres termes, si la vape indépendante tendait la main aux buralistes, en échange de la promesse qu’eux-même tourneraient le dos aux cigarettiers ? Utopie ? Peut-être. Mais certains ont décroché la carotte de leur commerce pour se consacrer exclusivement à la vape. Et ils s’en portent très bien. Cela peut-il fonctionner à grande échelle ? Il n’y a qu’un moyen de le savoir. Et pour cela, il faut créer l’envie.

Et les boutiques de vape ?

La question dès lors se pose : et les boutiques de vape ? Si tous les buralistes se mettent au vapotage, cela va créer un afflux de concurrents qui mettrait à mal le réseau. Oui, mais… Mais les buralistes eux-même ont déjà intégré l’idée que leur réseau était appelé à décroître. L’idée que les 25 000 points de vente d’aujourd’hui ne seront plus que 12 000, d’après certaines estimations, fait son chemin. Et la prévalence tabagique est telle aujourd’hui en France, malgré le nombre sans cesse croissant de vapoteurs, qu’il y a assez de place pour des commerces qui ne seraient pas monoproduit.

De la casse dans les boutiques de vape ? Il y en aurait. Mais il est possible de trouver un équilibre de marché entre des ex-buralistes généralistes et des boutiques spécialisées. C’est, du moins, une piste à explorer.

Et ceci est sans commune mesure avec la casse qui se produirait si l’industrie du tabac réussissait à imposer ses normes à l’Europe. Les pods à cartouches scellées auraient toute leur place entre les jeux à gratter et les cigarettes traditionnelles, mais ne suffiraient certainement pas à faire vivre un réseau de 2500 boutiques qui doivent leur existence aux systèmes ouverts.

Clairement, la question qui se pose ici n’est pas de comment sauver toute le monde, parce que ce ne sera pas possible. La vraie question, c’est le choix du meilleur rapport bénéfice/coût. 

Si la mise à l’écart des buralistes par le marché de la vape indépendante peut se comprendre sous son aspect militant et éthique, le nuancer est important lorsqu’on aborde le sujet d’un point de vue strictement pragmatique.

N’hésitez pas à enrichir le débat avec vos pensées, réflexions et positions. Merci simplement de garder à l’esprit qu’une opinion n’est pas une vérité, et que la courtoisie est de mise dans tout échange d’idées.

Cet article d’opinion n’engage que le point de vue de son auteur et ne représente pas forcément l’avis de la rédaction.