Il est temps pour l’article du vendredi, destiné à vous faire rire, d’aborder la relâche estivale, afin de mieux revenir à la rentrée, bronzé et inspiré. Notre saga de l’été sera plus sérieuse : la vape est-elle compatible avec les grands mouvements philosophiques ? Non, ne partez pas, c’est pas aussi barbant que ça en a l’air…
Il a oublié d’être c.. fucius
“Puissiez-vous vivre des temps intéressants” est une antique malédiction chinoise qui…
Oui, oui, une malédiction, qu’est-ce qui vous ennuie ? Oh, c’est une antique malédiction très polie, parce que la Chine antique était une société très policée. On y enseignait le confucianisme, et le confucianisme se distinguait par deux caractéristiques : sa subtilité infinie et son conservatisme féroce.
“Puissiez-vous vivre des temps intéressants” est, de fait, une malédiction : dans l’idéal confucianiste, rien ne valait une époque stable où l’homme pouvait se consacrer à l’étude de la beauté des choses immuables. Des temps inintéressants parce que rien ne s’y passait, ce qui ne signifiait pas une vie inintéressante, puisque consacrée à l’élévation spirituelle du soi.
Du moins, surtout dans le néo-confucianisme, si vous étiez nanti. Le nanti seul pouvait espérer prospérer dans la haute société confucianiste, et lorsqu’il voyait, par exemple, un paysan chercher à s’élever plus haut que sa condition, le nanti social perdait son sang-froid.
Le confucianisme, ou “enseignement des lettrés” en Chinois, venait du philosophe Confucius, en version originale Kongfuzi, “Maître Kong”, qui considérait que les lettres étaient ce qui distinguait l’élite de la plèbe. Ainsi, il lui semblait anormal qu’un paysan eût pu réciter des vers, alors qu’il lui paraissait indispensable qu’un comptable le susses. Du moins, tel est le portrait qui en a été dressé sous Mao, qui n’était pas un fervent du confucianisme.
L’interprétation est très différente selon les spécialistes. Certains considèrent que le confucianisme, pendant deux mille ans, fut la cause de la grandeur de la Chine, alors que d’autres le voient comme un frein, au contraire.
La vape est elle confucianiste ?
Si vous êtes vapoteur, et surtout si vous êtes vapoteur militant, nul doute que vous vivez des temps intéressants : attaques diverses et variées contre la vape, dans les médias, chez les décideurs, grands mouvements dans le tabac, législations bizarres à travers le monde…
Du changement en cours, oui, mais pas toujours positif. Des temps intéressants, vous dis-je.
Une autre caractéristique du confucianisme, et plus encore du néo-confucianisme, est la hiérarchisation poussée : les puissants décident pour les faibles, et chacun reste à sa place. Dès lors qu’on s’oppose aux politiques des puissants, c’est râpé. Or, c’est une caractéristique de la vape, c’est que les vapoteur ne se laissent pas faire.
A ce propos, je cherche du pognon pour financer une étude sur le lien entre la nicotine et le mauvais caractère, essentiellement ciblée sur quelques personnes de ma connaissance. A vot’ bon cœur, messieurs-dames.
Mais d’une façon générale, les confucianistes auraient vu d’un très mauvais œil l’apparition de la vape et tous les bouleversements qu’elle a apporté au tabagisme dans le monde. Ils se seraient sentis maudits, et les malédictions ont ceci en commun qu’elles ont tendance à casser les pieds.
Donc, non, la vape n’est pas confucianiste. La semaine prochaine, nous nous demanderons si elle est platonicienne, ou à la rigueur socratique.
L’auteur s’excuse par avance auprès des spécialistes du confucianisme pour les erreurs, approximations et abominations qui auraient pu se glisser ici ou là. C’est pas moi, c’est Mao.