On ne songe jamais, en regardant toutes ces jolies photos de mods, d’atomiseurs ou de bouteilles de liquides, au rude labeur qu’elles dissimulent. Photographe de vape, c’est plus qu’un métier ou un passe-temps : c’est un sacerdoce qui exige rigueur, don de soi, souplesse, et un bon teinturier.
Photographe de vape, un moine
Contemplez, si vous le voulez bien, un atomiseur. Si vous êtes en train de lire Vaping Post, statistiquement, c’est que vous appartenez à cette catégorie de gens appelés les vapoteurs, qui ont au moins un atomiseur à portée de main. Si vous n’êtes pas encore vapoteur, mais toujours fumeur, lancez-vous avant. Vous trouverez plein de conseils ici, et votre bonheur en magasin. Ne vous inquiétez pas, on vous attend, l’article sera toujours là à votre retour.
Où en étais-je ? Ah, oui : prenez un atomiseur. Certes, je pourrais dire votre atomiseur, mais certains en ont plusieurs, et j’ai tendance à m’adresser à ceux-là, les plus riches, un côté snob dont il faudra que je me défasse un jour. Prenez un atomiseur, donc, on y arrive, et regardez-le. Bon.
On en a vite fait le tour, n’est-ce pas ? Une fois qu’on sait à quoi il ressemble en dehors et en dedans, ce n’est pas palpitant, même si il est joli. Il suffit de parcourir groupes et forums : on ne voit pas des pages et des pages de discussion sur le délicat arrondi du top-cap ou le biseau à l’angle parfait de l’air flow. D’accord, certains le font, mais leurs docteurs sont formels : un jour, ils iront mieux.
Parce qu’un atomiseur, ce n’est pas l’objet le plus fascinant à regarder, même si il est joli, encore moins s’il est laid, comme le Flash e Vapor par exemple (dont le design, paradoxalement, est un des plus commenté sur les forums, essentiellement sur le thème « C’est incroyable comme il marche bien, dommage qu’il soit si moche »). Ce qu’on veut, c’est savoir comment il vape.
C’est là qu’arrive le photographe vapologique. Son boulot à lui, c’est de faire en sorte que vous regardiez cet atomiseur comme si c’était un tableau de Vermeer. Pour vous le faire acheter, si il s’agit d’un photographe professionnel, ou juste pour le plaisir, s’il s’agit d’un amateur.
Admirez ce tableau, le célèbre “La laitière” de Vermeer. Notez l’ourlé subtil de l’étoffe, le dégradé délicat des couleurs, la lumière diffuse qui fait basculer le tableau du réalisme vers l’onirisme transcendant ce moment banal pour en saisir la fugitive éternité. Notez, en un mot, tout le talent que le peintre déploie pour vous donner envie de bouffer un yaourt.
Interlude : Accusations graves
Quoique… Je profite de l’espace d’expression que m’offre Vaping Post, souvent à l’insu de leur plein gré, pour lancer des accusations graves.
En effet, je soupçonne fortement que les photographes de vape amateurs qui postent leurs œuvres sur les réseaux sociaux y dissimulent un message qui révèle, lorsqu’on sait le décrypter, toute l’étendue de leur sournoise malfaisance.
Prenons un exemple au hasard : un gars qui photographierait le Skyline au bord de l’eau. Ca donne une jolie photo de Skyline, qui est un joli ato, au bord de la mer, qui est un joli paysage. Mais, quand on sait le décrypter, le message dit tout autre chose. Il dit « Je photographie le Skyline parce que j’en ai eu un, alors que toi, tu as encore loupé le batch, et en plus, je le photographie en bord de mer, parce que j’habite là ou tu rêves d’aller en vacances. » Et on serait presque tenté d’y ajouter, pour parachever le travail, « Nananère ».
Et ça, je le dis comme je pense aux photographes de vape, franchement, les gars, c’est pas bien.
Tourné vers Shenzen
Mais trêve de plaisanterie : la photographie de vape est, plus qu’une passion, un sacerdoce, le mot n’est pas trop fort, tant les amateurs y consacrent leur foi et leur énergie comme d’autres entrent en religion.
Observons, si vous le voulez bien (j’espère que vous le voulez, parce que c’est tout de même l’objet de cet article. Si vous êtes en train de lire tout ceci alors que ça ne vous intéresse pas, il faut vous inquiéter. Et je ferme cette parenthèse quand je veux) cet homme en train de photographier son set up en bord de mer :
Vous observerez qu’il est dans la position dite « du prosternant ». Son orientation est choisie en fonction de deux critères : si il est bon, il se tournera en fonction de la direction de la lumière, afin d’avoir la meilleure mise en valeur de l’objet. Si il est vraiment très bon, il se tournera vers Shenzen, la Mecque des vapoteurs, et pour la lumière, pas grave, il se débrouillera.
A la fin de la journée, il aura une bonne photo, voire deux ou trois si la session a été faste, mais aussi les genoux et les coudes mis à vif par le sable, les articulations douloureuses, des vêtements incrustés de sable et bon pour le pressing, et des chaussures foutues s’il n’a pas fait attention au sac et au ressac.
Heureusement, ces efforts ne seront pas fait en vain, puisque cette journée d’intense prise de vue lui rapportera le bénéfice colossal de 7 « like » sur Facebook, qui lui permettront de nourrir sa famille pendant… Ah, pardon ? On me fait signe que sa famille est déjà morte de faim.
Ah, j’oublie : ajoutez à cela le droit de s’acheter un mod tout neuf, parce que généralement, sable et électronique font assez peu bon ménage. Ce qui est un mystère quand on y pense, puisque tous les deux sont basés sur la silice.
Bref, photographier sa vape, ce n’est pas à la portée du premier venu, tout cela, bien souvent, juste pour le plaisir d’illustrer une citation de l’Ecclesiaste : Vanitas vanitatum, omnia vanitas.