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Le vapotage et l’INCa : retour sur une conférence axée santé publique

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Les 5 et 6 décembre derniers, l’Institut national du cancer a organisé une conférence internationale sur la cigarette électronique, à Paris. L’équipe d’Ingésciences, qui était sur place, revient sur cet évènement scientifique dédié à la vape.

L’Institut du national du cancer et le vapotage

Depuis plusieurs années, l’institut national du cancer (INCa) œuvre à coordonner la recherche scientifique autour de la lutte contre le cancer, que ce soit par des missions curatives, mais aussi préventives en incluant la lutte contre le tabagisme. Par cette mission, l’INCa a besoin d’identifier les leviers permettant de réduire la consommation de tabac et, de manière légitime, il se questionne sur le rôle du vapotage. L’objectif central de ce colloque était d’apporter des éléments de réponses sur l’impact sur la santé des produits du vapotage, mais aussi de comprendre comment ils sont et pourraient être utilisés. Autour de ce thème assez large, des acteurs de la recherche scientifique publique, mais aussi de l’industrie indépendante des produits du vapotage de plus de 30 pays se sont réunis pour présenter leurs travaux et échanger librement.

Les pour et les contre

Comme l’a rappelé le Dr Maciej L. Goniewicz, les conséquences toxicologiques du vapotage sont un sujet qu’il est possible d’étudier à différentes échelles. Mesure des composés présents dans les produits, ceux émis durant la vaporisation jusqu’à l’observation d’effets de la vape sur les consommateurs en passant par son impact cellulaire ou sur les organes. Il a également illustré que la notion de “risque du vapotage” peut être une notion absolue (par rapport à l’air) mais aussi relative (par rapport à la fumée de tabac) et qu’elle dépend de l’échelle d’observation considérée. De cela découle la difficulté d’aboutir à un avis tranché à la question : la vape est-elle bénéfique pour la santé publique ?

Le fumeur est une personne vulnérable, dont il est nécessaire de comprendre les besoins et les attentes.

Présentée en clôture de l’évènement, cette conférence est à l’image des échanges et des opinions divergentes exprimées pendant ces deux jours. Mitch Zeller, ancien directeur de la Food and Drug Administration (États-Unis), a expliqué que pour consommer de la nicotine, le vapotage a sa place entre les produits chauffés et les patchs sur une échelle de réduction des risques. Reinskje Talhout, du National Institute for Public Health and the Environment (Pays-Bas), y a présenté la démarche de son pays pour réduire l’attractivité des produits du vapotage en limitant les arômes aux saveurs tabac. Saveurs qui seraient les plus utilisées par les adultes et les moins appréciés des jeunes. Maria Melchior, de l’Inserm, a conclu que le vapotage est efficace pour aider les fumeurs à quitter le tabac dans des essais aléatoires en double aveugle, mais que cela restait incertain dans la réalité, pointant le nombre important de “dual users” (vapofumeurs, ndlr). À la fin de sa présentation sur le rapport du Public Health England dont elle est la principale contributrice, Ann McNeill (King’s College London) a rappelé que le fumeur est une personne vulnérable, dont il est nécessaire de comprendre les besoins et les attentes. Elle a insisté, très justement, sur le fait que son objectif final est d’aboutir à un monde sans consommation de tabac et pas nécessairement sans consommation de nicotine, notamment lorsqu’il existe une façon de la consommer largement moins risquée.

Finalement, cette conférence a été un lieu d’échange d’opinions sur l’intérêt du vapotage sans pour autant discuter d’une stratégie globale de lutte contre le tabagisme.

Complexité du marché

Plusieurs présentations ont également discuté de la diversité de la pratique de la vape (les différentes générations de dispositifs, la multitude d’e-liquides disponibles et l’unicité des comportements) comme une complexité, particulièrement lorsqu’il faut émettre un avis, prendre une décision sur le sujet ou recommander cette pratique. Cela a été illustré aussi bien pour un praticien que pour la recherche, qui doit conduire des essais cliniques afin d’évaluer l’efficacité de ces produits en tant qu’outil de sevrage, comme l’ont rapporté les membres en charge de la rédaction du rapport du HCSP.

Les produits de tabac chauffé sont une stratégie de l’industrie du tabac pour renormaliser le tabagisme.

Au sein même des produits du vapotage, les dispositifs à usage unique et marquetés pour séduire les jeunes, comme les puffs, divisent les avis généraux sur le vapotage. Au-delà de l’aberration environnementale, ils sont une source d’inquiétude, car ils font monter la prévalence du vapotage chez les jeunes, notamment au Royaume-Uni. Là où le vapotage commençait à être perçu positivement, ces produits émergents ont eu un effet délétère sur la perception de la pratique et sont assimilés à une stratégie de l’industrie du tabac pour attirer les jeunes vers la consommation de nicotine et le tabagisme.

Enfin, dans une stratégie de réduction des risques, le vapotage et les produits de tabac chauffé soulèvent un problème d’acceptation de l’un et pas de l’autre aux même titre qu’ils amènent le fumeur dans des zones de consommation de la nicotine à moindre risques. Silvano Gallus, de l’institut Mario Negri, rapportait que ces produits chauffés sont plus efficaces en Italie, clamant aussi que les produits du vapotage ont l’inverse des effets observés dans d’autres pays, pendant que le professeur Dautzenberg rétorquait qu’il faut clairement scinder ces deux types de produits, car les produits de tabac chauffé sont une stratégie de l’industrie du tabac pour renormaliser le tabagisme.

Le vapotage et sa filière

Les acteurs en santé publique construisent leurs avis sur les données épidémiologiques, quand ceux venant du secteur médical le font sur des données cliniques. Les études épidémiologiques traitent d’un échantillon d’individu et extrapolent les résultats obtenus à l’ensemble de la population. Les essais cliniques, quant à eux, figent tellement de paramètres qu’ils contraignent le patient sur sa consommation de manière à obtenir “un indicateur dans l’arrêt du tabac”. Dans ces deux approches, il manque la considération des données illustrant “la réalité de vape”, informations que peuvent fournir les professionnels de la filière.

Pour les professionnels du vapotage, cette conférence était donc l’occasion d’illustrer des données de terrain indispensables à la compréhension de l’usage des produits, du parcours d’un vapoteur en démarche de sevrage tabagique, l’évolution de sa consommation de nicotine dans le temps… Tous ces éléments sont cruciaux et nécessaires aux acteurs de santé publique pour comprendre la vape, la simplifier et démystifier la pratique qui, par sa modularité, propose une démarche personnalisée pour sevrer du tabac.

Ingésciences à l’INCa

La team Ingésciences présente à l’INCa avec, de gauche à droite, Charly Pairaud (président), Sébastien Soulet (chargé de recherches) et Jérémy Sorin (Ingénieur recherche/développement).

En tant que centre d’expertise sur le vapotage, Ingésciences a eu l’opportunité de présenter deux de ses travaux. Le premier était une critique conduite avec Roberto A. Sussman sur les analyses chimiques des aérosols issus de dispositifs de vapotage. Un tableau synthétique listait toutes les publications analysées et évaluées sous forme d’indicateurs visuels. L’essentiel des biais identifiés résidait dans l’utilisation de dispositifs destinés au DL, mais expérimentés avec un régime MTL à des puissances au-delà des valeurs recommandées par le fabricant. La seconde étude montrait en quoi ce biais, largement répandu dans la littérature, aboutit à des conclusions irréalistes. Dans l’exemple illustré sur le poster, il conduit à évaluer une concentration d’exposition 25 fois supérieure à la réalité pour un composé nocif comme le formaldéhyde.