Exigences réglementaires et contrôles ont pour objectif de sécuriser l’utilisation des produits de consommation et renforcer la confiance des consommateurs. Concernant la cigarette électronique, plusieurs niveaux de réglementation s’appliquent aux produits.
A la réglementation des produits de consommation courante se sont ajoutées ces dernières années les obligations de la directive tabac européenne, qui peuvent être complétées par les normes AFNOR sur les produits du vapotage. Eric Blouin, expert toxicologue, a proposé au Vaping Post de faire le tour de la question et en profite pour donner quelques conseils au consommateur.
Vaping Post : Bonjour, pouvez-vous nous expliquer en quelques mots votre parcours ?
Eric Blouin : Je suis expert toxicologue, j’ai un doctorat de biologie, je suis titulaire du master TES (Toxicologie Ecotoxicologie Santé) et du DIU FIEC (Formation des Investigateurs aux Essais Cliniques des Médicaments) et je suis membre de la Société Française de Toxicologie.
J’ai commencé ma carrière comme chercheur dans une unité INSERM à l’Hôpital Necker-Enfants Malades à Paris, où j’ai obtenu le prix GREMI (Groupe de Recherche et d’Etude sur les Médiateurs de l’Inflammation) pour mon travail de recherche sur la polyarthrite rhumatoïde. J’ai ensuite passé 15 ans dans l’industrie pharmaceutique, où je me suis spécialisé dans la toxicologie. Puis j’ai travaillé sur l’évaluation des risques des produits de vapotage (cigarettes électroniques, flacons de recharge, cartouches…).
Aujourd’hui, je gère le cabinet PHYSIOTOX qui réalise des expertises toxicologiques, physiologiques et cliniques de tous types de produits (médicaments traditionnels, nutrition, e-cigarette, cosmétiques …).
VP : Quel est le contexte réglementaire actuel en terme de déclaration des produits de vapotage et des exigences de contrôle ?
EB : La directive 2014/40/UE du 3 avril 2014, dite directive TPD, réglemente les dispositions relatives à la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes. L’ordonnance n°2016-623 du 19 mai 2016 portant transposition en France de cette directive fait notamment obligation aux fabricants et importateurs de produits de vapotage contenant de la nicotine (e-cigarettes, cartouches et flacons de recharge contenant des e-liquides) de les déclarer préalablement à leur commercialisation sur le marché français.
Conformément à la directive TPD, les fabricants et les importateurs sont tenus de fournir certaines informations clés aux autorités de tutelle des états membres de l’Union Européenne dans lesquels ils envisagent de commercialiser leurs produits. Ces informations sont transmises sur le point d’entrée électronique commun de l’Union Européenne (PEC-UE). L’autorité de tutelle en France est l’ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail).
Les fabricants et importateurs doivent notamment transmettre la composition des produits (ingrédients, additifs) et des données toxicologiques sur les ingrédients. En particulier, pour chaque ingrédient, les données concernant l’absence de potentiel cancérogène, mutagène ou reprotoxique (CMR) et de toxicité spécifique pour certains organes cibles après exposition répétée (STOT-RE), avec la classification CLP éventuelle de chaque ingrédient. En effet, les substances classées CMR catégories 1 ou 2 et/ou STOT-RE catégorie 1 sont interdites comme ingrédients lors de la fabrication d’un e-liquide.
VP : Les consommateurs doivent-ils s’inquiéter ou peuvent-ils se rassurer et quel état des lieux faites-vous du respect des normes ?
EB : Cette réglementation est une mesure de protection du consommateur. C’est évidemment rassurant pour les usagers, mais c’est aussi très valorisant pour les professionnels de la vape français qui avaient pris l’initiative, depuis 2015, à travers 3 normes AFNOR, de travailler sur la sécurité et la qualité de leurs produits :
– La norme XP D90-300-1 sur les cigarettes électroniques
– La norme XP D90-300-2 sur les e-liquides
– La norme XP D90-300-3 sur les émissions
Cette démarche volontaire de normalisation a permis aux professionnels de la vape de faire les premiers pas vers le législateur qui n’a pas le même niveau de connaissance des produits et de leurs spécificités. Même si ces normes ne sont pas d’application obligatoire, elles permettent de définir un cadre de bonnes pratiques qui vise notamment à prévenir les risques de surchauffe de la source d’énergie ou de la chambre de vaporisation, ainsi que les risques de coupure, blessure ou explosion (norme XP D90-300-1). Elles définissent aussi les règles sur la sécurité de fermeture des flacons et sur le niveau de qualité des produits utilisés dans les e-liquides : qualité pharmaceutique pour le propylène glycol, le glycérol, la nicotine et l’eau, et qualité alimentaire pour l’alcool et les arômes (norme XP D90-300-2).
Ces normes volontaires ont également permis aux professionnels de la vape d’anticiper la transposition de la directive TPD, puisqu’elles intégraient les principales exigences de la réglementation européenne, ce qui explique aujourd’hui que les professionnels de la vape français respectent la réglementation européenne.
VP : Quels conseils donnez-vous à vos clients fabricant ou importateur ?
EB : La cigarette électronique, comme tout produit de consommation courante, a besoin de règles de fabrication et de sécurité. L’intérêt pour le professionnel de la vape est de s’impliquer. La mise en application de cette réglementation et de ces normes peut lui apporter beaucoup d’avantages.
Tout d’abord, vis-à-vis des autorités de tutelle, qui d’une manière générale, accepteront plus volontiers de discuter, voire de prendre en compte dans leurs décisions certaines problématiques rencontrées par le professionnel, à partir du moment où celui-ci est en mesure de démontrer sa bonne foi. La situation était la même lors de la mise en place du groupe de travail pour l’élaboration des normes AFNOR évoquées précédemment : les professionnels de la vape français se sont impliqués nombreux dans l’élaboration de ces normes pour ne pas se laisser imposer des méthodes de travail non applicables. Au final, ces normes ont permis de sécuriser les fabricants et les autorités. Plus il y a de précisions apportées par les normes sur la qualité et la sécurité et moins le régulateur est obligé d’aller loin quand il élabore la réglementation.
Un autre avantage de cette réglementation et de ces normes est qu’elles permettent de sécuriser les médecins et de renforcer la place de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique. La cigarette électronique présente l’énorme avantage, comparativement aux autres méthodes de substitution, de faire sortir le fumeur par “le plaisir”, il est donc indispensable de sécuriser les médecins pour qu’ils conseillent ce produit.
Enfin, cette réglementation et ces normes permettent de rassurer les consommateurs. La nécessité de ce point est confirmée par la perception de l’e-cigarette, qui était encore considérée comme dangereuse par 52 % des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête Eurobaromètre 2015. Ce chiffre avait augmenté de 25 % par rapport à la dernière enquête européenne de 2012 et le chiffre était encore plus élevé en France (60 %), où il avait augmenté de 34 % par rapport à l’enquête de 2012.
Les fabricants et les importateurs ont donc intérêt à “s’approprier” cette réglementation et ces normes et à intégrer l’étape de notification dans leur fonctionnement interne, pour ne pas rallonger les délais de mise sur le marché de leurs produits et pouvoir ainsi conserver et développer la multitude des saveurs disponibles pour les utilisateurs.
VP : Quels conseils donnez-vous aux utilisateurs pour choisir des produits de qualité ?
EB : Il ressort des analyses que nous avons effectuées sur les données bibliographiques, ainsi que sur les dossiers techniques des fabricants, que les risques thermiques et mécaniques des e-cigarettes, dont les cahiers des charges de fabrication sont en accord avec la norme AFNOR XP D90-300-1, sont très peu probables.
De la même façon, les e-liquides, dont les cahiers des charges de fabrication sont en accord avec la norme AFNOR XP D90-300-2, contiennent des ingrédients de qualité. Nombreux sont les fabricants français à les avoir intégrées dans leurs cahiers des charges et donc dans leur production.
Partant de ce constat, les conseils pour les utilisateurs sont basiques : vérifier que l’étiquetage est clair et qu’il mentionne précisément les ingrédients contenus dans le e-liquide, que la sécurité de fermeture du flacon est correcte et qu’il n’y a pas de substances interdites dans le e-liquide, notamment d’huiles végétales ou minérales, de sucres (glucose, fructose, lactose, maltose, saccharose) ou d’édulcorants (acesulfame de potassium, aspartame, saccharinate de sodium, stevia) ou encore de substances énergisantes (caféine, taurine) ou médicamenteuses.
Dans son avis du 22 février 2016 relatif aux bénéfices-risques de l’e-cigarette, le Haut Conseil de la Santé Publique a conclu qu’en matière de réduction des risques, on pouvait très raisonnablement admettre qu’un fumeur devenant utilisateur exclusif d’e-cigarette voyait sa probabilité de développer des maladies liées à l’usage de tabac diminuer, même s’il semblait difficile d’affirmer l’innocuité de la nicotine au long cours chez un utilisateur d’e-cigarette nicotinée. Par conséquent, un fumeur devenant utilisateur exclusif d’e-cigarette et d’e-liquide répondant aux conseils évoqués ci-dessus devrait forcément en tirer un bénéfice.