Comme je vous le disais dans un article précédent, je me suis récemment retrouvé à court de e-liquide. Etant actuellement sur l’île de Malte j’ai eu beaucoup de difficulté à trouver des flacons pour étancher ma soif de vapote, j’ai même fini un soir par fumer la quasi-totalité d’un paquet de cigarettes, après un an et demi d’arrêt complet.
Même si j’ai réussi très vite à me faire dépanner par ami, la qualité des produits et l’étiquette des flacons m’ont poussé à étendre mes recherches pour trouver un fournisseur officiel dans le pays, ou devrais-je dire officieux.
Dealer de e-liquide : un métier d’avenir ?
Il faut rappeler qu’à Malte, la publicité autour de la cigarette électronique n’est pas autorisée alors que la vente est tolérée. Cela a donc créé une situation complètement paradoxale où les vendeurs de cigarettes électroniques ne peuvent pas dire qu’ils vendent des cigarettes électroniques, vous comprenez ? La nuance se place surtout sur les e-liquides de par leur contenance en nicotine, produit appartenant aux gourous de la pharmacie et du tabac.
En regardant mon stardust s’assécher, j’ai pris l’initiative de contacter le seul vendeur qui ose encore avoir un site web dans le pays. Une page, un numéro de téléphone portable, pas de nom de société … j’appelle. Je tombe sur une personne qui décroche comme un particulier, pas de présentation ou quelconque phrase d’accueil :
– Bonjour, est-ce que vous vendez du e-liquide pour cigarette électronique ?
– Oui.
– Quelles marques avez-vous ?
– Dekang (Chine) et Premium blend (USA).
– Avez-vous différents dosages de nicotine ?
– Oui, oui.
– Ok très bien, avez-vous une boutique sur l’île pour que je vienne y acheter quelques flacons ?
– Non, le mieux c’est que l’on se retrouve devant le cinéma de Fgura à 16h.
Mais où suis-je ?
Dans un pays où réduire ses risques en tant que fumeur est presque devenu un acte illégal.
Rendez-vous avec le dealer
En conduisant vers le point de rencontre je ne pouvais pas m’empêcher de sourire, sans doute par l’excitation de pouvoir ensuite vous raconter cette histoire, et puis en même temps j’étais inquiet. Ce n’est jamais agréable d’aller à la rencontre d’un inconnu pour effectuer une transaction financière dans la rue, quelle qu’elle soit.
Je me poste devant le cinéma et contacte par téléphone le dealer. Il me dit qu’il est sur la route et qu’il sera là dans cinq minutes, son 4×4 gris sera le moyen de le reconnaitre.
Le type arrive, gare son véhicule au bord de la route et me fait signe de le rejoindre. Il a l’air tout à fait banal. Il me salue et ouvre immédiatement sa portière passager. Il fait glisser sur le siège une mallette qu’il ouvre avec décontraction, elle est pleine de flacons, peut être une centaine.
– Choisis , choisis. J’ai des saveurs tabac ou fruitées. Ça par exemple c’est du RY4.
– Oui, je connais bien. Je t’en prends deux en 12mg/ml. Combien ça coûte ?
– 6,50 euros le flacon.
Je lui donne l’argent, il me rend la monnaie en fouillant dans sa banane comme un vendeur de chichi sur la plage.
J’ai pu discuté un peu avec lui en lui faisant part de ma stupéfaction. Comment en est-on arrivé là ? Il me répond simplement que les gens sont stupides, qu’ils croient tout ce qu’on leur raconte à la télé et dans les journaux. Le gouvernement Maltais a communiqué pas mal de fois au travers du journal Times of Malta pour mettre en garde les fumeurs contre ce produit du tabac, ensuite le service du contrôle des drogues a contacté toutes les personnes qui en faisait la publicité pour leur demander d’arrêter.
Ayant des contacts sur l’île j’ai réussi à me procurer un email envoyé au webmaster d’un site communautaire sur la cigarette électronique à Malte. Je vous en donne la traduction ici :
Cher Mr. XXX,
Vous enfreignez la loi en faisant de la publicité pour la cigarette électronique sur votre site internet et les autres sites liés (incluant facebook, twitter et google+). Je vous contacte aujourd’hui pour vous sommer d’arrêter immédiatement ce genre de pratique. A défaut, je n’aurai pas d’autre alternative que de reporter votre infraction au service cybercriminalité de la police et prendre des actions légales contre vous. Si vous souhaitez prendre contact avec moi, je travaille à la division du contrôle des drogues, mon numéro de téléphone est le XXXX.
Vous ne rêvez pas, la police peut s’en mêler, parler de la cigarette électronique à Malte est un crime.
Si l’on replace maintenant ce genre de situation avec l’annonce de la nouvelle directive européenne qui va réserver les taux de la sacro-sainte nicotine dans nos ecigs au delà de 4mg/ml à l’industrie pharmaceutique, l’Europe est littéralement en train de créer un marché noir.
L’Europe est en train de nous marginaliser
La situation à Malte ne peut m’empêcher de faire un parallèle avec ce qui peut nous arriver ici en France. Si demain les taux de nicotine au dessus de 4mg/ml sont interdits en vente libre avec une publicité ultra restrictive, les centaines de milliers de vapoteurs que nous sommes n’auront pas d’autre alternative que de se fournir sur un marché parallèle. La baisse de qualité, le manque d’information, l’absence de contrôle, le risque pris par le vendeur et l’acheteur en règle générale ne vont certainement pas améliorer les choses. Il est hors de question de me remettre à fumer, je veux pouvoir vapoter en paix et apprécier ma nicotine comme je le fais pour la caféine.
Certes Big Pharma va venir bientôt à la rescousse avec ses cartouches à 50 euros et ses jolis packaging scientifiquement prouvés, mais personne n’en veut. La cigarette électronique est un produit communautaire, la cigarette électronique est un produit libre et doit le rester.
La situation en France est très bien comme elle est, les sociétés de production de e-liquide sur le territoire sont des plus sérieuses, l’étiquetage est un des meilleurs que je connaisse en comparaison aux autres sociétés internationales, le support client est plus que correct, l’organisation et l’autorégulation des vendeurs est en marche, la communauté de vapoteurs est de plus en plus dense et influente, enfin les taux de nicotine autorisés sont en accord parfait avec les besoin du fumeur (20mg/ml).
Auriez vous acheté à ce “dealer” du e-liquide goût chocolat ou saveur
bonbon que la transaction n’en aurait été que plus insolite…
Incroyable. On peut certes imaginer de semblables aventures à l’avenir
dans nos chères contrées. Et je suis bien d’accord avec vous, sans
paranoïa excessive, qu’un futur et probable marché noir contiendrait un
risque sanitaire bien réel. Je mise sur le fait (avec naïveté peut-être)
que le nombre grandissant de vapoteurs puisse faire pression sur les
décisions de législation européenne.
Ce site est l’un des
meilleurs concernant la cigarette électronique. Le fond,
toujours rigoureux, marié au ton, souvent léger, est un vrai plaisir de
lecture.
Cordialement.
Bonsoir Kobus, non j’ai pris deux goûts tabac mais je suis bien d’accord avec vous, la situation est complètement absurde, j’espère comme vous que la population que nous sommes saura faire la différence. Merci beaucoup pour vos compliments en tous cas, ils me vont droit au coeur.
Juste un mot: un GRAND bravo “ma-cigarette” (mais c’est QUOI TON PRÉNOM BORDEL ?!) pour ce reportage digne d’un journaliste d’investigation !
Sérieusement, j’ai bu ton article et tes analyses ! 🙂
Merci Yotraxx, mon prénom c’est Ghyslain.
YOOOOOO Ghyslain !! ENFIN un prénom (j’en avais marre de t’appeler “ma-cigarette” ^^)
J’avais commencé ce blog en étant salarié, d’où l’anonymat. Maintenant je bosse en freelance, je suis donc un peu plus détendu.
Alors là, Ghyslain, j’hallucine et tu as raison, si l’UE persiste dans la voix qu’elle a pris, c’est elle même qui va ouvrir les portes du marché noir et tutti quanti. L’UE veux couper l’herbe sous le pied de BigTabaco, mais ne se rend pas compte de ce qu’elle va créer en contre partie.