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Le jour où Philip Morris a financé la police

Mis à jour le 17/04/2023 à 19h25
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Quel rapport entre une organisation policière internationale et l’industrie du tabac ? A priori, aucun. Pourtant, Philip Morris International a signé une convention, et des chèques, avec Interpol. Au grand dam de certains, qui posent des questions auxquelles il est difficile d’obtenir des réponses.

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Mais quel rapport entre une organisation de coopération policière internationale et l’industrie du tabac ? Une petite présentation s’impose.

Interpol est le nom d’une organisation internationale de police judiciaire, dont le siège se trouve à Lyon, en France. C’est d’ailleurs à la base une idée française, puisqu’elle fut émise au début du XXème siècle par Edmond Locard, professeur de médecine légale à Lyon. Sa création fut assez mouvementée et entra directement en collision avec l’histoire.

Interpol compte aujourd’hui 195 pays membre, et est reconnue depuis 1971 par l’ONU comme organisation intergouvernementale. Elle émet des fiches de différentes couleurs, les notices rouges pour les suspect recherchés, jaunes pour les personnes disparues, noires pour les identifications de cadavres, bleues pour recueillir des renseignements dans le cadre d’une enquête ou vertes pour alerter sur des individus considérés comme une «menace pour la sécurité publique».

A travers son histoire, Interpol a été au cœur de quelques scandales. Elle en traverse actuellement un, à travers la future élection de son directeur, le favori étant considéré comme « contestable » d’un point de vue éthique. Mais c’est surtout le financement qui fait débat.

En effet, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, Interpol est pauvre. En 2020, son budget était de 136 millions d’euros. Ceci pour 995 employés qui gèrent 19 bases de donnés et 66 000 fiches actives.

Face à la réticence des états à mettre la main au portefeuille, Interpol s’est tourné vers les partenariats privés. Ce qui fait que certaines entreprises ont contribué au financement d’une organisation de police officielle disposant de pouvoirs importants, avec toute la problématique éthique que cela suggère.

On notera par exemple un scandale. En 2011, Interpol acceptait un chèque de 20 millions d’euros de la FIFA, fédération internationale de football. La même FIFA qui sera au cœur, quatre ans plus tard, d’une affaire de corruption.

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La même année, en 2011, Interpol signe un partenariat avec Philip Morris International (PMI). Le cigarettier donne 15 millions à l’organisation pour forme des policiers et aider à l’information sur la contrebande de cigarettes.

Ce qui est bien, en surface. Mais pose plusieurs questions. La première étant d’ordre éthique : est il acceptable qu’une force destinée à assurer la sécurité des citoyens et le bon fonctionnement de la justice accepte de l’argent d’une entreprise notoirement connue pour faire du lobbying afin de pouvoir continuer à vendre un produit dangereux au point de tuer un consommateur sur deux ?

Juridique, ensuite. De nombreux intervenants ont accusé, depuis des années, les cigarettiers de fournir eux-même les trafiquants de cigarettes. En 2020, une plainte déposée à Genève par Raoul Setrouk a permis de révéler un dossier de trafic international de cigarettes dont le fabriquant de Marlboro serait un acteur. Le dossier est toujours en cours d’instruction.

Lorsqu’Interpol s’est vu interpellé par l’ONU sur cette opération, l’organisation se serait dite « très étonnée ». Manifestement, le fait que ce partenariat soit en violation de la convention-cadre de l’ONU sur la lutte contre la tabagisme ne leur avait pas effleuré l’esprit. L’ONU a émis sa critique en 2012, ce qui n’a pas empêché le partenariat d’être mené jusqu’à son terme, en 2015.

A ce jour, le partenariat n’a plus cours : il avait été signé pour trois ans, durant lesquels PMI a versé 15 millions d’euros à Interpol. Mais la porte semble ne pas être fermée, et c’est ce qui est problématique. Les partenariats public-privé ne sont pas forcément une mauvaise chose, à condition que des barrières éthiques soient fixées. A ce jour, ce n’est manifestement toujours pas le cas.

Sources

“External contributions in 2015”, document Interpol

L”accusateur Suisse qui fait trembler Philip Morris” Le Journal du Dimanche

Fondation Interpol, un financement qui intrigue” France Inter

Interpol, une police sous influence ?” France 3

Interpol : fausses notes et notices rouge” Libération

Fifagate” Libération

L’industrie du tabac se mêle de lutte contre la contrebande” Info-tabac.ca