Le pays aimerait notamment profiter de sa présidence pour pousser l’Europe à adopter une approche de réduction des risques plutôt qu’une « politique extrême ».
Un débat national…
Comme tous les pays dans le monde, la République Tchèque est touchée par de nombreux fléaux de santé publique. En tête de liste au niveau national, l’alcool et le tabac. Après plusieurs décennies d’une politique uniquement basée sur l’abstinence de la consommation de ces produits, le gouvernement semble aujourd’hui prêt à revoir sa copie et désormais miser sur la réduction des risques. C’est en tout cas ce qu’a récemment proclamé Jindřich Vobořil, coordinateur national de la lutte contre la drogue, lors d’une table ronde. Mais si cette intention est des plus louables, encore faut-il que les différents partis politiques au pouvoir réussissent à s’entendre sur la question, ce qui a posé problème par le passé. « Je me suis toujours heurté à la résistance des personnes du ministère de la Santé qui ont une vision de l’abstinence, c’est-à-dire que le monde sera sans tabac d’ici 2040, un point c’est tout », indique Vobořil. Un cas qui ne devrait pas se reproduire à l’avenir, selon Vlastimil Válek, ministre de la Santé du pays, qui a souligné qu’il serait « très surpris » que ses subordonnées n’aillent pas dans son sens et ne l’écoutent pas à ce sujet.
… mais aussi européen
Le sujet occupe une place si importante dans le débat politique national que le pays en a fait l’un des thèmes de sa présidence de l’UE. Mais au niveau européen, Válek indique que la stratégie devra être mise en place « à long terme ». Il avoue aussi avoir des doutes quant à la possibilité pour la République Tchèque de devenir le leader qu’elle aimerait être à ce sujet. « D’une part, même nos experts ne sont pas tout à fait d’accord, et d’autre part, l’UE a une position stricte selon laquelle elle veut éradiquer les cigarettes dans leur ensemble et a déjà défini une date à laquelle il n’y aura plus de cigarettes en Europe. Je n’imagine pas que nos personnalités puissent convaincre l’UE que cette idée est une chimère et la rallier à une action rationnelle ». Même son de cloche du côté de Kamal Farhan, député d’opposition et président de la sous-commission de la politique des médicaments, des dispositifs et des appareils médicaux, qui indique qu’il sera nécessaire d’atteindre un consensus, sur un terrain qu’il qualifie de « glissant ». Mais le dossier semble bel et bien sur la table, puisque comme le rappelle le ministre, « pendant des années, nous nous sommes concentrés sur la politique de l’abstinence uniquement, qu’il s’agisse du tabac, de l’alcool ou des drogues illégales, et cela a échoué ».
Si les détails de la potentielle future politique tchèque sont pour l’instant inconnus, Vobořil pourrait tenter de s’appuyer sur le modèle britannique. Il indique en effet que, concernant le tabagisme, « nous disposons de données claires en provenance de pays tels que la Suède et le Royaume-Uni, qui montrent que la promotion d’alternatives aux cigarettes conventionnelles, par exemple, réduira considérablement l’incidence des décès prématurés, des maladies cardiovasculaires et pulmonaires, et donc l’impact sur le système de santé ». Une idée contre laquelle n’est pas Válek, qui s’est dit « en faveur de la différenciation dans le domaine des produits du tabac ou de la nicotine », y compris au niveau de la fiscalité.
De plus, selon lui, aucune politique extrême n’est la solution. « Une approche qui vise à éliminer les plus grands risques et à réduire l’impact sur les jeunes doit prévaloir », explique-t-il ainsi, avant d’ajouter que, de son point de vue, l’Union européenne semble justement se diriger vers une politique extrême, parlant d’une approche qui serait simplement de forcer tout le monde à arrêter de fumer. Enfin, toujours selon ses dires, une certaine hypocrisie régnerait dans ce milieu, donnant pour exemple le cas d’une récente réunion en France où il se serait rendu, durant laquelle plusieurs personnes partaient fumer durant les pauses, avant de revenir prôner la tolérance zéro sur le tabagisme. « Cette hypocrisie doit disparaître ».
L’alcool, grand oublié des débats
Si rien n’est encore fait, la République Tchèque semble toutefois bien préparée concernant le problème du tabagisme. Pour l’alcool, en revanche, le chemin devrait être plus long, puisque le ministre de la Santé note clairement que dans son pays, « il n’y a aucune volonté de réglementer ou même d’appliquer les lois » à ce sujet. Il déplore également une absence de débat européen dans ce domaine.
« Si l’on fait abstraction de la force et du chiffre d’affaires de l’industrie brassicole et vinicole, il est important de se rendre compte que la stratégie de l’Europe est d’une part, parfois de manière incompréhensible, stricte en matière de tabagisme et que, d’autre part, en ce qui concerne le vin, il n’y a aucun droit d’accise nulle part et il n’en est même pas question ».
Si les idées du gouvernement tchèque méritent que l’on s’y intéresse puisque défendant une politique de réduction des risques plutôt qu’un simple matraquage destiné à forcer la population à cesser de consommer certains produits, il sera très compliqué pour le pays de réellement influencer l’Europe afin qu’elle les suive. De plus, sa volonté affichée de promouvoir la cigarette électronique et de s’attaquer au problème de l’alcool semble bien éloignée des idées qu’a présentées l’Union européenne jusqu’à présent. La République Tchèque trouvera-t-elle assez de soutien dans une Europe des 27 dont le Royaume-Uni, qui aurait pu être son principal allié, ne fait désormais plus partie ?
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