Le 20 juillet dernier, la France a publié un projet d’arrêté très attendu autorisant la vente de produits au CBD. Problème pour une partie de la filière : la vente aux consommateurs de fleurs et de feuilles brutes françaises est toujours interdite. Certaines organisations sont en colère et organisent la résistance.
Suite à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 20 novembre 2020, les autorités françaises ont publié un projet d’arrêté notifié à la Commission européenne le 20 juillet dernier.
Ce projet prévoit que l’autorisation de culture, d’importation, d’exportation et d’utilisation industrielle et commerciale du chanvre est étendue, sous certaines conditions, à toutes les parties de la plante de chanvre. Sans surprise, la plante de chanvre doit avoir une teneur en THC qui n’est pas supérieure à 0,2 %.
Les variétés de plantes autorisées sont les variétés inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France.
Seuls des agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur peuvent cultiver des fleurs et des feuilles de chanvre en France. Seules des semences certifiées peuvent être utilisées. La vente de plants et la pratique du bouturage sont interdites. Par ailleurs, les agriculteurs sont tenus de conclure un contrat écrit avec le premier acheteur des fleurs et des feuilles.
La vente de fleurs dans le viseur
En l’état, les fleurs et les feuilles ne pourront être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extrait de chanvre. Il en résulte en particulier que la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, notamment comme produits à fumer, tisanes ou pots-pourris, leur détention par les consommateurs et leur consommation sont interdites. Reste à savoir comment la libre circulation de ce produit en Europe pourrait s’articuler avec ce nouveau cadre juridique.
Les autorités entendent justifier cette restriction par des motifs d’ordre public, “dans la mesure où, pour préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure de lutter contre les stupéfiants, celles-ci doivent pouvoir discriminer simplement les produits, afin de déterminer s’ils relèvent ou non de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants”.
Par ailleurs, le gouvernement estime que “des incertitudes sur les effets pour la santé de la consommation de produits à base de CBD, les risques liés à la voie fumée sont établis ; en particulier, de nombreux éléments cancérigènes proviennent de la combustion des substances organiques.”
Sans surprise, les extraits de chanvre, ainsi que les produits qui les intègrent, devront avoir une teneur en THC qui n’est pas supérieure à 0,2 %. Enfin, les autorités indiquent que des travaux se poursuivent afin que soit mis en place un dispositif de traçabilité des produits commercialisés, depuis la culture jusqu’à la vente au détail. Ce dispositif prévoit d’entrer en concertation avec les professionnels du secteur, qui par ailleurs n’accueillent pas tous ce projet avec le même enthousiasme.
Le projet d’arrêté est ouvert aux contributions jusqu’au 21 octobre. D’ici là, les États-membres de l’Europe pourront faire part de leurs observations. L’arrêté définitif sera publié fin 2021-début 2022.
L’UIVEC salue “l’avancée pour la filière”
L’Union des industriels pour la valorisation des extraits de chanvre (UIVEC) se réjouit du nouvel arrêté “qui ouvre la voie à la commercialisation des produits contenant des extraits de chanvre, en particulier du cannabidiol.” Elle salue “l’autorisation de la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des variétés de chanvre autorisées à toutes les parties de la plante de chanvre, non plus uniquement aux fibres et aux graines.” Ainsi, “du cannabidiol, mais aussi d’autres extraits de chanvre non stupéfiants (CBG, CBC, etc.) pourront être fabriqués en France : une attente forte de la filière, qui voit donc l’ouverture de nouveaux marchés se profiler.”
Le SPC, déçu mais combatif
Du côté du Syndicat du Chanvre (SPC), c’est la désillusion. “En écartant la fleur de chanvre brute des produits commercialisables en France, le gouvernement prive les opérateurs français de la part la plus importante des revenus générés par la filière CBD et abandonne des recettes fiscales énormes dont la France pourrait profiter dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique !”, déplore Aurélien Delecroix, président du SPC. “Comment la France va-t-elle pouvoir empêcher la vente de fleurs de chanvre provenant d’autres pays européens dans lesquels ces produits ne posent aucun problème ?”, s’interroge-t-il avant d’ajouter que “de nombreux recours contre ce nouvel arrêté sont déjà en préparation.”
L’UPCBD : “Une logique aveugle au bien commun”
Pour l’Union des Professionnels du CBD (UPCBD) : “Il est incompréhensible de faire un choix qui, concrètement, conduit à négliger des bénéfices réels, multiples et majeurs du CBD au prétexte de risques abstraits ou hypothétiques. L’argument du manque de moyens disponibles des services de contrôle et d’enquête pour distinguer le THC du CBD relève d’une logique malthusienne à courte vue, aveugle au bien commun.”
L’AFPC se demande à qui profite le crime
Selon l’Association française des Producteurs de Cannabinoïdes (AFPC), “Au pays des aveugles (gouvernement), les borgnes sont rois (InterChanvre/UIVEC).” L’association déplore qu’ “En cas d’application de ce potentiel nouvel arrêté, la filière du chanvre bien-être français ne verrait pas le jour. Pourtant les acteurs étrangers continueraient, eux, à inonder le marché.” L’AFPC prépare des recours auprès du conseil d’État, “pour faire reconnaître notre filière et défendre l’avenir de ce secteur en France.”
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