Le plan de transformation des buralistes se poursuit, avec ses diversifications et ses concepts. Ce qui est une bonne chose pour préparer la transition vers un monde sans tabac, l’espoir fait vivre, mais qui peut poser certains problèmes, surtout concernant la vape.
La presse les adore
Le plan de transformation des buralistes remporte un vif succès, du moins dans la presse : pas moins de deux articles récents dans autant de grands titres de la Presse Quotidienne Régionale (PQR) ont mis en valeur les grandes idées des commerçants à la carotte.
Le premier, dans La Dépêche, fait un tour émerveillé de « la borne des buralistes ». Une borne interactive où l’on peut faire sa carte grise, acheter des billets de train, et autres innovations qui voient le jour les unes après les autres. Free devrait s’y adjoindre rapidement, selon nos confrères du Monde du tabac.
Le second, dans l’Est Républicain, zoome sur le tabac de François Mercier, buraliste à Montmédy, qui vient d’ouvrir une seconde boutique, avec entrée séparée, dans l’arrière-salle jusqu’ici sous-exploitée de son tabac. Il y vendra des produits régionaux. Il a également, peut-on apprendre, ouvert un comptoir dédié à la vape dans son tabac.
C’est bien, très bien, même : plus les buralistes seront diversifiés, moins la disparition du tabac, même si cet objectif relève encore aujourd’hui de l’utopie, sera difficile à encaisser pour leur profession.
Le jour où un gouvernement réellement volontariste décidera de mener une vraie campagne de lutte contre le tabagisme en deux étapes (première étape : apprendre à se passer des taxes sur le tabac, deuxième étape : promouvoir les alternatives comme la vape), la disparition du tabac ne signifiera plus pour les buralistes une mort certaine de leur commerce.
Le danger d’être banal
Néanmoins, tout n’est pas tout rose : à force de multiplier les produits, la vape risque de se banaliser. Pas de la façon dont ses tenants le souhaitent. Les promoteurs de la vape voudraient effectivement qu’elle se banalise dans le sens d’une large diffusion, un monde où le vapotage serait la norme et le tabac fumé l’exception.
Ici, la banalisation serait plutôt dans l’image du produit. L’activité principale du buraliste, dans l’esprit du public, reste le tabac, qui est réglementé par un monopole et distingué par la fameuse carotte au frontispice. La vape risquerait, dans le plan de transformation des buralistes, de devenir un produit comme un autre de diversification, entre la confiture bio solidaire et le fromage de chèvre local.
Ce qui aurait pour résultat que les clients achèteraient une vape comme on achète son journal et qu’on fait son Loto, avec le comportement d’achat d’un produit standardisé.
Mais la cigarette électronique est tout, sauf un produit standardisé. Quiconque s’est un peu penché sur la vape le sait : il n’existe pas de tableau indiquant « pour X cigarettes par jour, le dosage de nicotine adéquat est D et la puissance est Y watts ». Chaque fumeur est différent dans son addiction physiologique et ses habitudes de consommation, et ce sont des paramètres dont il faut tenir compte.
Un métier de spécialiste
Vendre de la vape de façon efficace nécessite deux choses : des compétences et un suivi. Et il convient d’informer le public qu’acheter de la vape et acheter de la vape auprès d’un vendeur compétent sont deux choses très différentes. Une cigarette électronique inadéquate pour un fumeur ne signifie pas que la vape ne marche pas, contrairement à ce que certains pensent, juste qu’il a été mal conseillé.
Non pas que les buralistes soient incapables de conseiller efficacement de la vape : certains font l’effort de se documenter, se former et prendre le temps nécessaire auprès de leurs clients. Simplement, en la proposant en même temps qu’autant de diversification, ils brouillent le message en le banalisant. Et se tirent eux-mêmes une balle dans le pied en ne mettant pas en valeur cette compétence chèrement acquise.
La vape n’est pas un produit comme un autre, et la voir listée entre les produits régionaux et des bornes multiservices la dessert. A moins de vouloir la banaliser pour se dispenser d’embaucher un spécialiste comme dans les boutiques de vape ou de le devenir soi-même. Ce qui serait une erreur.
Cet article d’opinion n’engage que le point de vue de son auteur et ne représente pas forcément l’avis de la rédaction.