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Interview de Riccardo Polosa sur les politiques encadrant l’e-cigarette

Mis à jour le 7/08/2024 à 12h04
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Riccardo Polosa

Riccardo Polosa, Directeur de l’Institut de Médecine Interne et d’Urgence de l’Université de Catane en Italie.

Riccardo Polosa est le directeur du Centre de prévention et de cure du tabagisme de l’Université de Catane (Italie). Il est l’auteur de plus de 250 articles et livres évalués par ses pairs traitant de la médecine respiratoire, de l’immunologie clinique et de la dépendance tabagique.

Il est également le consultant scientifique de Lega Italiana Anti Fumo (LIAF), la Ligue italienne antitabac. Etant un des plus grands experts européens en cigarettes électroniques, il donne son avis sur les problèmes qui entourent la réglementation d’un produit si innovant.

Que pensez-vous de la cigarette électronique et de son influence sur le tabagisme jusqu’à présent ?

En tant que scientifique et expert en méthodes alternatives pour arrêter de fumer, j’estime que la cigarette électronique est l’instrument le plus prometteur pour aider les personnes à arrêter de fumer ou à réduire leur consommation de tabac. Outre les nombreuses études cliniques et autres activités de recherche, notre expérience personnelle dans un centre très actif dédié à la cessation tabagique montre que les e-cigarettes sont plus efficaces que les thérapies de remplacement de la nicotine (TRN) et autres médicaments antitabac.

Nous estimons que la raison du succès des cigarettes électroniques – qui remplacent également de nombreux rituels associés au tabac – est qu’elles semblent faciliter un changement de comportement : le passage du tabac à la vape. Pour les fumeurs, passer des produits de tabac combustibles à des vaporisateurs de nicotine beaucoup moins nocifs est un des meilleurs investissements pour la santé.

Mon groupe de recherches a récemment montré que les fumeurs qui souffraient d’asthme et qui sont passés à une utilisation régulière de cigarettes électroniques en avaient tiré des effets bénéfiques. Non seulement ils avaient arrêté de fumer ou fortement réduit le nombre de cigarettes, mais ils avaient également fait état d’une amélioration considérable des symptômes respiratoires et des fonctions pulmonaires.

Que pensez-vous de l’approche de l’Europe sur les e-cigarettes en termes de recherche et de réglementation ?

Malheureusement, je ne vois aucun effort sérieux au niveau européen pour élargir notre connaissance actuelle des cigarettes électroniques. Aucun fond n’a été investi pour le financement de recherches indépendantes. A l’inverse, de gros efforts ont été déployés pour saboter le potentiel positif des e-cigarettes pour la santé publique. D’un côté, l’Union européenne s’est montrée préoccupée par le manque de preuves scientifiques indépendantes concernant l’efficacité et la sécurité de ce produit. D’un autre côté, l’UE a sous-estimé, dénaturé, voire même ignoré de manière sélective, les preuves scientifiques déjà existantes.

L’approche de l’Europe, d’un point de vue réglementaire, reflète l’attitude immorale et amateur qui a caractérisé les campagnes de diabolisation de ce produit. En effet, la directive européenne sur les produits du tabac appelle à une interdiction de la production, de la vente et de la publicité qui est disproportionnée et injustifiée pour un produit qui ne contient pas de tabac. Une interdiction légale sur l’innovation et la diffusion des e-cigarettes est l’objectif réel de cette directive.

Les Etats-Unis auraient-ils mieux géré ce problème, en particulier en termes d’approche stratégique et de financement des recherches ?

Je le pense, mais jusqu’à un certain point. La Food and Drug Administration (FDA) semble prendre une approche plus stratégique. Elle semble reconnaitre – plus que d’autres agences réglementaires – la valeur des discussions sérieuses entre les experts, l’industrie et les consommateurs. En outre, 273 millions de dollars seront dépensés au cours des cinq prochaines années par un partenariat inter-agences entre la FDA, l’Institut américain de la santé (NIH) et l’Institut national sur l’abus des drogues (NIDA), pour le financement de questions de recherche sur le tabac, y compris des questions spécifiques aux cigarettes électroniques.

Ceci pourrait sembler intéressant. Mais les éléments de preuve qui permettent d’informer les futures réglementations deviendront si vastes et disparates que le processus de réglementation en sera paralysé par la surcharge scientifique. A terme, il sera plus opportun d’identifier quelles recherches s’alignent sur l’agenda politique. Ce risque est bien réel étant donné que de nombreuses agences qui ont à peine reçu leur financement ont déjà clairement affiché leurs positions en termes de questions de recherche sur les e-cigarettes.

Comment décririez-vous l’approche de l’Italie sur la réglementation des e-cigarettes ?

Je définirais l’approche du gouvernement italien sur les cigarettes électroniques comme « schizophrénique ». En quelques mois, nos politiciens sont passés d’une interdiction à une taxe, de l’abolition de l’interdiction à un réexamen de cette abolition. La loi 99/2013, art. 18, est préjudiciable aux vapoteurs car les mesures de la taxe contenues dans cette loi auront pour effet de doubler au moins le prix de vente des cigarettes électroniques et des accessoires, faisant ainsi la promotion de la compétitivité et de la dominance des cigarettes traditionnelles, avec des conséquences négatives évidentes pour la santé publique.

De manière ironique, cette guerre contre les e-cigarettes en Italie n’a pas apporté la baisse souhaitée de la consommation de tabac mais a plutôt contribué à sa reprise. J’espère que la timide ouverture observée ces derniers mois par nos politiciens en faveur d’une révision de la législation sur les e-cigarettes n’est pas qu’un mirage mais montre une réelle prise de conscience des conséquences accidentelles qu’une réglementation disproportionnée pourrait avoir pour des milliers de fumeurs et de vapoteurs.


Traduit de l’anglais d’après l’article original de Euro Scientist