L’AGEFI Suisse a publié un entretien avec Vassilis Vovos, directeur financier de Japan Tobacco International (JTI) à l’occasion de la restructuration de l’entreprise. Il en profite pour exécuter sans sommations le “monde sans tabac” de Phillip Morris et affirmer de grandes ambitions pour la combustion.
Les maux du tabac
Japan Tobacco International (JTI) est content, comme l’explique Vassilis Vovos, directeur financier du fabricant de cigarettes au média économique AGEFI. Bien sûr, cette joie est exprimée avec toute la retenue et la componction qui sied à un industriel qui tue un de ses clients sur deux, mais tout de même. Sa marque Winston devient la deuxième plus vendue au monde, et les restrictions de voyages ont permis aux ventes de cigarettes sur le marché licite d’augmenter.
Vassilis Vovos le dit lui-même : « Notre taille sur le marché est plus grande qu’il y a 24 mois ». Bref, JTI va bien, déjà que l’entreprise n’allait pas trop mal avant.
L’objet de cet entretien de Vassilis Vovos avec l’AGEFI, groupe de médias spécialisés dans l’économie, le regroupement de toutes les directions monde de JTI en Suisse. C’est désormais depuis la confédération helvétique que seront dirigées toutes les filiales du groupe, y compris la japonaise.
L’objectif est d’augmenter la rentabilité des filières tabac, selon ses propos, et surtout de devenir plus réactif face aux mutations du marché.
A ce propos, Monsieur Vovos annonce la création d’un « centre de compétences liées au numérique » chargé de développer l’expérience client et le service après vente en ligne. Dommage, Vassilis Vovos ne développe pas ce qu’il entend par « expérience client » sur l’action du cigarettier en ligne. Il ne s’agit sans doute pas de marketing, puisque c’est interdit…
Les mots du tabac
Lorsque le journaliste lui demande si JTI aussi souhaite un « Monde sans tabac » comme celui promis par Phillip Morris, la réponse est claire : « Non, la position chez JTI est de laisser le choix au consommateur. Nous ne voulons pas lui dicter une ligne de conduite, le forcer à changer ses habitudes. Je suis d’avis qu’il y aura toujours des fumeurs qui préféreront la cigarette classique aux produits à risques réduits comme les sticks de tabac à chauffer ou la version électronique. En tant qu’entreprise active dans cette industrie, notre mission est de répondre à leur besoin, car c’est leur choix ».
On est là dans un des plus vieux discours marketing de l’industrie du tabac, celui des « Torches de la liberté ». C’est le consommateur qui choisit, l’entreprise se contente de lui vendre le produit qu’il souhaite sans lui imposer quoique ce soit, sans pour autant renâcler à parler de produits à risques réduits. Conclusion : si les fumeurs meurent d’une maladie liée au tabac, JTI n’y est pour rien, ce sont ses clients qui en portent la responsabilité.
C’est d’autant plus malin que, dans l’actualité générale, il est facile de constater que beaucoup de gens se montrent rétifs lorsqu’on les oblige à faire quelque chose. Et Vassilis Vovos tourne discrètement des politiques incitatives en obligations.
Autre détail intéressant : cigarette électronique et tabac chauffé sont mises au même niveau par le cigarettier, en exacte opposition avec le discours des défenseurs de la vape.
Ce qui ressort globalement de l’interview de Vassilis Vovos, c’est que, pour JTI, le tabac combustible n’est pas de l’histoire ancienne. Le cigarettier se verrait bien prendre la place de Phillip Morris (« Aussi, nous souhaitons continuer à gagner rapidement des parts de marché sur le segment de la cigarette classique partout où nous opérons. Et si l’actuel numéro un décide d’arrêter de fabriquer des cigarettes comme il l’affirme, l’écart se réduira encore plus vite »).
Pour JTI, la cigarette électronique et le tabac chauffé sont vus, non pas comme une nouvelle activité destinée à remplacer leur ancien métier, mais comme de nouvelles perspectives de développement de marché. Monsieur Vovos annonce d’ailleurs que JTI espère devenir le leader du tabac chauffé d’ici 2030.
Dès lors, on se demande quel avenir reste-t-il à l’annonce du “Monde sans tabac” de PMI. Il n’est pas dans la nature des multinationales leaders sur le marché de se laisser phagocyter sans réagir.
Source : agefi.com/actualites/entreprises/jti-veut-devenir-le-leader-mondial-du-marche-du-tabac-des-2030