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France : l’effet passerelle s’invite au ministère de la Santé

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L’argument avancé pour justifier l’interdiction des puffs pourrait bien mettre en péril tout le secteur du vapotage français. 

Le ministère de l’insensé 

Hier, l’interdiction des puffs, les petites cigarettes électroniques jetables, a été définitivement votée. La mesure, qui entrera en vigueur dans les jours ou les semaines à venir, au moment de sa promulgation au Journal officiel, ne laissera aucune période de grâce aux revendeurs. Ces derniers devront donc les retirer des étals dès la parution de la mesure. 

Depuis ce vote, de nombreuses associations antitabac se sont exprimées. Alliance contre le tabac (ACT) parle d’une « victoire cruciale pour la santé publique », tout en réclamant une « interdiction de principe de l’ensemble des produits nicotiniques (hors cigarettes électroniques rechargeables et substituts nicotiniques), avant qu’ils ne se diffusent sur le marché, comme cela a été le cas pour les sachets et billes de nicotine ». Demain sera Non-Fumeur (DNF) a parlé d’une « avancée majeure pour protéger nos jeunes de la nicotine et limiter un fléau environnemental », tandis que le Comité national contre le tabagisme (CNCT) a repris le tweet de Karl Olive, député du département des Yvelines, qui décrit la mesure comme une « double victoire pour la santé et l’environnement »

Seule une réaction officielle manquait, qui n’a pas tardé à provenir d’un communiqué publié par le ministère de la Santé. Dans le document, pas moins de trois ministres s’expriment : Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux coins, ainsi que Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l’Économie sociale et solidaire. 

Le vapotage conduirait au tabagisme

Le ministère de la Santé explique que l’interdiction des puffs s’inscrit dans le cadre du Programme national de lutte contre le tabac 2023-2027, et répond « aux alertes des professionnels de santé, qui dénoncent une banalisation du vapotage chez les jeunes, ainsi qu’aux inquiétudes des associations environnementales face aux déchets toxiques générés par ces produits ». Catherine Vautrin, à la tête du ministère, se réjouit de l’adoption de cette mesure, notamment car les puffs « piègent trop souvent les jeunes dans une première consommation qui peut les conduire vers le tabagisme ». L’effet passerelle, qui fait ici sa première apparition, revient dès le paragraphe suivant lorsqu’il est indiqué que « les études montrent par ailleurs que l’initiation au vapotage augmente le risque de passage au tabagisme classique ». Une opinion visiblement partagée par Yannick Neuder qui parle d’un « pas décisif pour protéger nos jeunes d’une entrée dans le tabagisme »

Véronique Louwagie, ministre du Commerce dont on ne sait d’ailleurs pas vraiment pourquoi elle a été invitée à s’exprimer sur la question, se contente de répéter ce que disent ses collègues et indique, elle aussi, se réjouir de l’interdiction de la vente de ces produits dont il est « maintenant clair qu’ils sont la porte d’entrée vers le tabagisme, avec toutes ses conséquences »

Et tant pis pour ceux qui démontrent le contraire

Force est de constater que le ministère de la Santé de l’Hexagone n’a visiblement pas accès aux mêmes études scientifiques que le commun des mortels. Les recherches démontrant que le vapotage joue un rôle de détournement du tabagisme existent par dizaines. Il n’y a d’ailleurs même pas besoin de consulter la moindre étude pour s’en rendre compte, puisque de nombreuses enquêtes à ce sujet vont dans ce sens.

Le mois dernier, un rapport de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) indiquait que le taux de prévalence tabagique chez les jeunes avait diminué de moitié au cours des dix dernières années, en parallèle d’une augmentation du nombre de vapoteurs. Une diminution dont elle faisait également part dans son rapport l’année précédente.

Fin 2023, l’Institut National du Cancer (INCa) et l’Institut pour la Recherche en Santé Publique (IRESP) publiaient les résultats de leur recherche sur l’effet passerelle, réalisée dans le département de la Loire. Ses conclusions indiquaient que « aucune augmentation n’a été observée dans la progression du vapotage au tabagisme ».

Le mois précédent, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) rendait son rapport sur la question et indiquait que, dans les études mettant en avant l’effet passerelle, « la causalité n’est pas démontrée », tout en rappelant qu’un autre travail scientifique réalisé auprès des jeunes de 17 ans avait conclu que ceux qui avaient expérimenté le vapotage « étaient moins susceptibles de passer plus tard au tabagisme quotidien que ceux qui ne l’avaient pas fait ».

Autant de données, qui proviennent directement d’organismes français, qui démontrent l’absence de tout effet passerelle entre le vapotage et le tabagisme. Autant de données que le ministère de la Santé a visiblement choisi d’ignorer. 

Et maintenant ?

Fin octobre 2024, ce même ministère publiait, sur son site internet, une page au sujet de la cigarette électronique. Dans celle-ci était indiqué que « chez les jeunes, contrairement à ce qui a pu être craint un moment, la cigarette électronique ne semble pas entraîner d’effet passerelle vers le tabac », citant une étude de 2020 réalisée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) qui concluait que « l’expérimentation de la cigarette électronique en premier est associée à une réduction du risque de tabagisme quotidien ». Une page qui a disparu à peine quelques heures après sa publication, tout comme les vérités qu’elle apportait. 

Que certains fabricants de puffs soient allés beaucoup trop loin en termes de marketing n’est un secret pour personne, et il serait malhonnête de nier que, oui, certains produits adoptaient un design pour le moins douteux. Mais l’apparition du fantasme de la passerelle dans un communiqué officiel du ministère de la Santé est inquiétante. Si le monde politique l’utilise pour interdire les puffs, comment savoir qu’il ne s’attaquera pas ensuite aux systèmes ouverts pour la même raison, aussi mauvaise soit-elle ? 

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