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France : l’Agence Régionale de Santé dans une boucle (il)logique

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Qu’il n’y ait ni assez de recul ni assez d’études sur la vape est un argument acceptable, mais de plus en plus difficilement. Quand une autorité de santé refuse de contribuer à créer des connaissances sur la vape au prétexte qu’on manque de connaissances sur la vape, là, c’est plus dur…

Objection, votre honneur

La famille de lieux communs que l’on entend le plus sur la vape, c’est l’insuffisance de preuves. Entendez : on n’a pas assez de recul » ou « il n’y a pas assez de preuves scientifiques ». À propos de quoi ? De son innocuité d’un côté, de son efficacité de l’autre (dans la lutte contre le tabagisme).

Et c’est audible : après tout, pour commercialiser un médicament, puisque c’est l’exemple qui s’en rapproche le plus, il y a des études, des essais, une longue période d’observation. Mais il y a une grosse différence : dans le milieu médical, les scientifiques se sont mis d’accord, et l’ont fait valider par les autorités, sur un protocole. Combien de preuves faut-il ? Combien de temps la période d’observation dure-t-elle ? Tout cela est très précisément défini.

Pour la vape, ce n’est pas le cas. Et personne, parmi les décideurs, ne semble pressé de définir un temps d’observation suffisant et une charge de preuve acceptable, parce que cela les priverait de leur argument imparable.

Il y a pléthore d’études scientifiques sur la vape. Ses essais cliniques ont leur équivalent dans la consommation courante et durent depuis 21 ans maintenant, sur les millions de personnes à travers le monde. Si l’on comparait la recherche scientifique menée sur la vape depuis vingt ans et la longueur de son « essai clinique » de la vie réelle, on aurait de quoi commercialiser plusieurs centaines de médicaments.

Et pourtant, cette « insuffisance de preuves » est encore un argument utilisé malgré son insuffisance d’arguments. Et le pire, c’est lorsque cet argument est déployé pour contrer… De la science. Ce que démontre la mésaventure d’un médecin, le Docteur Philippe Grunberg.

Pas assez de preuves pour chercher des preuves

Philippe Grunberg

« Je suis médecin généraliste, installé en cabinet, et j’exerce également à l’hôpital » se présente Philippe Grunberg. Je m’occupe d’une équipe de liaison en addictologie (ELSA) c’est-à-dire que j’interviens auprès des patients hospitalisés pour les aider à résoudre leur éventuel problème d’addiction, principalement le tabac et l’alcool. ».

Pour lutter contre les méfaits du tabagisme, le Dr Grunberg a une idée : « proposer à chaque patient une vape, un pod simple, et instaurer au sein de chaque service un référent vape, qui serait en charge des liquides, des taux de nicotine, du fonctionnement global au quotidien, et, bien entendu, un suivi individuel de chaque vapoteur. Le directeur de l’hôpital soutenait le projet, et tout avait été validé par Jacques le Houezec, pour la partie addictologie, et notre fournisseur pour la partie technique ».

Reste à trouver le complément de financements. « J’ai répondu à un appel à projet de l’ARS, qui a répondu favorablement au niveau local, mais ses responsables m’ont indiqué que, pour un financement de cette ampleur, il fallait faire remonter le dossier à ses instances nationales ».

Et la validation n’arrive pas. « Les instances nationales de l’ARS ont refusé le projet. Les raisons ? Pas assez d’études sur la vape ».

Le texte de la réponse à l’appel à projets : « En date du 09/08/2024, l’avis Refusé a été donné au projet 202406999. Le Fonds de Lutte contre les Addictions ne finance que des actions de sevrage tabagique faisant l’objet de recommandations par la Haute Autorité de santé. En vertu des avis fournis par le Haut Conseil en santé publique et le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités “les données actuellement disponibles ne sont pas concluantes quant à l’efficacité des produits du vapotage en tant qu’outil pour arrêter de fumer par rapport aux traitements validés disponibles. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer les risques et les avantages potentiels de ces produits dans l’arrêt du tabac pour les fumeurs adultes” ».

Nous y sommes : il n’y a pas assez d’études sur la vape, selon l’ARS, donc ils ne peuvent pas autoriser ce qui pourrait donner lieu à une étude à grande échelle sur la vape. Le dernier à avoir osé quelque chose de similaire s’appelait Franz Kafka, qui est mort il y a un siècle tout pile, et c’était dans un roman pour dénoncer l’absurdité de l’administration.

Donner tort à Sénèque

Une nouvelle demande de subventions au niveau local, d’un montant beaucoup moins élevé, a été par la suite refusée par l’ARS. Motif ? « Les consignes au niveau national ». De manière très officielle, donc, les organismes d’état ont l’ordre de ne pas aider la recherche scientifique sur la vape.

En revanche, nous ne sommes pas parvenus à savoir ce que comptaient faire les instances nationales de l’ARS dans le futur. Peut-être, caresser le projet d’envisager la possibilité d’étudier l’éventualité de réfléchir à un nombre convaincant d’études sur la vape. Ou bien à continuer de déplorer les 70 000 morts annuels du tabagisme. Contribuer à produire de la connaissance utile semble, en revanche, exclu.

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