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COVID-19 : la vapeur peut-elle transporter le virus ?

Mis à jour le 20/10/2020 à 14h49
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Pour en savoir plus sur le sujet, nous avons consulté une dizaine d’experts scientifiques sur cette question qui taraude tous les esprits.

Au départ, la question était discrète. Au tout début de la crise, nous avons été consultés par certains spécialistes, puis sont venues les prises de position spontanées sur les réseaux sociaux, jusqu’à ce que le sujet commence à remplir les colonnes de certains journaux et nous pousse à mener quelques recherches.

La pandémie mondiale de Covid-19 presse les scientifiques du monde entier à comprendre la manière dont les infections au virus peuvent se produire. Mais faute de temps, peu d’études répondent encore aux questions les plus précises, comme celle de la transmission via différentes surfaces, par exemple, ou celle, peut-être moins populaire, mais qui nous concerne tous directement, d’une éventuelle transmission via la vapeur expirée.

Les journaux s’emparent du sujet et jettent un froid

Le 17 mars, dans le journal Glasgow Times, le microbiologiste écossais Tom McLean a déclaré que les vapoteurs pouvaient propager leurs germes via leurs nuages de vapeur. Selon M. McLean, la vapeur expirée peut transporter des gouttelettes et les laisser flotter dans l’air, prêtes à infecter quelqu’un à proximité.

Souffler de la vapeur est aussi bon que de se faire cracher au visage par quelqu’unTom McLean, microbiologiste

« Nous sommes tous habitués à marcher dans la rue maintenant et c’est un nuage suivi d’un autre nuage, suivi d’un autre nuage. Souffler de la vapeur est aussi bon que de se faire cracher au visage par quelqu’un. La vapeur elle-même contient des gouttelettes respiratoires, notamment de la salive, du mucus et des bactéries et, lorsqu’elle est soufflée, elle se déplace sur une longue distance et reste en l’air à hauteur de tête ».

Voilà de quoi inquiéter les plus paranoïaques d’entre nous et alimenter les journaux friands de nouvelles alarmistes. Mais très tôt, d’autres spécialistes s’invitent dans le débat et une riposte s’engage.

Le Dr Neal Benowitz, de l’Université de Californie à San Francisco, affirme le 23 mars, dans le journal britannique Daily Mail que le niveau de mucus et de salive dans la vapeur est si minime qu’il est peu probable qu’il provoque une infection.

« Je crois savoir que la vapeur de cigarette électronique expirée est constituée de très petites particules d’eau, de propylène glycol, de glycérine et de produits chimiques aromatiques, et non de gouttelettes de salive », déclare-t-il.

Je ne pense pas que les vapoteurs présentent un risque de propagation du Covid-19, à moins qu’ils ne toussent en expirant la vapeurDr Neal Benowitz, professeur de médecine

« L’aérosol qui se vaporise s’évapore très rapidement, tandis que les particules émises lors de la toux ou de l’éternuement sont de grosses particules qui persistent dans l’air pendant une période de temps relativement longue. Ainsi, je ne pense pas que les vapoteurs présentent un risque de propagation du Covid-19, à moins qu’ils ne toussent en expirant la vapeur ».

Commentant cette prise de position, Marie Harang-Eltz, directrice scientifique d’Enovap, souhaiterait rassurer les gens.

« J’aimerais qu’on les rassure car non, ce n’est pas du tout la même chose. Une infime partie de l’aérosol produit par la vape contient des particules de salive contrairement à lorsqu’on crache, où 100 % de l’aérosol sera constitué de gouttelettes de salive qui seront projetées à une force bien supérieure, donc pouvant atteindre de plus grandes distances », estime-t-elle.

« L’aérosol produit lors de l’expiration d’un vapoteur contient des particules très fines (diamètre de 2,5 μm max) contenant de l’eau, du PG, de la VG et qui évaporent très rapidement, non comparable aux particules de salive et de mucus produites lors d’une toux ou d’un éternuement de diamètre significativement supérieur (diamètre minimum de 8 à 14 μm) (3) qui sont aujourd’hui connues pour transmettre le virus. Certains scientifiques comme Roberto Sussman et Carmen Escrig (1) argumentent que l’aérosol produit lors de l’exhalation après une bouffée de vape serait plus similaire à une expiration car il ne propagerait qu’une faible quantité d’aérosol qui se déposerait à une distance proche du sujet alors qu’un éternuement produirait une bien plus grande quantité d’aérosol (jusqu’à des millions de gouttelettes) pouvant atteindre une plus grande distance avant de se déposer. La toux se trouverait entre l’expiration et l’éternuement, en propageant environ un millier de gouttelettes », affirme Marie Harang-Eltz.

Mi-mars, le journal Standard pose la question d’une éventuelle transmission du Covid-19 par la vapeur aux services de Santé du Royaume-Uni (NHS).

Rosanna O’Connor, directrice du département Tabac, Alcool et Drogues de Public Health England, y répond que « l’examen indépendant des preuves effectué par Public Health England en 2018 a révélé qu’à ce jour, aucun risque sanitaire n’a été identifié pour les passants en ce qui concerne la vaporisation passive. Il n’y a actuellement aucune preuve que le coronavirus peut être attrapé par l’exposition à la vapeur de la cigarette électronique ». Mais comment faut-il réellement interpréter cette phrase ?

La taille des particules

Nous avons contacté différents experts scientifiques habitués des questions du vapotage, et la plupart avouent être prudents sur la question. Les gouttelettes générées par l’aérosol d’une cigarette électronique peuvent en effet atteindre une taille maximale de 2,5 μm (2) alors que les particules contenues dans une toux humaine peuvent atteindre entre 8 et 14 μm.

Entre une gouttelette de 2,5 µm (taille maximale dans la vapeur) et une gouttelette de minimum 8 µm (taille minimale dans la toux humaine), il y a un rapport de volume et donc de masse de 32. Entre une gouttelette de 2,5 µm (taille maximale dans la vapeur) et une gouttelette de 14 µm (taille maximale dans la toux humaine), il y a un rapport de volume et donc de masse de 175.

Les particules contenues dans la vapeur peuvent atteindre une taille minimale de 800 nm

Les particules de la vapeur peuvent avoir un diamètre bien inférieur à celle d’une toux. L’étude de Floyd et al. indique qu’elles peuvent en fait atteindre 800 nm (une variation qui oscille d’ailleurs entre 0.016 et 19.8 μm) dans la vapeur (4). 

Les gouttelettes de petite taille peuvent se diffuser plus loin mais elles sont aussi moins lourdes, moins volumineuses et donc peu susceptibles de véhiculer une charge virale suffisante pour contaminer. Les gouttelettes plus grosses, plus lourdes, peuvent davantage véhiculer une charge virale susceptible de contaminer. Cependant, parce qu’elles sont plus lourdes, elles tombent plus rapidement, c’est pourquoi une distanciation de 1 m minimum a été retenue dans les recommandations sanitaires.

Le trajet des particules dans la vapeur est également important à prendre en compte, à savoir leur origine dans les voies respiratoires (supérieures ou inférieures). On pourrait se questionner en effet sur le risque accru d’une possible transmission du virus via des gouttelettes très fines provenant des voies respiratoires inférieures. La question de la force de l’air expiré, nuage versus éternuement, peut elle aussi être posée. Plus les gouttelettes sont chargées, donc concentrées en virus, plus elles peuvent contaminer. Il convient donc de se pencher sur la nature (origine/composition) et la concentration potentielle en virus (charge virale) des gouttelettes d’aérosol dans le cas du vapotage puis dans le cas d’un éternuement.

Dans le cadre du vapotage, les gouttelettes sont constituées de PG/VG et d’eau issue de l’air et des voies respiratoires supérieures et inférieures de l’individu. D’après certains spécialistes que nous avons interrogés, le temps de passage des gouttelettes est de moins de 5 secondes dans les voies respiratoires et pourrait laisser peu de temps à un phénomène de diffusion depuis les organes contaminés vers les gouttelettes.

La vapeur de l’e-cigarette joue un rôle de révélateur de l’air que nous inspirons et expirons habituellement, à l’instar de la condensation en hiver. La vapeur permet de « voir » ces échanges d’air. Sans cigarette électronique, nous ne voyons pas les nuages d’air que nous inspirons et expirons, pourtant ils sont également présents. Nous n’avons pas conscience de respirer en permanence une dilution de l’air qui vient d’être expirée par nos voisins (dilution dépendante du volume de la pièce et de son taux de renouvellement d’air (TRH)).

La charge virale dans l’air expiré devrait être très proche avec ou sans vapeur d’e-cigarette

Dans le cas d’un éternuement : les gouttelettes sont constituées par un mélange de salivemucus provenant des voies respiratoires supérieures et inférieures, donc potentiellement extrêmement concentré en charge virale.

L’avis de Public Health England est donc plausible. L’examen indépendant des preuves effectué par l’organisme gouvernemental anglais en 2018 a révélé « qu’à ce jour, aucun risque sanitaire n’a été identifié pour les passants en ce qui concerne la vaporisation passive. Il n’y a actuellement aucune preuve que le coronavirus peut être attrapé par l’exposition à la vapeur de la cigarette électronique ».

Une inquiétude qui n’a pas de raison d’être

Pour le médecin spécialiste du vapotage Riccardo Polosa, « bien qu’il n’y ait pas de données expérimentales, il est possible qu’en se vaporisant, l’utilisateur infecté puisse propager des virus. Mais cela ne serait pas différent d’une respiration normale. L’inhalation d’un aérosol de cigarette électronique propage les virus à la même distance que la respiration. Si une personne infectée éternue ou tousse, le virus se propagera à une distance double ou triple ».

Plus rassurant encore, les Laboratoires Xérès indiquent, via son cofondateur Antoine Piccirilli, que « sur le plan de sa structure macromoléculaire, un virus est constitué d’un génome (acide nucléique) encagé dans un ensemble de protéines qui se recroquevillent pour former une sorte de cage (appelée capside) destinée à protéger ledit génome.

Sur le plan chimique, l’aérosol d’une e-cigarette est fortement concentré en glycol (PG, 1,3 propanediol Végétol). Outre l’effet antimicrobien de ces molécules, il s’avère que les glycols sont des dénaturants connus des protéines et des acides nucléiques. Pour rappel, la dénaturation est un processus biochimique dans lequel les protéines et les acides nucléiques perdent leur structure native – c’est-à-dire active – sous l’effet d’un agent chimique : acide, base, ou encore solvant tel que les glycols.

Aussi, on peut aisément imaginer qu’au sein des particules d’une vapeur exhalée par un vapoteur contaminé, le virus présent à très faible concentration par rapport à celle du glycol serait fortement soumis à un stress dénaturant. De même, le caractère basique de la nicotine pourrait aussi contribuer à une dénaturation des constituants essentiels du virus ».

De son côté, le médecin tabacologue Pierre Rouzaud regrette que la vapeur ne soit plus chaude, car « la fumigation est très efficace pour tuer les virus dans la gorge ou le nez, j’en recommande souvent à mes patients, dont certains récemment infectés par le coronavirus ». La vape est déjà une avancée majeure de santé publique, mais on ne pourra malheureusement pas lui attribuer aussi cette qualité.

Un principe de précaution s’impose dans tous les cas

D’après nos recherches et nos multiples entretiens avec des scientifiques, le doute subsiste tout de même quant à la capacité de la vapeur à transporter le virus dans l’air. Rien ne prouve que le Covid-19 peut s’attraper au contact d’un vapoteur infecté qui relâche dans l’atmosphère son nuage de vapeur, mais rien non plus ne prouve le contraire. Seules les questions demeurent, et par prudence nous concluons à la nécessité de ne pas vapoter dans les lieux fermés et de se tenir éloigné des autres lorsque l’on apprécie son e-liquide par temps de crise sanitaire comme celle que nous vivons actuellement.


(1) “Vaping and Sars-cov-2 and Covid-19” – Technical information for vapers – Roberto Sussman and Carmen Escrig : casaa.org/news/vaping-covid-19/

(2)Fernández, Esteve; Ballbè, Montse; Sureda, Xisca; Fu, Marcela; Saltó, Esteve; Martínez-Sánchez, Jose M. (2015) – “Particulate Matter from Electronic Cigarettes and Conventional Cigarettes: a Systematic Review and Observational Study” Current Environmental Health Reports- 2 (4): 423–429 – doi:10.1007/s40572-015-0072-x

(3)“Human Cough as a Two-Stage Jet and Its Role in Particle Transport” -Jianjian Wei, Yuguo Li – PLOS – Published: January 3, 2017 – https://doi.org/10.1371/journal.pone.0169235

(4)“Electronic cigarette power affects count concentration and particle size distribution of vaping aerosol” – Evan L. Floyd, Lurdes Queimado, Jun Wang, James L. Regens, David L. Johnson – PLOS – Published: December 31, 2018 https://doi.org/10.1371/journal.pone.0210147