Qu’y a-t-il de meilleur qu’une bonne vape et un bon livre pour passer agréablement le temps ? Ne faites pas ça, malheureux ! La vape et la lecture sont comme l’amanite et la phalloïde : une combinaison mortelle. Vous ne me croyez pas ? Démonstration du vendredi.
La bibliothèque de l’angoisse
Vous vous êtes parfois senti un peu abattu, déprimé, pas bien, le moral dans les chaussettes, étouffé ? Vous avez perdu toute énergie pour défendre la cigarette électronique ? Vous pensez que ces sensations désagréables sont dues au flot quasi-quotidien d’insanités dont on nous abreuve sans répit sur la vape, et aux mauvaises nouvelles fiscales qui pointent leur nez à l’horizon ?
Vous n’y êtes pas. La vérité, c’est que c’est dû à une mauvaise habitude que vous avez contractée, et que l’on vous a toujours présentée comme anodine. Vous lisez des livres. Voilà le problème.
Et lire des livres, c’est ce qu’il y a de pire pour le moral. Parce que la lecture est un antidote à l’optimisme. Véritablement. Vous en doutez ? Mais que Diable, c’est pourtant là, sous vos yeux ! Réfléchissez, remémorez-vous vos meilleurs moments de lecture. Maintenant, essayez de voir de quoi l’histoire parle. Tenez, quelques exemples :
« Le Seigneur des Anneaux » : Frodon hérite de son oncle Bilbon. Ça tourne mal.
« Histoire d’O » : le mec d’O l’emmène en week-end à Roissy. Ça tourne mal.
« Les dents de la mer » : des touristes partent en vacances à la mer. Ça tourne mal.
« La huitième couleur » : un touriste embauche un guide local. Ça tourne mal.
« Le journal de Bridget Jones » : La supérette du quartier où habite Bridget fait une promo sur le chocolat. Ça tourne mal.
« La Bible » : un type vient expliquer que ce serait bien de se montrer sympa avec les gens, pour changer. Ça tourne mal.
« Harry Potter » : bon, ben lui, on peut vraiment dire que sa scolarité, ça tourne mal.
« Le nom de la Rose » : deux moines viennent assister à une conférence. Ça tourne mal.
« La Peste » : un médecin va au travail comme chaque matin. Ça tourne mal.
« Don Quichotte » : la minoterie s’industrialise. Ça tourne mal.
« L’appel de Cthulhu » : des marins sont sur un bateau. Ça tourne mal.
« Astérix le Gaulois » : toute la Gaule est occupée. Toute ? Ça tourne mal.
Un livre de Paulo Coelho : là, c’est vous qui tournez mal.
Vous voyez ? Quel que soit le livre que vous lisez, tout paisible et bucolique qu’il soit, comme une douce soirée à regarder le soleil se coucher sur la Comté, l’horizon de l’histoire est toujours barré d’un voile noir qui se rapproche à la vitesse d’un Nazgül au galop.
Certains me feront remarquer que, si l’histoire d’O tourne mal, O elle-même n’a rien contre, au contraire. Oui, mais bon, pour un lecteur vanille, ça tourne mal. Et si vous avez répondu quelque chose du genre « pas tant que ça… », envoyez-moi vos coordonnées, je les transmettrai à Maîtresse Sévère, vous êtes pile le genre de profil qu’elle recherche.
Pendant des années, on vous a fait croire que les livres vous procuraient la dose d’évasion dont vous aviez besoin pur échapper à un quotidien sordide, alors qu’en fait, ce sont eux qui entretenaient cette sordidité. Mais la vérité a été dévoilée, le complot démasqué, nous ne nous laisserons plus faire, hardis camarades ! En route pour des lendemains qui chantent, vapons tous en chœur, tout danger désormais écarté sur la route qui mène à l’abattage de la cigarette !
Mais non, mais non, n’ayez crainte, tout va bien se passer.
Évidemment, vous pouvez ne pas être d’accord avec moi quand à l’avenir et au rôle de la lecture dans la vape. Ça ne me contrarie pas. La seule chose qui me ferait de la peine, c’est que vous disiez que cet article est mal tourné.
“Et voilà, encore un article du vendredi rondement mené. Quelle heure est-il ? Nickel, j’ai juste le temps de faire un saut chez le libraire”.