Le géant Philip Morris travaille ardemment (beaucoup de gros sous en jeu) sur une offre alternative à la cigarette traditionnelle mais aussi alternative à toutes les autres pistes actuellement existantes : une cigarette que PMI* appelle « à risques réduits »
C’est au travers de pas moins de cinq articles parus le 13 février dernier que le magazine internet Le Temps (nos amis suisses) traite de l’industrie du tabac avec pour thème principal cette nouvelle cigarette dite propre et développée par Philip Morris, en Suisse, dans le « Cube ».
Avant de présenter cette alternative, je vous invite à lire ces quelques chiffres concernant la firme Philip Morris. Je préfère prévenir, la tête va vous tourner :
- 16,3 % : c’est le pourcentage de parts de marché de la firme dans le monde (avec une tendance à la hausse en Chine – qui réalise 26 % de ses ventes mondiales, contre 12 % aux Etats-Unis – et dans les pays en voie de développement)
- 78 000 collaborateurs dans le monde
- 24 milliards : le nombre de cigarettes qui sortent de son usine suisse neufchâteloise en 2012, dont 20 milliards s’exportent vers 40 pays.
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Le CUBE et son nouveau produit
- 218 millions de francs suisses : le prix du fameux Cube, bâtiment en verre qui abrite l’équipe en charge de développer les nouveaux produits du tabac dits « à risques réduits » de PMI ;
- 400 : le nombre de chercheurs dans le Cube, issus majoritairement du monde de l’industrie…pharmaceutique !
- 250 millions de dollars : l’investissement réalisé par PMI en 2012 dans les travaux de recherche uniquement dans le Cube ;
- 800 millions de dollars : c’est l’investissement réalisé par PMI pour la construction de son usine dédié à cette nouvelle « cigarette propre » ;
- 30 à 50 Milliards : le nombre d’unités supplémentaires qui s’ajouteront aux volumes actuels annuel de Philip Morris
- 720 Millions à 1,2 milliard de dollars : le bénéficie envisageable pour PMI
Et puis :
- 8 (4 + 4) tests cliniques ; le nombre de tests réalisés par la firme auprès de fumeurs adultes, résultats attendus au cours de l’année.
Jean-Paul Humair déclare : « On ne peut pas faire confiance à une industrie dont le produit tue 5 millions de personnes par an. »
Cherchez l’erreur. Lorsqu’une firme révèle, avec fierté ou devrais-je dire morgue, de telles sommes (1,2 milliard de bénéfices sans faire son beurre sur le dos d’une nouvelle fange de la population, non non, ce sera auprès des vilains fumeurs de cigarette traditionnelle, désireux d’arrêter. Enfin ceux qui voudront bien encore leur faire confiance), moi je dis que l’on nous prend pour des pigeons.
Ils investissent des millions de dollars dans la recherche (celle sur le produit), la fabrication, la commercialisation, etc. et déclare en toute impunité que parallèlement des études cliniques sont menées : 8.
8 contre 1 2000 000 000 de bénéfices potentiels.
A son corps défendant, François Thoenen, directeur des affaires publiques de Philip Morris Suisse, affirme que les recherches sont menées selon un processus rigoureux (ouf)… « Démarche similaire aux processus d’évaluation utilisés par l’industrie pharmaceutique ». Les résultats sont visibles sur leur site collaboratif.
Pour autant cette démarche ne convainc pas tout le monde, y compris une partie du corps médical, encore traumatisée par les avancées « technologiques » de l’industrie du tabac : filtre, menthol, etc.
Quel est donc ce produit miracle qui va enrichir la pauvre industrie du tabac ?
La cigarette dite « à risques réduits » ressemblera à une cigarette traditionnelle. Dois-je vous rappeler que notre ministre de la santé en France condamne l’e-cig en partie parce qu’elle ressemble ou s’approche trop de la cigarette à base de tabac.
Donc cette cigarette propre ressemblera aux autres cigarettes. Elles se fumeront comme telles. Que va dire Marisol Touraine ? Elle va râler j’espère.
Pour l’instant sans nom, le Cube la surnomme Plateforme 1, ce qui laisse penser qu’il y aura un 2.
On sait toutefois (car pas facile d’obtenir des infos, le secret étant est bien gardé malgré les gigantesques parois en verre qui abrite le Cube), « qu’elle consiste en un fourreau noir, dans lequel sont insérés des sticks de tabac avec filtre, mais dont la partie fumable est réduite d’environ deux tiers par rapport à la cigarette classique. La gaine électrique chauffe le tabac à une température nettement inférieure à celle d’une cigarette classique : donc sans la bruler. »
La nouveauté est là : cette cigarette évite la combustion, responsable majeure des cancers du poumon. Les constituants nocifs, inhalés par le fumeur, sont réduits, tout en conservant un niveau de nicotine satisfaisant pour les fumeurs.
La firme déclare que le but « suprême » recherché est bel et bien que les consommateurs de cette nouvelle forme de cigarette sans combustion, s’abstienne totalement de fumer des cigarettes classiques.
J’aurai bien voulu lire : que tous les fumeurs de cigarettes classiques arrêtent au profit d’une autre alternative. Pourquoi pas celle-ci, s’il est prouvé qu’elle peut véritablement aider les fumeurs à arrêter ? Mais pourquoi pas les autres alternatives, souvent critiquées alors qu’on les sait bien moins novices et plus appréciées par les consommateurs. par exemple, la cigarette électronique, le tabac à priser seulement accepté en Norvège, les autres produits du tabac « heat not burn » très largement plébiscité par le corps médical (Jean-François Etter par exemple).
D’autres alternatives sans avenir tant que la législation ne reconnaitra pas son existence
La piste du tabac chauffé, non brûlé, date d’il y a presque un quart de siècle, piste abandonnée ou sans réel succès pour cause d’abonnés absents. Pour quelles raisons ? Problème de commercialisation et d’ergonomie selon Philip Morris.
D’un autre côté, Japan Tabacco International (JTI) lance en 2013, Ploom, créée en 2006 par James Monsees et Adam Bowen. Il s’agit d’une cigarette chauffante qui ressemble à une e-cigarette. La firme annonce l’ouverture de 600 points de vente à Rome, Milan et en Autriche. Situation assez cocasse quand on connait la position de l’Italie sur la cigarette électronique et où Ploom est vendue en bureau de tabac depuis octobre 2013 pour la somme de 29,90 euros. Et pour 4,5 euros, vous achetez douze Vapods (cartouches) ce qui revient à fumer l’équivalent d’une quinzaine de cigarettes classiques par Vapods. Pour ses utilisateurs il s’agit d’une véritable révolution : c’est la seule cigarette électronique qui utilise du vrai tabac et qui permet à son utilisateur de ne tirer dessus que 5 à 10 minutes (comme une cigarette classique) par cartouche.
L’autre piste du tabac sans combustion est le Snus. Seule les pays scandinaves l’autorisent et observent d’excellents résultats sur le cancer du poumon, alors que l’Europe et la Suisse continue à l’interdire sous couvert de cancers de la bouche et du pancréas. Le Snus est pourtant moins nocif puisqu’il ne touche directement ni les voies respiratoires, ni les poumons.
La Suisse et l’Europe en général traine à reconnaître qu’il existe une catégorie « hybride » de produits du tabac, alors que c’est partiellement le cas aux États-Unis.
De quelles législations, Plateforme 1de Philip Morris va-t-il dépendre. Sous l’étiquette « produits à risques réduits » ?
Il s’agit donc bien à la fois, pour la firme Philip Morris, d’un défi médical et réglementaire. Son « heat not burn » est un nouveau standard du tabac à nocivité réduite, une catégorie qui chez nous, vieux continent, n’existe pas, alors que de l’autre côté de l’Atlantique, la Food and Drug Administration (FDA) s’est en partie prononcée en définissant des pré-requis scientifiques pour les produits appelés « Modified Risks Tabacco Products ».
Mais ce cadre est-il exportable ? C’est en tout cas ce qu’espère François Thoenen qui mise tout sur la reconnaissance de ces produits et leur potentiel de réduction des risques.
Optimiste Monsieur Thoenen, quand on sait que le Parlement européen range la cigarette électronique aux côtés des cigarettes classiques et qu’il n’est pas question de créer une catégorie hybride pour ces produits et que l’OFSP (Office Fédéral de la Santé Publique) suisse annonce que le pré-projet de la loi sur les produits du tabac est encore en phase d’élaboration.
Trop tôt donc pour se prononcer même si le Conseil fédéral suisse a rappelé en novembre dernier que « la question des autres produits du tabac serait examinée en tenant compte de la réglementation au niveau international ». Mais de quel international vont-ils s’inspirer ? L’Europe ou les États-Unis ?
*PMI : Philip Morris International