« Tombez dans la vape » ce cri du cœur, poussé par Bernard Gasq, président de la fédération des buralistes d’Île de France dans son billet d’humeur dans le mensuel Buralistes, donne le ton : la profession compte bien devenir le référent incontournable des futurs vapoteurs…. et des politiques. Avec une vision bien à eux.
Humeur conquérante
Bernard Gasq est président de la fédération des buralistes d’Île de France, et auteur d’un édito toujours suivi dans le mensuel Buralistes, organe de communication de la fédération Île de France/Oise/Seine Maritime.
« Au début, on pouvait se demander si la cigarette électronique allait vraiment fonctionner. C’était une mode. Et puis, peu à peu, le marché s’est stabilisé aussi bien au niveau de la demande que de l’offre. Aujourd’hui en France, on compte deux millions de consommateurs.
Alors, c’est maintenant qu’il faut agir. Parce que sur ces deux millions de consommateurs, 73 % fument aussi du tabac. Autrement dit, 73 % passent régulièrement dans notre réseau : ça fait 1,5 million de vapoteurs. Vous voyez où je veux en venir ? Si ce million et demi de clients va acheter sa cigarette électronique ou se fournir en e-liquide autre part que chez nous, c’est qu’on a raté quelque chose … »
C’est clair, non ? Les représentants des buralistes ont réalisé tout le potentiel commercial que présentait la vape. Et sans doute du danger que représentaient les boutiques de vape : vendant exclusivement ce produit, elles pourraient faire basculer totalement les fumeurs vers ce moyen de consommation de la nicotine, et faire perdre du coup le client au buraliste : ils ne lui vendront plus ni e-liquide, ni cigarettes.
Toute la différence est là, sans doute : les magasins de vape ne vendent que de la vape et ont intérêt à sortir leurs clients du tabac. Les buralistes vendent de tout, et ont intérêt à vendre… N’importe quoi, tant que l’argent rentre dans les caisses.
Précisons que c’est le discours des pontes du secteur. Parce que le bureau de tabac-PMU-bar-journaux du coin, lui, il veut juste assurer la survie de son commerce. Ses clients, il les connaît personnellement, et ce cynisme n’est pas le sien.
Au passage, le choix des mots de Bernard Gasq est… intéressant, disons : « Tomber » dans la vape. On tombe de haut, on tombe sur un os, on tombe dans l’alcool, on tombe dans la dépression, on tombe parfois sur une ex, ce qui est peut-être le pire… On ne tombera pas dans le travers d’accuser les buralistes d’excès d’enthousiasme, en tout cas.
Position dominante ?
Pendant ce temps, Philippe Coy, président du directoire de la confédération des buralistes, et Patrick Falewee (président de la fédération des buralistes du Nord) ont rencontré Xavier Bertrand au conseil régional des Hauts-de-France, à Lille. L’objet était de parler un peu de tout.
Plus précisément d’apprentissage, parce que l’emploi des jeunes, c’est important. Après tout, un apprenti, ça sert bien, c’est pas cher, surtout avec les aides, et ça fait un jeune de moins au chômage, ce que les politiques apprécient. Ils ont aussi parlé des services de l’état qui pourraient être assurés par les buralistes. Également au programme, les bases de l’intensification du dialogue entre les marchands de tabac et les collectivités locales. Enfin, la lutte contre le marché parallèle, entendez les trafics.
Là encore, la stratégie est claire : contre de menus services, qui vont faire baisser les dépenses des collectivités et augmenter les revenus des buralistes, ces derniers acquièrent petit à petit une place d’interlocuteurs privilégiés. Tout en se rendant indispensables, ils font des édiles locaux leurs débiteurs.
On peut supposer que, le jour où les syndicats buralistes viendront demander le monopole de la vape aux politiques, en rappelant que si on les contrarie et les pousse à faire gréve, c’est non seulement le bureau de tabac, mais aussi la poste, le service des cartes grises etc. qui ferme, il sera très difficile de dire non.
Bien entendu, c’est prêter aux buralistes des intentions qu’ils n’ont peut-être pas. Ne présumons de rien. Mais, tout de même : tout cela ressemble furieusement à l’organisation d’une position dominante face à laquelle les boutiques de vape ne pèseront rien. Position dominante ? Ce n’est même pas un abus de langage.