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Un dessin, une vape : interview, Bruno Bellamy et les Bellaminettes

Mis à jour le 20/11/2023 à 22h34
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Pour les vieux rôlistes, Bruno Bellamy, c’est bien entendu le créateur de la Bellaminette qui illuminait les pages de Casus Belli et l’illustrateur de Pirate Magazine. Pour les fans de BD, c’est l’auteur de “Romance sur Mars”, et d’albums chez Dargaud ou Delcourt. Un grand Monsieur de l’illustration geek, qui répond aux questions en mode fan du Vaping Post.

Les photos et dessins qui illustrent cet article sont publiées sous autorisation de Bruno Bellamy et sont la propriété exclusive de leur auteur. 

Bruno Bellamy bonjour, merci d’accepter de répondre aux questions du Vaping Post. Tout d’abord, pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas (j’en vois deux, au fond) pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour. 🙂

Je suis auteur de BD et illustrateur. J’ai fait (seul ou avec des scénarios de Marc Bati, selon les cas) quelques albums BD chez divers « grands » éditeurs (Dargaud, Delcourt, etc), et une quantité astronomique d’illustrations dans un nombre à peine moindre de magazines, essentiellement dans l’univers du jeu de rôle, des jeux de cartes à collectionner, des jeux vidéo, de l’informatique, Linux, etc, principalement d’ailleurs (mais pas que) en illustrant leurs pages avec des créatures gentiment sexy, désormais connues, de la population de geeks qui lisaient cette presse, sous le sobriquet de « bellaminettes ». Et depuis quelque temps, pas mal dégoûté du circuit traditionnel de l’édition, et surtout à la recherche de plus de liberté, je me suis lancé dans l’auto-édition.

Vous avez collaboré avec de nombreux magazines, tous absolument cultes pour, à chaque fois, un public précis, comme entre autres Pirate Mag’, et l’illustre Casus Belli. Ccomment devient on dessinateur de magazines geeks avant l’heure ?

Un peu par hasard, je pense, mais enfin surtout par goût… 🙂

J’étais moi-même passionné par ces univers, et quand j’ai commencé à prospecter pour trouver du travail afin de vendre mes compétences de dessinateur, je me suis tout simplement dit que le plus cool serait de travailler pour des magazines qui parlent de choses qui m’intéressent. J’ai donc tout naturellement tenté ma chance auprès de Casus Belli, parce que j’étais passionné de fantastique et de mondes imaginaires, et que c’était clairement leur fonds de commerce, et de divers magazines d’informatique, parce que c’était aussi un domaine qui m’intéressait et où j’avais un peu d’expérience.

Chez Casus, j’ai été accueilli très gentiment par Didier Guiserix, le rédacteur en chef, qui a eu la sagesse de voir dans mon travail (qui était, pour l’époque en tout cas, sans doute un peu trop « coquin » pour ce dont leurs lecteurs avaient l’habitude) quelque chose qui pouvait apporter un peu de fraîcheur et d’audace dans leurs pages. Et chez ST Magazine, mensuel disparu depuis bien longtemps, et qui était le premier titre en informatique où je me pointais, j’avais RDV avec un rédac’chef qui n’était déjà plus là. Le nouveau rédacteur en chef, dont c’était le premier jour, m’a vu et m’a demandé « t’es qui, toi ? ». J’ai dit « je suis dessinateur ». Il m’a dit « t’es dessinateur ? Assieds-toi là et dessine ! ». Je suis resté presque deux ans, et c’est comme ça que j’ai démarré une longue carrière d’illustrateur dans la presse informatique et jeux vidéo, où s’est probablement constitué la plus grande part de mon lectorat… 🙂

Vous même, vous êtes rôliste ? Si oui, vous jouez à quoi ?

Ma participation à l’iconographie française dans l’univers du JdR m’a toujours un peu paru être une sorte d’escroquerie, parce que durant la longue (15 ans !) période où j’ai assez régulièrement illustré Casus Belli, je n’ai pour ainsi dire jamais joué à un seul jeu de rôle ! J’avais pas le temps, j’étais en train de dessiner… 😉

C’est plus récemment que j’ai eu quelques opportunités de jouer à quelques jeux dont je ne me souviens déjà plus des noms (Vampires, je crois, un jeu en ligne, avec un ami, et un jeu dans un univers steampunk, je ne sais plus très bien, je me souviens juste que c’était très sympa), et plus récemment je me suis retrouvé en contact avec quelques geeks et rôlistes dans ma région, et il semble que nos parties de JdR (dans l’univers de Naheulbeuk) pourraient devenir un rendez-vous régulier, ça serait cool. Mais au total, j’ai peut-être joué trois ou quatre fois à un JdR, c’est dire si je suis encore un newbie. 😉

Tous ces magazines appartiennent à une sorte d’époque héroïque, beaucoup ont disparu, d’autres ne se ressemblent plus comme Casus par exemple. Quel est votre regard sur ces deux époques ?

Je regrette un peu de ne plus avoir autant d’opportunités de travailler dans la presse, mais bon, tout change, faut s’adapter… Le truc, c’est aussi que, professionnellement, ça a toujours été assez difficile, le statut d’illustrateur étant extrêmement précaire, et beaucoup d’éditeurs de presse étant, pour dire le moins, très peu scrupuleux. Avec Casus (l’ancienne version, à cette époque en effet héroïque), ça s’est toujours très bien passé, ou avec le Virus Informatique, seul magazine pour lequel je travaille encore aujourd’hui. Mais pour beaucoup des autres magazines pour lesquels j’avais travaillé, y compris ceux dans lesquels mon travail m’a pourtant acquis une certaine notoriété, c’était parfois difficile, au point que souvent la collaboration s’est interrompue de manière assez violente (plusieurs mois de boulot jamais payés, originaux volés, ce genre de gags…). Donc bon, y’avait des côtés sympas, mais aussi des galères, qui ne se voyaient certes pas dans les dessins, mais qui ont contribué à ce que je ne regrette pas trop non plus cette période. En gros, si je ne suis plus aussi présent dans la presse c’est sans doute moins parce que la presse a cessé de s’intéresser à mon travail que parce que j’y ai claqué suffisamment de portes pour avoir envie d’autre chose… 😉

Vous avez des influences, en dessin, en BD ? Qui sont vos sources d’inspiration, voire vos modèles ?

Plein d’artistes m’ont influencé, bien sûr ! L’art nourrit l’art… Je ne saurais citer tout le monde, mais il y a quelques grands noms que je dois mentionner, comme Alphonse Mucha, Kosuke Fujishima, ou, tout particulièrement, Jean « Mœbius » Giraud. Surtout Mœbius, donc, parce que c’est vraiment à la lecture de ses BD, quand j’étais ado, que j’ai pris la décision de faire ce métier plus tard. Et aussi parce que -et ça c’est une chance extraordinaire- j’ai eu l’occasion de le rencontrer, de sympathiser avec lui, et de profiter de ses conseils et de ses encouragements. S’inspirer de grands artistes, c’est chouette, avoir le privilège de les rencontrer en vrai et de devenir pote avec eux, c’est merveilleux ! 🙂

Je parle d’ailleurs de cette influence et de cette rencontre quasiment surréaliste sur une page de mon site : https://bellaminettes.com/bd/inspi/moebius.php

Vous dessinez à l’ancienne, papier, crayon, ou vous êtes plus tablette graphique ?

Heu… Oui et oui !:)

Je dessine avec ce que j’ai sous la main, ou en fonction des besoins. Parfois je gribouille dans mon carnet de croquis, et souvent je scanne ce que j’ai fait pour y apporter des retouches ou redimensionner l’image ou la « nettoyer » avant de l’imprimer pour la reprendre à la table lumineuse sur un papier plus adapté à une mise en couleurs traditionnelle (aquarelle, par exemple), et parfois je prends ma tablette graphique et j’attaque direct en numérique. Je me fiche un peu du support et des outils, à vrai dire. Ce qui m’importe c’est que si j’ai une image dans la tête, eh bien j’essaye de la retranscrire correctement. 🙂

J’aime bien l’outil numérique, et il m’arrive même parfois de mixer de la 3D (j’adore faire de la modélisation 3D, avec le logiciel libre Blender) avec du dessin 2D traditionnel.

L’époque où j’ai travaillé dans la presse informatique, aux débuts de l’époque (les années 80 !) où des ordinateurs comme l’Atari ST ou l’Amiga commençaient à donner accès aux particuliers à des outils graphiques de très haut niveau, m’a sans doute pas mal influencé. J’étais embauché comme illustrateur dans ces magazines, mais quand le rédacteur en chef a réalisé que j’écrivais très bien, et très vite (et sans fautes, ce qui était l’équivalent d’un authentique super-pouvoir au sein d’une équipe rédactionnelle composée quasi exclusivement d’informaticiens, et donc avec un niveau en grammaire et orthographe assez pathétique !), et que j’étais capable d’analyser et de décrire le fonctionnement d’un logiciel pour en donner un aperçu utile aux lecteurs, je me suis retrouvé catapulté chef de rubrique, et je testais quasiment tout ce qui sortait comme logiciels de création graphique 2D et 3D sur Atari ST, ce qui me plaisait beaucoup, puisque j’étais passionné d’imagerie numérique depuis l’arrivé de films comme « Tron » ou « The Last Starfighter ». Le public actuel n’imagine sans doute pas la révolution que ça a été, il y a plus de 35 ans, mais l’imagerie numérique de l’époque, aussi rudimentaire qu’elle ait pu être, c’était comme de la magie. Et pouvoir s’en rapprocher en bidouillant sur des ordinateurs personnels qu’on pouvait s’acheter en économisant les sous d’un job d’été, c’était extraordinaire… 🙂

Votre personnage le plus emblématique, c’est la fameuse Bellaminette. Pour nos deux lecteurs du fond, vous pouvez nous expliquer qui est la Bellaminette ?

Eh bien la presse que j’évoque ci-dessus avait un contenu souvent un peu austère, très technique (il faut s’imaginer : c’était encore l’époque où on publiait des listings de code source dans la presse informatique !), et l’imagerie supposée faire la promotion des logiciels était encore assez pauvre, sans compter que comme les graphismes des machines de l’époque étaient en très basse résolution et enpeu de couleurs, les captures d’écran ne rendaient pas grand-chose. Comme je m’étais pointé à la rédaction de ces magazines en montrant surtout ce que je préférais dessiner, c’est à dire des jeunes filles peu vêtues, j’en ai dessinées ici et là pour égayer des pages qui en avaient bien besoin et… ça a plu.

Idem pour les univers de jeux de rôle, où ça n’était pas forcément très évident au début (Excelsior, la maison mère de Casus Belli, avait d’abord jugé mes contributions au magazine peu convenables, mais finalement c’est très bien passé auprès de la rédaction et, surtout, du public).

Les bellaminettes, on l’aura compris, ce sont les « minettes » dessinées par Bellamy. 

Mon ambition a toujours été, au travers de ces personnages, d’apporter un peu de tendresse et de douceur, qui s’exprimait par le biais d’un érotisme plutôt « gentil », surtout pas provocateur (il ne s’agissait pas du tout de transformer ces publications en « magazines de charme » !), et de mettre en scène des personnages féminins qui n’étaient pas juste là pour faire joli. Il s’agissait, même en une seule image, de raconter en quelque sorte une histoire, ou d’évoquer une ambiance. En général, l’astuce consistait surtout à « déguiser » la bellaminette selon les codes d’un univers (c’était particulièrement le cas dans Casus Belli), et ainsi d’illustrer, de manière un peu décalée et gentiment coquine, les mondes et les aventures qui étaient évoqués dans les articles.

Ça a plutôt bien pris auprès du lectorat, et très souvent, dans les festivals BD ou JdR où je viens parfois dédicacer, je vois arriver des gens qui se souviennent de cette époque, et pour qui la culture jeux de rôle ou informatique libre, etc, est toujours un peu associée aux personnages que je dessinais dans la presse de la période où ils ont grandi, c’est sympa. 🙂

« Bellaminette » est même, pour une partie de cette population de geeks, devenu une sorte de terme générique, pour désigner un personnage féminin gentiment sexy, ce qui est bien sûr extrêmement flatteur. 🙂

Comment vous est venu l’idée de la Bellaminette ? Et question subsidiaire, elle est inspirée d’un vrai modèle ?

À l’époque de mes tout débuts, j’avais formé avec Marc Bati, alors auteur chez Dargaud, où il travaillait en collaboration avec Mœbius (encore lui !) sur la série « Altor », un projet de collaboration BD, qui a d’ailleurs abouti, quelques années plus tard, sous la forme d’une série fantastique pour ados intitulée « Sylfeline ». Mais avant cette série, on a essayé de bricoler de plus petits projets, et l’un de ces projets était une idée de série de courts récits BD en une page avec, à chaque fois, un personnage féminin comme Bati savait que j’aimais en dessiner. Et c’est lui qui a eu l’idée, pour le titre de la série, d’appeler ça « Bellamynettes ». J’ai proposé de renommer ça « Bellaminettes » avec un « i » pour insister plus sur les « minettes » que sur mon nom. Ça n’a pas vu le jour, mais le nom a été repris dans les magazines pour mentionner mes dessins. Je ne suis plus certain à 100 %, mais je crois bien que c’était Pierre Rosenthal qui s’en était servi en premier, pour évoquer la « bellaminette du mois » puisqu’à ce moment là je faisais un dessin chaque mois dans Casus, pour l’édito, ou pour annoncer le sommaire du numéro suivant, je ne sais plus…

Et non, il n’y a pas vraiment de modèle dans la vie réelle pour les bellaminettes, tout simplement parce que les bellaminettes n’essayent pas de ressembler à de vraies femmes, il s’agit plutôt d’une sorte d’allégorie. L’idée est d’évoquer, à travers une beauté un peu irréelle, des notions de tendresse, de douceur et de bienveillance, et de donner forme à un érotisme positif, loin des clichés trash ou provocants des pin-ups de calendriers d’huile pour moteur ou des doubles pages centrales de ces magazines où on ne parle ni de jeux de rôle ni de code source de logiciels… 😉

J’ai appris que vous aviez fait un dessin qui sert de logo aux traducteurs d’un logiciel un peu connu (euphémisme) en français ?

Je suppose qu’il s’agit du T-rex franchouillard que j’avais fait pour Frenchmozilla.org… 😉

Eh bien c’est une preuve, s’il en fallait, que je ne dessine pas que des jeunes filles dévêtues ! Mais ce logo n’est plus visible, je crois, la page du site a changé depuis…

J’ai fait, par le passé, énormément d’illustrations pour des choses (logiciels, affiches de convention, dessins pour des T-shirts, pochettes de CD de distributions Linux, et bien sûr des tonnes d’illustrations dans la presse spécialisée) liées aux logiciels libres, et donc notamment tout un tas de pingouins. Je n’ai fait, bien sûr, que faire référence à l’emblème initialement créé par Larry Ewing pour GNU/Linux, mais en le dessinant et en le mettant en scène à ma façon. On peut notamment reconnaître facilement les pingouins made in Bellamy au fait qu’ils ont un nombril. 😉

Au rayon BD, vous avez dessiné la série Sylfeline, puis Showergate, avant de vous lancer dans l’auto-édition pour votre nouvelle saga, Romance sur Mars. Pourquoi ce choix d’édition ?

Eh bien outre mes nombreuses, et parfois douloureuses, difficultés avec le monde de la presse, j’ai eu des expériences assez pénibles dans le monde de l’édition BD. De plus, ce marché a évolué, à l’époque où j’y travaillais, d’une manière assez bizarre, les maisons d’édition découvrant empiriquement que, plutôt que de se prendre la tête à sélectionner intelligemment auteurs et ouvrages de qualité, et à consacrer des efforts et du temps à en promouvoir les ventes, il était finalement largement plus profitable de signer tout et n’importe quoi, et de remplir les rayonnages des librairies jusqu’à ce que ça déborde, sans faire aucun véritable effort de vente. Au bout du compte, même si plein de titres ne se vendaient plus à cause de la surproduction, leur chiffre d’affaire global était largement bénéficiaire. Évidemment, ça n’arrangeait pas du tout les auteurs, surtout que dans ce contexte de « pêche à la grenade », non seulement on produisait dix fois plus de titres avec le même budget (ce qui veut dire que les auteurs étaient payés une misère, quelle que soit l’ampleur de leur boulot de création), mais en plus des albums qui auraient largement mérité le succès se vendaient peu voire pas, du fait qu’ils étaient dilués dans la masse des parutions et restaient trop peu de temps en librairie à cause de la fréquence des parutions. Plein d’auteurs, y compris certains de ceux qui vendent pourtant assez correctement, jettent l’éponge désormais, parce que c’est devenu invivable, et que contrairement à des salariés, les artistes-auteurs, qui sont des travailleurs indépendants, n’ont aucune véritable protection au titre du droit du travail, et n’ont aucun réel moyen de pression pour faire entendre raison à ceux qui exploitent leur production sans leur reverser de quoi vivre, alors qu’évidemment, tout le secteur du livre, lui, vit (parfois grassement) du travail de ces auteurs.

Alors j’ai tenté ma chance… J’ai trouvé un imprimeur pour sortir en papier (en petit format, en noir et blanc, parce que je n’avais pas les moyens de faire mieux) une BD que j’avais publiée sur mon blog, « Romance de Mars », tout d’abord sans avoir le projet d’en faire un livre. J’avais fait ça pour m’amuser, dans le cadre d’un projet de défi BD avec mon pote TOMKAT, lui aussi auteur désabusé et fan de Mœbius, sans vraiment y croire, mais comme ça plaisait bien, et que je commençais à avoir un sacré paquet de pages (et que je n’avais plus guère de débouchés professionnels !), il m’a semblé que ça pouvait être une « opération de la dernière chance » qui valait le coup d’être tentée…

Et ça a marché ! Après avoir lancé l’impression, j’ai parlé de mon projet sur les réseaux sociaux, j’ai monté une boutique en ligne sur mon site web, et… j’ai vendu tout mon premier tirage avant même de l’avoir reçu de l’imprimeur !

J’étais vraiment en mauvaise posture, matériellement, à ce moment là, et j’avais grillé mes dernières cartouches avec ce projet, mais grâce à mes fidèles lecteurs, je m’en suis sorti : j’ai aussitôt réimprimé, et revendu des exemplaires, et j’ai pu m’organiser, petit à petit, pour être de plus en plus autonome.

L’intérêt était aussi de pouvoir, avec ce genre de BD (le récit a été réalisé par épisodes, ce qui n’était pas vraiment possible avec les éditeurs de BD traditionnels, depuis que la presse BD a quasiment disparu, et que tout a été remplacé par le format classique mais contraignant du 46 pages couleurs), bosser avec un format et une façon de raconter où j’étais beaucoup plus à l’aise, beaucoup plus libre. Finalement, c’était précisément la méthode qui me permettait de faire de la BD en toute liberté, exactement comme le faisait Mœbius à l’époque de Métal Hurlant, et dont les œuvres, justement, m’avaient donné envie de faire ce métier.

Mon travail est modeste et maladroit, je ne le compare pas au sien, bien sûr, mais tout était parti de cette inspiration que m’avaient donné ses œuvres, et il m’avait beaucoup encouragé dans cette voie, à chaque fois que j’avais eu l’occasion d’en discuter avec lui. Il m’a fallu toutes ces années pour commencer à me rapprocher de quelque chose comme ça, et je suis donc super content, même tardivement, d’avoir trouvé un peu de cette liberté.

Les gens que ça intéresse peuvent aller jeter un œil sur la section de mon site qui est consacré à « Romance de Mars » : https://bellaminettes.com/bd/mars/

Ou même (mieux ! ;)) aller se procurer l’album (on ne le trouve que là, il n’est pas distribué dans le circuit classique des librairies, désolé) sur ma boutique : https://bellaminettes.com/boutique/fr/

Je suis extrêmement critique envers le circuit traditionnel des éditeurs de BD, mais je dois leur reconnaître le mérite, même s’ils n’ont pas fait exprès, de m’avoir vraiment encouragé à acquérir cette autonomie et à me passer de leurs services. Merci les éditeurs de BD ! 🙂

Ou en êtes-vous aujourd’hui dans vos projets ? Et pour vos fans en manque, il y a la possibilité de vous donner un coup de main ?

Je voyais des auteurs, ici et là, se lancer dans des projets en crowdfunding, mais ça me laissait un peu perplexe… « Romance de Mars » était un projet que j’avais produit en vivant sur mes réserves et fait imprimer sur mes propres fonds, à une époque où j’avais besoin de me prouver que je pouvais faire une BD qui « marcherait » sans l’aide d’un éditeur, et ça avait fonctionné. Du coup, je me suis décidé à passer à l’étape suivante, et à tenter l’aventure du financement participatif.

C’est que pour produire de la BD, il faut du temps. Et pendant ce temps, il faut manger, se loger, etc. Donc avoir des sous. Faute de la trésorerie d’un « vrai » éditeur qui peut faire des avances sur droits (même si à vrai dire ça n’a plus tellement de sens maintenant que les avances versées par les maisons d’édition sont devenues tellement dérisoires qu’on ne peut plus considérer ça comme viable), l’option consistant à faire appel à la générosité des lecteurs, pour aventureuse qu’elle soit, semblait une piste intéressante.

Je me suis donc créé une page sur Tipeee.com, qui est un site de mécénat, en quelque sorte : les gens envoient des sous, ponctuellement ou chaque mois, au créateur de contenu dont le travail leur plaît, et lui permettent ainsi de travailler de manière relativement autonome sur les projets qu’ils aiment. Je n’avais aucune idée de mes chances d’arriver à quoi que ce soit de plus qu’un petit revenu accessoire, mais ça ne me semblait finalement pas plus idiot que le pari loufoque que j’avais tenté avec « Romance de Mars ». Et en fait, les lecteurs et lectrices (grâces leur soient rendues !)étaient au rendez-vous ! 🙂

Je produis donc maintenant, avec leur participation, plein de nouveaux dessins, et les pages de la suite de « Romance de Mars », qui va s’appeler « Scaphandres et Préjugés », et pour remercier mes gentils mécènes, je produis des goodies exprès, essentiellement des tirages limités que je fais imprimer en couleur, et que j’expédie tous les mois, après les avoir numérotés et signés, à tous les gens qui ont participé à partir d’un certain montant. Il y a aussi des tirages au sort pour gagner des originaux, je fais des tutoriels en vidéo sur des techniques de dessin, etc.

C’est génial ! Au lieu de bosser dans l’angoisse et la rancœur pour des éditeurs sans scrupule, je fais ce que j’aime pour faire plaisir à des gens qui me soutiennent, et je peux leur dire merci en leur envoyant des cadeaux ! C’est un peu une version inversée, et fantastiquement plus sympa, du monde de l’édition traditionnel… 😉

Les gens que ça intéresse peuvent aller voir sur : https://www.tipeee.com/bruno-bellamy

Une planche de “Romance sur Mars”

Vous me rappeliez en préparant cette interview, vous n’avez jamais dessiné un Bellaminette qui fume. Et une Bellaminette qui vape, ça pourrait arriver, un jour ?

Je n’ai jamais fumé ni vapoté de ma vie, donc je dois avouer, même si je ne porte aucun jugement sur ces pratiques, que ça ne m’était pas vraiment venu à l’esprit. Mais j’ai aussi dessiné des bellaminettes en guerrières de l’espace, alors que je n’ai jamais utilisé un pistolaser ni vogué en apesanteur, donc va savoir… 😉

Que pensez-vous sur le phénomène vape ?

Comme évoqué ci-dessus, je crains de n’avoir pas grand-chose à dire sur ce sujet, faute d’une quelconque expérience personnelle… Mais TOMKAT, l’ami que j’évoque plus haut qui a joué un rôle déterminant dans la genèse de « Romance de Mars », m’a expliqué avoir utilisé ça comme un moyen pour arrêter de fumer, essentiellement en créant lui-même ses mélanges pour la vape, en diminuant progressivement la proportion de nicotine, ce qui me semble une approche à la fois pertinente pour la santé et assez créative. Il m’a parlé, aussi, du fait que certains conçoivent des appareils assez sophistiqués, personnalisés, décorés, avec parfois des modèles en série limitée, recherchés par les collectionneurs, etc. Encore une fois, je n’y connais rien, mais ça a l’air d’être un univers assez rigolo. 🙂

Pour finir, le dernier mot est pour vous. Que souhaiteriez-vos dire aux lecteurs du Vaping Post ?

Ah ah ! J’ai déjà été bien trop bavard… 😉

Je ne sais pas si ça peut s’appliquer à la vape, mais ce que m’a appris ma passion du dessin et de la BD, c’est qu’aucune concession, aucune prise de tête, ne vaut vraiment la peine. Simplifiez-vous la vie, et surtout faites-vous plaisir ! 🙂

Bruno Bellamy, Merci !

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