La plateforme annonce une nouvelle politique destinée à lutter contre la désinformation médicale. Mais qui sera apte à juger qu’une information est fausse et non pas véridique, mais simplement contestée ?
La fin du contenu de qualité sur le vaping ?
Sera-t-il bientôt impossible d’être correctement informé sur YouTube au sujet de la réduction des risques offerte par la cigarette électronique par rapport au tabagisme ? Il y a quelques jours, dans un billet de blog, la célèbre plateforme de partage de vidéos a annoncé partir en guerre contre la « désinformation médicale ». Utilisé par plus de 2,5 milliards de personnes chaque mois, le site, deuxième le plus visité au monde après Google, a toujours été un lieu de libre expression pour ses nombreux utilisateurs. Mais ce fait pourrait bien être sur le point de changer.
Afin de lutter contre les fausses informations, la plateforme a annoncé sa volonté de « rationaliser des dizaines de [ses] directives existantes en matière de désinformation médicale pour les classer dans trois catégories : prévention, traitement et déni ». Voici à quoi ressemblera le cadre mis en place, selon le docteur Garth Graham, directeur et responsable mondial des partenariats dans les domaines de la santé et de la santé publique chez YouTube, et Matt Halprin, vice-président et responsable mondial de la confiance et de la sécurité pour la plateforme :
- Prévention de la désinformation : nous supprimerons le contenu qui contredit les directives des autorités sanitaires sur la prévention et la transmission de conditions sanitaires spécifiques, ainsi que sur l’innocuité et l’efficacité des vaccins approuvés. Par exemple, cela englobe le contenu qui fait la promotion d’une substance nocive pour la prévention des maladies.
- Désinformation sur le traitement : nous supprimerons le contenu qui contredit les directives des autorités sanitaires sur les traitements pour des problèmes de santé spécifiques, y compris la promotion de substances ou de pratiques nocives spécifiques. Les exemples incluent le contenu qui encourage les remèdes non prouvés au lieu de consulter un médecin pour des conditions spécifiques, comme la promotion du chlorure de césium comme traitement du cancer.
- Désinformation sur le déni : nous supprimerons le contenu qui conteste l’existence de conditions de santé spécifiques. Cela couvre le contenu qui nie que des personnes sont mortes du COVID-19.
Juge et bourreau
Si l’intention du site d’hébergement de vidéos est louable, cette nouvelle politique soulève certaines questions. Qui aura le pouvoir de réguler le contenu disponible sur YouTube ? Qui sera apte à décider qu’une vidéo contient de la désinformation et qu’il faut donc la supprimer ?
Pour certains sujets, le tri entre le vrai et le faux devrait être facile. Comme l’indiquent les auteurs du document, « une vidéo qui prétend que “l’ail guérit le cancer” ou “prendre de la vitamine C au lieu de la radiothérapie” serait supprimée ». Dans des cas comme ceux-là, il semble difficile de contester le fait que ce type de contenu est dangereux et préjudiciable pour la santé publique. Mais qu’en est-il des sujets plus épineux, comme celui de la cigarette électronique ?
Puisque YouTube explique qu’ils « supprimeront le contenu qui contredit les directives des autorités sanitaires », cela signifie-t-il que puisque l’OMS est contre la vape, toutes les vidéos expliquant que vapoter est moins nocif que fumer, ou que l’e-cigarette peut aider à arrêter de fumer, seront supprimées ? La ou les personnes en charge de la régulation, ou pire, les robots qui le feront, seront-ils capables de repérer les sujets qui sont simplement victimes de résultats scientifiques contradictoires ? Et quand bien même ce serait le cas, que deviendront les vidéos qui traitent desdits sujets ? Autant de questions qui restent pour l’instant sans réponse.
À l’heure actuelle, les dirigeants de YouTube ont annoncé qu’ils se focaliseront sur le sujet des cancers. Depuis la semaine dernière, la suppression de nombreuses vidéos a déjà commencé. En revanche, comme indiqué dans le communiqué, à l’avenir, d’autres conditions, substances et traitements entreront dans le champ d’application de ces nouvelles directives. « Pour déterminer si une condition, un traitement ou une substance entre dans le champ d’application de nos politiques de désinformation médicale, nous évaluerons si elle est associée à un risque élevé pour la santé publique », est-il expliqué. Avec près de 8 millions de morts chaque année à travers le monde, difficile de croire que le sujet du tabagisme, et tout ce qui s’y rapporte, échapperont à ces nouvelles règles.
À trop vouloir museler ses utilisateurs, la plateforme de vidéo pourrait bien s’enfermer dans un cercle infernal à l’intérieur duquel seuls certains discours et points de vue seront autorisés, y compris ceux propageant de fausses informations, dont elle souhaite pourtant protéger ses visiteurs.
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