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Puffs en France : à peine interdites, déjà dispo sur le marché noir

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Quelques heures après leur interdiction, les puffs étaient de retour sur le marché français, littéralement. Et cette fois-ci, elles n’ont même plus à s’encombrer de quelconques réglementations. Ceci, bien entendu, grâce au marché noir, qui se paie le luxe de revêtir des formes surprenantes.

Bientôt un massacre de la Saint-Valentin pour les puffs ?

C’est une leçon que les gouvernants ne semblent jamais retenir, et qui pourtant n’est pas neuve : interdire quelque chose qui a de la valeur ne la fait pas disparaître, mais réapparaître au marché noir, se dispensant de toute réglementation, puisque, quitte à être dans l’illégalité, autant s’affranchir de toutes les lois.

Bien entendu, on songera à la prohibition aux États-Unis, mais Al Capone et consorts n’ont rien inventé : le plus ancien trafic documenté est celui de l’ambre, 4 500 ans avant notre ère. Sel et épices au Moyen Âge, armes et drogue à notre époque, tout ce qui est interdit ou lourdement taxé a son marché noir.

Les spécialistes du secteur se sont donc demandé, quand l’interdiction des puffs est survenue, combien de temps allait s’écouler entre l’entrée en vigueur de la mesure et la constitution d’un réseau de vente parallèle. Réponse : le marché noir semblait déjà s’organiser dès que la loi a été votée en première instance, avant le vote définitif et la promulgation. On peut même considérer qu’il s’est constitué avant l’apparition du produit.
Pour comprendre cela, il faut remonter en 2019 : le phénomène “puff” apparaît sur les réseaux sociaux, où les influenceurs peu scrupuleux font, auprès de leur public, l’apologie des vapes jetables, avec des liens pour s’en procurer directement sur des boutiques situées à l’étranger, souvent en Chine.

L’apparition massive des puffs sur le marché physique est alors une riposte au marché parallèle : les fabricants qui ont pignon sur rue voient la possibilité de récupérer la manne, opportunité saisie au bond par les commerçants, buralistes, boutiques de vape, mais aussi bimbeloteries. On a trouvé des puffs sur des présentoirs à la caisse de solderies comme Gifi, sans parfois que la caissière s’embarrasse de vérifier l’âge de l’acheteur.

C’est la facilité d’accès et les prix agressifs qui ont démantelé, la première fois, le marché parallèle de la vape jetable. D’une certaine manière, l’interdiction des puffs a juste renvoyé la vape jetable à son point de départ pour courir une course différente.

La mafia recrute, salaire selon expérience

Et donc, un beau matin, Cédric Laot, directeur du réseau L’Écovapoteur, a eu la surprise de trouver, dans sa messagerie professionnelle, une proposition directe et claire. Une marque chinoise lui proposait “des puffs pour le marché noir”.

Et ce n’est pas le seul : d’autres boutiques de vape nous ont confirmé avoir reçu la même offre. Tous ont décliné, plus ou moins poliment.

“Pas tous”, modère Théo (prénom changé à sa demande), gérant d’une boutique de vape dans le Var. “Une boutique pas très loin de chez moi a accepté. Je l’ai su parce que des gamins sont venus m’en réclamer et m’ont nargué en m’expliquant que mon confrère en vendait, lui. Je sais que sa boutique ne marche pas très bien, mais ce n’est pas une solution, s’il se fait attraper, c’est fini pour lui. Je ne dirai pas qui c’est, je n’ai pas envie de balancer.”

Quand on cherche du côté du fabricant d’où proviendrait l’offre, tout se complique : la compagnie existe, fabrique effectivement des puffs pour le marché chinois et des pods pour l’export, mais en la contactant pour solliciter son service commercial, impossible d’obtenir une proposition pour du matériel illégal. Le numéro WhatsApp n’est plus attribué, mais le lien du site Internet mène bien vers la société. Est-ce que le fabricant a renoncé ? Est-ce qu’il s’agit d’une usurpation ou d’un service commercial parallèle ? En tout cas, le trafic est bien alimenté.

L’école du crime

Audrey Le Fur, créatrice et directrice de la boutique O Mon Vapô (en ligne et à Montpellier), n’a pas été démarchée par des vendeurs de puffs. Par contre, elle a eu des acheteurs.

“Des jeunes sont venus dans la boutique en demandant si on n’avait pas des puffs à vendre, raconte-t-elle. Ils nous ont expliqué qu’ils voulaient monter un trafic à l’école.” Les “apprentis Scarface” se sont fait rire au nez et sont repartis penauds. Et c’est vrai que, dans ce cas, l’anecdote est rigolote. Mais dans ce cas uniquement.

“Tu n’as qu’à m’appeler Joey, demande le patron de cette boutique de vape située en région parisienne. Au collège-lycée près de chez moi, le trafic de puffs, dans la cour, c’est une réalité.”

Sur la provenance des puffs, sans certitude, il a sa petite idée : “Tous les gamins sont branchés sur Instagram, TikTok et compagnie. Tu trouves encore aujourd’hui des gens qui te proposent des puffs qui arrivent depuis la Chine. Et les grands frères ont leur réseau pour d’autres substances un peu plus fortes, disons. Je pense que quand tu importes de la coke ou du crack, trouver des puffs, ça doit être facile.”

La crainte de ce commerçant ? Que les jeunes qui “jouent au client de dealers” dans la cour de l’école ne soient savamment orientés vers les vrais dealers, quelques rues plus loin. Un bémol cependant : si cet exemple est édifiant, il semble néanmoins circonscrit à des zones dans lesquelles d’autres trafics sont déjà durablement installés, partageant une partie de leur logistique et de leur expérience. Le problème, ici, n’est plus seulement celui de la puff, c’est celui des trafics en général.

Heat et puff

Certains diront, à juste titre, “Je vous l’avais bien dit.” L’interdiction des puffs n’a fait que créer un marché parallèle, qui échappe à tout contrôle sanitaire par définition, et qui ne fait, dans certains cas, que s’ajouter à une prébende déjà bien fournie.

La logique est simple : en Chine, la vape jetable est la seule forme autorisée, les chaînes de fabrication existent et sont déjà configurées pour les gros marchés. La marge significative sur les produits encourage les apprentis trafiquants, et les services de contrôle – étant sous-configurés par rapport aux volumes transitant à travers les frontières – font que l’interception est rare et peu coûteuse sur le volume. Une demande déjà existante, la certitude d’une rentabilité confortable et des risques très réduits. Qu’est-ce qui peut mal tourner ?

On pourrait croire que cela servirait d’exemple pour faire réfléchir les décideurs à de futures interdictions, mais, nous l’avons dit au début de l’article : ça fait 6 500 ans qu’on leur explique, ils ne comprennent toujours pas.

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