La Ploom est un vaporisateur de tabac commercialisé en France depuis quelques semaines. Je me suis procuré un exemplaire afin de comprendre plus en détails son fonctionnement et faire l’expérience malsaine de ce nouveau produit du tabac.
La confusion comme outil marketing
Parler de la cigarette électronique me conduit parfois à faire des choses assez incongrues. Alors que je ne fume plus de cigarettes depuis maintenant trois ans et que j’oppose traditionnellement la cigarette électronique au tabac, me voici aujourd’hui face à un produit financé et distribué par Big Tobacco, en l’occurence par la JTI (Japan Tobacco International).
Le nom ne vous a sûrement pas échappé, la Ploom a fait la Une de nombreux journaux il y a quelques semaines lors de sa récente commercialisation dans les bureaux de tabac français. Si elle soulève des problèmes syntaxiques, puisque que le terme vaporisateur est employé par son fabricant, la Ploom suscite aussi la crainte des professionnels de santé les plus informés. Bertrand Dautzenberg, que l’on connait bien dans le monde de la vape, aurait même qualifié le produit de cancérigène.
Si l’affirmation peut paraitre exagérée (faute d’informations précises sur les composés présents dans la vapeur de la Ploom) la confusion entre ce nouveau produit du tabac et la cigarette électronique pourrait en revanche créer des débats plus concrets. La cigarette électronique, volontairement renommée vaporisateur personnel par de nombreux professionnels du secteur afin de s’écarter des codes du tabac, bénéficie pour le moment de nombreuses preuves confirmant son pouvoir de réducteur des risques. Ne contenant pas de tabac et ne produisant aucune combustion, l’e-cigarette a su convaincre petit à petit des millions de fumeurs en France et de nombreux professionnels de santé. Mais voilà que ce produit qui contient du tabac, semble surfer sur le phénomène de l’ecig.
Sa récente commercialisation est en fait relativement tardive puisque le modèle actuel de la Ploom (baptisé à l’origine Model Two) est vendu depuis juillet 2013 aux États-Unis. Le modèle Plax, qui permet de chauffer tout type de tabac, est quant à lui commercialisé depuis juin 2012. On peut alors se demander pourquoi le fabricant a attendu si longtemps.
Ma curiosité l’emportant sur ma répulsion, j’ai poussé l’incongruité jusqu’à demander à un membre actif du mouvement EFVI de me procurer la Ploom dans un bureau de tabac de la région parisienne, seul secteur géographique pour le moment ciblé par la firme. Aussitôt acheté, aussitôt envoyé, me voilà avec le paquet sur mon bureau à contempler son contenu.
Un design raffiné
Si il y a bien un point sur lequel la Ploom peut entrer en compétition avec une cigarette électronique, c’est bien sur le packaging. L’ensemble est soigné et inspiré des produits des grandes sociétés californiennes. C’est clair, élégant, et tout est écrit dans un français parfait.
Si les produits de la vape étaient tous accompagnés d’un mode d’emploi comme celui-ci, Youtube hébergerait surement moins de vidéos expliquant comment monter le dernier atomiseur reconstructible à la mode (le plaisir n’y serait certes plus). Mais le professionnalisme de la société californienne ne s’arrête pas à son mode d’emploi et à son emballage, puisque la Ploom en elle même est très réussie.
La Ploom est conique avec un effet d’aplatissement sur le bas au niveau des connectiques de chargement. Élément plus intéressant, le drip tip plat qui épouse parfaitement la forme des lèvres, se finit par une petit fente à son extrémité, laissant passer la vapeur à la fois sur le palais et sur la langue.
Le chargeur USB est de forme carrée et dispose d’une surface antidérapante prévenant la Ploom de tomber par inadvertance. L’objet qui se pose tête vers le haut n’est en effet maintenu que par magnétisme sur son socle. Quand la ploom charge, sa diode vous indique la bonne marche du processus, il vous faudra alors attendre 90 minutes pour enfin faire l’expérience de cette nouvelle manière de fumer (réinventée selon les fabricants).
Les Vapods : des mini capsules Nespresso sans café
Le génie commercial de la Ploom tient sans doute dans les petites capsules baptisées Vapods. Faites d’aluminium et colorées comme des petits bonbons, ces capsules vont s’insérer dans la tête du vaporisateur pour ensuite être chauffées et générer de la vapeur, ou plutôt de la fumeur, ou de la fapeur, enfin bref, un truc.
La Ploom ne s’en cache pas, elle appartient à la catégorie des produits du tabac et n’échappe pas aux jolis habillages que l’Union européenne a concocté pour les industriels. Le but est simple : réduire l’attractivité des paquets de cigarettes auprès des consommateurs, surtout les jeunes, et les apeurer avec des visuels trash. Mais la Ploom s’en sort plutôt bien car même avec les visuels habituels (énorme tumeur cancérigène, bouche édentée etc.) le format inhabituel de ces Vapods et de leur emballage offrent une nouveauté graphique qui pourra malheureusement séduire une nouvelle clientèle.
J’ai posé le paquet de Vapods devant ma concubine avant de procéder à mon test :
– “Hoooooo, c’est trop chouki, c’est trop mini, … c’est quoi ?”
– “C’est la nouvelle arme de Big Tobacco pour maintenir les quotas.”
– “Ha.”
Impossible d’y échapper, c’est elle qui a placé un Vapod dans la Ploom. Elle a choisi la couleur jaune puis verte. Ploom, pataploom, attendons maintenant 30 secondes.
Une fumée presque imperceptible et un goût des plus désagréables
Avant de tirer sur la Ploom je n’ai pas pu m’empêcher de me poser la question de la composition de ces Vapods. Sur un paquet on peut lire qu’il s’agit de tabac et de “succédanés”, c’est à dire des produits similaires au tabac, qui peuvent remplacer le tabac. Sur le site officiel de la Ploom on parle de sélection des meilleurs tabacs, d’herbes botaniques et d’arômes naturels ainsi que d’humidificateurs, mais difficile de comprendre exactement les ingrédients. Aucune inscription sur la teneur en goudron ou en nicotine, seule la proportion de tabac et succédanés ainsi que les agents de texture et de saveur est mentionnée au dos des paquets.
A l’usage la Ploom produit une fumée presque imperceptible. J’ai personnellement trouvé difficile de produire un nuage à l’expiration, les volutes sont bien là mais restent très discrètes. Le hit est quand à lui bien présent et ce tabac transformé laisse en bouche un goût très prégnant. La chaleur de la fumée n’est pas très agréable et l’on sent que la Ploom chauffe vraiment, comme l’annonce le fabricant sur son site (entre 175 et 180 degrés Celsius). On peut d’ailleurs entendre un léger bruit de crépitement permanent lorsque l’appareil est en fonction. Perversion commerciale, l’utilisateur n’a que 10 minutes pour fumer son Vapod à 50 centimes. Il ne faut donc pas trainer et prendre sa dose, mais sa dose de quoi ?
Vous l’avez compris mon expérience a été globalement très négative. C’est terrible à dire mais sur l’échelle de mes préférences morbides, je placerais même la Ploom après le tabac. Même si l’invention de la Ploom vient de deux étudiants de l’université de Stanford, j’ai le sentiment très clair que la JTI cherche à vendre du tabac sous une autre forme et à élargir son offre pour gagner plus de clients, ou rattraper ceux qui s’en vont. Pour moi cela ne fait aucune doute, la Ploom est un échec.
Ce qui me rassure c’est que ce type de produit ne pourra jamais techniquement concurrencer une cigarette électronique. En revanche la confusion qu’il apporte dans le champ de la réduction des risques est très préoccupant.
Le consommateur saura-t-il faire la différence ?